Un livre qui risque de fâcher Sarkozy : Les Hauts-de-Seine, heurs et malheurs du fief des Sarkozy

Il s’était efforcé de ne commettre aucun faux pas depuis son départ de l’Elysée. C’est une fois de plus par le biais de son ancien fief des Hauts-de-Seine que la polémique rattrape Nicolas Sarkozy. L’ex-président de la République, et ancien président du conseil général du département, est mis en cause dans un brûlot de Marie-Célie Guillaume, directrice de cabinet de Patrick Devedjian (Le Monarque, son fils, son fief, éditions du Moment, 2012, 18,50 euros). La jeune femme y raconte les menaces, les complots, les règlements de comptes orchestrés par l’ex-président, son fils Jean et leurs amis politiques, aux dépens du président du conseil général.
Ecrit comme un roman à clés avec des personnages surnommés le Monarque, l’Arménien, le Dauphin, les Thénardier (le couple Balkany), l’ouvrage est émaillé de dialogues réels, pour la plupart, et de scènes évocatrices des pratiques des plus hautes sphères du pouvoir. Elle campe ainsi le Monarque pressant une élue venue lui demander une subvention de céder à un caprice sexuel dans son bureau.

L’ouvrage, très médiatisé – sorti le 14 juin, il s’est déjà vendu à 10 000 exemplaires -, suscite une vive polémique que M. Sarkozy peine à arrêter. Officiellement, aucun des élus UMP des Hauts-de-Seine, interrogé par Le Monde, ne s’est entretenu du livre avec l’ex-chef de l’Etat. "Il a d’autres préoccupations", assure Roger Karoutchi, secrétaire départemental de l’UMP. Sous le couvert de l’anonymat, certains confient cependant qu’il ne se prive pas d’épancher son courroux : "Sarkozy n’a pas digéré la scène du livre qui se passe dans son bureau. Il veut la peau de Devedjian", atteste un élu UMP.

RÈGLEMENT DE COMPTES PERSONNEL

La présidente du groupe UMP du conseil général, Isabelle Caullery, a confié à des proches avoir été interrogée par M. Sarkozy sur les sanctions que ses troupes comptaient prendre contre le patron du département. Pour ne pas avoir à supporter les turbulences de la crise, Mme Caullery a démissionné, lundi 18 juin, de la tête du groupe.

Comme son père, Jean Sarkozy brûle d’en découdre avec M. Devedjian. Mais la crainte d’apparaître comme l’orchestrateur d’un règlement de comptes personnel le conduit à rester en retrait.

L’indignation de l’UMP locale est à son comble : "Ce livre est un torchon qui nous salit, nous et nos amis nationaux", s’indigne Yves Menel, vice-président du conseil général. "Cet ouvrage rompt la confiance que nous avions établie avec M. Devedjian", assure Eric Berdoati, maire de Saint-Cloud et rapporteur général chargé des finances au conseil général. "Ce n’est pas un livre politique. C’est le révélateur d’un problème pathologique chez Devedjian, qui s’est toujours considéré comme l’éternelle victime", lâche Jean-Jacques Guillet, président de la fédération UMP des Hauts-de-Seine.

Mais les élus du département n’arrivent pas à décider d’une riposte. D’autant que M. Devedjian a paré leurs attaques. Devant le bureau départemental de l’UMP, mardi 19 juin, le patron du "92" a déclaré ne pas avoir été mis "au courant" du livre, et a regretté sa publication. "Nous n’en croyons pas un mot, et je le lui ai dit", assure M. Berdoati. Comme gage de sa bonne foi, M. Devedjian s’est engagé à licencier Mme Guillaume.

HOSTILITÉ À JEAN SARKOZY

En mars 2011, le licenciement de sa directrice de cabinet lui avait été déjà demandé par M. Sarkozy, qui lui reprochait une attitude trop hostile à Jean Sarkozy au moment de sa tentative avortée pour prendre la direction de l’Etablissement public d’aménagement de La Défense (EPAD), ce qu’elle a toujours nié.

C’était une exigence posée par le chef de l’Etat en échange de son soutien pour la réélection de M. Devedjian à la présidence du département. Celui-ci n’a jamais signifié son congé à Mme Guillaume.

A l’époque, les élus du conseil général avaient réélu M. Devedjian sur ordre de l’Elysée, qui espérait "neutraliser son pouvoir de nuisance" en le maintenant en poste, explique l’un d’eux. "Je ne me suis pas gênée pour dire à Nicolas qu’il avait eu tort, déclare au Monde Isabelle Balkany, première adjointe à Levallois. C’était la bonne solution politique mais la mauvaise pour le département. Le livre de Mme Guillaume me donne raison", assure cette amie de M. Sarkozy.

Dépourvus de moyens de renverser M. Devedjian, sauf à bloquer l’institution départementale, les élus UMP envisagent de convoquer le président du conseil général pour "une explication". "La moindre des choses serait qu’il nous demande un vote pour savoir si nous lui accordons encore notre confiance", affirme M. Berdoati.

S’il ne semble pas très inquiet d’éventuelles représailles de la droite locale, M. Devedjian sait que le danger pourrait venir de la gauche. Le candidat du Mouvement républicain et citoyen (MRC) soutenu par le PS, Julien Landfried, battu au second tour des législatives, le 17 juin, de 191 voix par M. Devedjian dans la 13e circonscription, a introduit un recours en annulation du scrutin. Il estime que le député s’est placé dans l’illégalité en choisissant Georges Siffredi, maire de Châtenay-Malabry, comme suppléant. Ce dernier est en effet également remplaçant sur la liste sénatoriale de 2011. Or "le cumul suppléant-remplaçant est interdit par la loi", assure M. Landfried. M. Siffredi affirme avoir démissionné de la liste sénatoriale. Selon la jurisprudence, une telle démission est impossible. M. Landfried a déposé son recours, mercredi 20 juin, devant le Conseil constitutionnel… où siège désormais M. Sarkozy.

LeMonde.fr

Fri, 22 Jun 2012 00:19:00 +0200

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