« Dites au Président Alassane Ouattara que le peuple de Gagnoa l’aime, le soutient et soutient son action. Pour le vérifier c’est tout simple. À Gagnoa, la sous-préfecture et la commune comptent cinq élus. Quatre sont du parti RHDP du Président Ouattara. Il n’y a pas une meilleure façon de dire à un homme politique qu’on est avec lui et qu’on l’aime. C’est le message essentiel ici que je voudrais que vous lui transmettiez. Le peuple de Gagnoa l’aime. Il l’aime profondément et accepte son action puis adhère à son action. » Tels sont les propos du chef Boga Sivori lors de son investiture le week-end dernier en présence des ministres de Ouattara.
Ces propos ont ému certaines personnes qui se sont exprimées publiquement pour dire leur désapprobation. Mais peut-on donner tort au chef Boga Sivori alors qu’il se base sur des chiffres pour tirer des conclusions qui s’imposent logiquement à lui ? Peut-on avoir quatre élus sur cinq dans une région sans être considéré comme le plus populaire dans cette région ? Seuls les hommes politiques et autres observateurs peuvent parvenir à de telles conclusions contraires en mettant en avant les fraudes éventuelles qui auraient conduit à ces résultats, pas le chef de village ou du département qui sont les premiers maillons de l’administration. Le chef Boga Sivori a donc pris acte d’une situation et il a surtout dit ce que les gens voulaient entendre. Mais est-ce que Gagnoa aime vraiment Ouattara ? Est-ce que les ministres de Ouattara qui étaient à cette cérémonie croient vraiment que Gagnoa adore Ouattara ? Et est-ce Ouattara lui-même croit à cet amour débordant que Gagnoa éprouverait à son égard ? Soyons sérieux et posons-nous la question suivante : Si Ouattara était persuadé que Gagnoa « l’aime profondément, accepte et adhère à son action » , pourquoi laisserait-il cette ville et cette région dans un état d’abandon ?
À Gagnoa, il y a forcément des gens qui aiment Ouattara parce qu’ils profitent pleinement, certains depuis la rébellion, des avantages de leur collaboration, et d’autres depuis 2011 avec l’accession de la rébellion au pouvoir d’état mais en réalité, les choses ont toujours été ainsi. Les chefs traditionnels ont toujours « soutenu officiellement » le pouvoir en place, et les cadres, ceux qui ont quelque chose à protéger et ceux qui cherchent une table au restaurant, ont toujours chanté les louanges du pouvoir mais cela n’a jamais eu aucune espèce d’influence sur l’état d’esprit des populations du GOH qui sont très sensibles aux valeurs morales, notamment de justice et de liberté.
Mais disons surtout que les chefs de village ne sont pas des hommes politiques, et que c’est certainement une erreur de vouloir donner une portée politique à leurs déclarations.
Vous savez, le 11 juillet 1985, après que le tout Gagnoa s’est déplacé à Yamoussoukro chez Houphouët-Boigny, ce dernier est lui aussi venu à Gagnoa pour sceller avec la population une réconciliation qui devait se faire sur le dos d’un fils de la région, en l’occurrence Laurent Gbagbo, alors en exil. Certains cadres de cette région, qui ont eu dans leurs vies des responsabilités gouvernementales dans le pays, et des responsabilités politiques au sein du PDCI du président Houphouët-Boigny , et qui parlaient à cette occasion au nom des populations, n’avaient pas hésité à vilipender ce fils du pays qui se battait pour le multipartisme , allant jusqu’à le traiter d’aventurier. Certains de ceux-là avaient fini par rejoindre le président du FPI (ancien nom du parti de Gbagbo) devenu président de la république parce qu’ils avaient compris que son combat n’était pas un combat pour Gagnoa mais un combat pour la Côte d’Ivoire. D’ailleurs, ces derniers, a-t-on appris plus tard, avaient toujours été avec lui mais sans le montrer publiquement. Ce qui prouve qu’il ne faut pas se fier aux paroles prononcées lors des cérémonies parce que personne n’est dupe.
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