En 2010, Achille Mbembe, qui n’est pas philosophe mais historien, invitait les Africains qui « cherchent à inventer leur futur à oublier la France, à ne pas lui reconnaître plus de pouvoir qu’elle n’en dispose vraiment, à regarder ailleurs » (cf. « Télérama » du 9 octobre 2010).
L’auteur de “Afriques indociles”(Paris, Karthala, 1988), excellent ouvrage dont je fis l’éloge la même année dans “Telema”, une revue jésuite publiée à Kinshasa et dirigée à l’époque par le Père Boka di Mpasi Londi, ne faisait que reprendre une idée de Frantz Fanon (cf. « Les Damnés de la terre », Paris, Maspero, 1961).
Le 30 avril 2023, sur NCI, une des chaînes de Dominique Ouattara, Mbembe soutenait qu’il serait « difficile de dire que la relation entre la France et ses ex-colonies ne sert plus à rien », que la France a posé des gestes qui montrent qu’elle a changé. Les gestes en question sont la restitution des objets d’art volés au Bénin pendant la colonisation, la rencontre entre Macron et un groupe de jeunes africains à Montpellier en octobre 2021, la fin du dépôt des réserves de change en France. Ah bon! La France a changé? Vraiment?
Moi, je ne vois aucun changement dans le comportement des dirigeants français. Ce que j’observe plutôt, même de la part de Macron qui n’a pas connu la colonisation, c’est le non-respect des promesses faites, l’arrogance, le mépris, le pillage des matières premières sans aucune contrepartie pour les populations africaines, le deux poids, deux mesures à propos du troisième mandat, le soutien à des satrapes incompétents et cruels, le maintien des bases militaires françaises dans certains pays africains, l’ingérence de la France dans des affaires qui ne la concernent en rien.
Que s’est-il passé pour que Mbembe utilise son talent pour encenser aujourd’hui un pays qu’il clouait au pilori hier ? Pourquoi a-t-il retourné sa veste ? Cela ne m’a pas pris beaucoup de temps pour trouver l’explication. L’historien qui fit connaître le combat et le martyre de Ruben Um Nyobè a changé parce que Macron lui a offert 50 millions d’euros. Cet argent, qu’il gérera avec le Sénégalais Souleymane Bachir Diagne, est destiné à lancer une fondation sur la démocratie au moment où de plus en plus de Français admettent à la suite d’Emmanuel Todd que la démocratie occidentale est morte et qu’elle a été remplacée par une oligarchie affairiste dont le but inavoué est de faire disparaître l’État.
Quelqu’un a dit que, « quand l’argent parle, la vérité se tait ». N’y sommes-nous pas? En tout état de cause, Mbembe qui pense que la France a changé et qu’il faut rester avec elle prouve ici qu’il fait partie des pseudo-intellectuels dont l’ambition, au dire de Fabien Eboussi Boulaga, un vrai intellectuel celui-là, n’est ni de dire la vérité, ni de libérer, ni de défendre, ni de faire respecter l’Afrique mais « d’entrer dans les circuits où se stockent et se redistribuent les biens rares, les honneurs et les plaisirs » (« Lignes de résistance », Yaoundé, Clé, 1999).
Lui et d’autres petits sophistes qui confondent diplômés et intellectuels ne peuvent inspirer que le dégoût. Finalement, on a envie de dire que ces gens-là ne valent pas un clou car ils ne brillent que par leur opportunisme et cupidité. Um Nyobè, Fabien Eboussi Boulaga et Jean-Marc Éla doivent se retourner dans leur tombe.
Jean-Claude Djéréké
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