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    La Liberté d'Informer

    L’art de dire et de se dédire aussi facilement 

    ByLa Dépêche d'Abidjan

    Mai 10, 2024
    En 2010, Achille Mbembe, qui n’est pas philosophe mais historien, invitait les Africains qui « cherchent à inventer leur futur à oublier la France, à ne pas lui reconnaître plus de pouvoir qu’elle n’en dispose vraiment, à regarder ailleurs » (cf. « Télérama » du 9 octobre 2010).
    L’auteur de “Afriques indociles”(Paris, Karthala, 1988), excellent ouvrage dont je fis l’éloge la même année dans “Telema”, une revue jésuite publiée à Kinshasa et dirigée à l’époque par le Père Boka di Mpasi Londi, ne faisait que reprendre une idée de Frantz Fanon (cf. « Les Damnés de la terre », Paris, Maspero, 1961).
    Le 30 avril 2023, sur NCI, une des chaînes de Dominique Ouattara, Mbembe soutenait qu’il serait « difficile de dire que la relation entre la France et ses ex-colonies ne sert plus à rien », que la France a posé des gestes qui montrent qu’elle a changé. Les gestes en question sont la restitution des objets d’art volés au Bénin pendant la colonisation, la rencontre entre Macron et un groupe de jeunes africains à Montpellier en octobre 2021, la fin du dépôt des réserves de change en France. Ah bon! La France a changé? Vraiment?
    Moi, je ne vois aucun changement dans le comportement des dirigeants français. Ce que j’observe plutôt, même de la part de Macron qui n’a pas connu la colonisation, c’est le non-respect des promesses faites, l’arrogance, le mépris, le pillage des matières premières sans aucune contrepartie pour les populations africaines, le deux poids, deux mesures à propos du troisième mandat, le soutien à des satrapes incompétents et cruels, le maintien des bases militaires françaises dans certains pays africains, l’ingérence de la France dans des affaires qui ne la concernent en rien.
    Que s’est-il passé pour que Mbembe utilise son talent pour encenser aujourd’hui un pays qu’il clouait au pilori hier ? Pourquoi a-t-il retourné sa veste ? Cela ne m’a pas pris beaucoup de temps pour trouver l’explication. L’historien qui fit connaître le combat et le martyre de Ruben Um Nyobè a changé parce que Macron lui a offert 50 millions d’euros. Cet argent, qu’il gérera avec le Sénégalais Souleymane Bachir Diagne, est destiné à lancer une fondation sur la démocratie au moment où de plus en plus de Français admettent à la suite d’Emmanuel Todd que la démocratie occidentale est morte et qu’elle a été remplacée par une oligarchie affairiste dont le but inavoué est de faire disparaître l’État.
    Quelqu’un a dit que, « quand l’argent parle, la vérité se tait ». N’y sommes-nous pas? En tout état de cause, Mbembe qui pense que la France a changé et qu’il faut rester avec elle prouve ici qu’il fait partie des pseudo-intellectuels dont l’ambition, au dire de Fabien Eboussi Boulaga, un vrai intellectuel celui-là, n’est ni de dire la vérité, ni de libérer, ni de défendre, ni de faire respecter l’Afrique mais « d’entrer dans les circuits où se stockent et se redistribuent les biens rares, les honneurs et les plaisirs » (« Lignes de résistance », Yaoundé, Clé, 1999).
    Lui et d’autres petits sophistes qui confondent diplômés et intellectuels ne peuvent inspirer que le dégoût. Finalement, on a envie de dire que ces gens-là ne valent pas un clou car ils ne brillent que par leur opportunisme et cupidité. Um Nyobè, Fabien Eboussi Boulaga et Jean-Marc Éla doivent se retourner dans leur tombe.

    Jean-Claude Djéréké 

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