Demba Traoré, ancien DG du VITIB, l’un des accusés de tentative de coup d’Etat réagit ‘‘Je mets au défi Hamed Bakayoko…’’

De quoi s’agit-il exactement ? De quoi parle le ministre Hamed Bakayoko ?
Ce que je peux dire est que je suis informaticien, et pas militaire. Les armes que je connais sont le clavier et la souris. Si je suis coupable d’une chose, c’est de ma loyauté envers le président Laurent Gbagbo. Au passage, je demande à Hamed Bakayoko de respecter cette loyauté comme je respecte la sienne vis-àvis de M. Ouattara. Et la comparaison entre lui et moi s’arrête là. Je ne suis ni de près de loin mêlé à un coup d’Etat. Mais j’assume avec responsabilité le fait de communiquer pour Laurent Gbagbo, le fait de défendre l’image de Laurent Gbagbo sur Internet. Et l’élément dont Hamed Bakayoko parle n’est rien d’autre qu’un document de communication qui a circulé dans le cadre d’un brainstorming, d’une réflexion collective. Des gens ont été cités dans ce document sans même avoir été contactés. Et c’est dommage qu’on en fasse une telle exploitation aujourd’hui. Parce que ce document est parvenu dans ma boîte le 20 juin 2011. Il était question dans ce documentlà de voir comment on peut améliorer l’image du président Gbagbo. Nous avions communiqué pour lui pendant la campagne. Et deux mois après son arrestation, des gens nous ont fait des propositions. Nous n’avons même pas réagi à ces propositions. Mais effectivement, ce document a circulé. Kassoum Fadiga, Aly Keïta, Mme Nady Bamba, Ousmane Sy Savané et Ibrahim Magassa l’ont reçu au même titre que moi. Malheureusement, aujourd’hui Ibrahim Magassa et Ousmane Sy Savané sont emprisonnés. Nous autres, avons eu plus de chance. Nous sommes en liberté. Mais ceux qui sont embastillés – et ceux qui les connaissent le savent ! – sont loin d’être des putschistes.
Pouvez-vous nous expliquer comment ces arrestations se sont déroulées, partant de celle de M. Magassa ?
Ibrahim Magassa est un citoyen français vivant en France et il est allé une première fois au pays lors des funérailles de sa soeur. Il est reparti pour les cérémonies du quarantième jour, et il a été arrêté à l’aéroport d’Abidjan. C’est un ami intime de Kassoum Fadiga [ancien directeur général de la Petroci et beau-frère de Nady Bamba, ndlr], et il n’y a que ceux qui ont été ou sont leurs proches qui le savent. Parce qu’on en veut à Kassoum pour des raisons que j’ignore, on l’a arrêté. Ils ont commencé à fouiller tout ce qu’il y avait dans le courrier électronique d’Ibrahim. Et ils ont trouvé une «mailing-list» et un document de stratégie. Et par coïncidence, les stratégies proposées ont d’une certaine manière produit des effets sans avoir été réellement mises en oeuvre. Il a été ainsi proposé d’entrer en contact avec des personnalités de tout bord comme Jean-Luc Mélenchon, François Hollande et Marine Le Pen. Et si vous avez suivi l’actualité, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont fait des sorties en faveur du président Gbagbo. Pure coïncidence… Est-ce cela qui a inquiété le pouvoir en place ? En tout cas, ils sont allés mettre la main sur Ousmane Sy Savané [le directeur général du groupe de communication Cyclone, fondé par Nady Bamba, ndlr]. C’est quand ce dernier a été arrêté que nous avons su qu’Ibrahim Magassa l’avait été aussi [la famille du concerné souhaitait gérer la question dans la discrétion, ndlr]. Jusque-là, on attendait d’avoir les éléments objectifs de l’arrestation d’Ousmane Sy Savané. Lorsque Hamed Bakayoko est venu à la télévision, et a cité un certain nombre de personnes et des documents spécifiques, cela a fait «tilt» dans ma tête. Et je suis allé fouiller dans ma boîte à lettres électronique et j’ai retrouvé ce document qui a atterri dans ma boîte le 20 juin 2011.
Et dans ce document, il n’est absolument pas question de coup d’Etat…
Pas le moins du monde. Au contraire, vous le constaterez, il s’agit de voir comment une solution durable de retour à la paix peut être envisagée, notamment en empêchant l’extradition du président Laurent Gbagbo à la Cour pénale internationale. Parce que déjà à cette époque, on en parlait. C’est un simple document de communication qui n’a pas été validé. C’est juste une proposition ! Ce document évoque notamment l’utilisation de l’image de la mère du président Gbagbo pour des raisons émotionnelles, mais cela n’a pas été validé… Utiliser ces éléments-là pour évoquer une tentative de coup d’Etat est quand même gros. A la limite, c’est une insulte à notre intelligence.
On a l’impression qu’Hamed Bakayoko voulait lier ce document à l’affaire Lida Kouassi. Or si l’on s’en tient à vos explications, il n’en est rien…
Il n’y a rien à voir entre ce document et l’affaire de Lida Kouassi ou du colonel Katé. Moi qui vous parle, je n’ai pas d’amitié parmi les militaires. Pas parce que j’ai quelque chose contre eux, mais c’est une question de circonstances. J’ai été directeur général du VITIB, et je n’avais pas de garde de corps. Contrairement à beaucoup de directeurs généraux d’entreprises publiques. Ce n’est pas aujourd’hui que je suis dans la vie civile que je vais rentrer en contact avec des militaires… Hamed Bakayoko a dit quelque chose que je saisis au rebond. Il a dit qu’il met au défi toute personne qui veut authentifier les documents. Moi aussi, je le mets au défi. Il a été ministre des NTIC. Qu’il expose ses documents à des analyses FORENSIC, qui permettent d’authentifier des documents numériques. On peut soumettre ce que nous avons et ce qu’il a à des instituts indépendants. Il en existe à travers le monde. Le document que nous avons n’a jamais parlé de coup d’Etat. Si je suis coupable de quelque chose, c’est de ma loyauté vis-à-vis du président Gbagbo. Ce ne sont pas des menaces et des attributions de coups d’Etat qui me feront dévier de cette ligne.
Quelles sont, selon vous, les intentions d’Hamed Bakayoko ? A-t-il des précédents avec l’un d’entre vous ? Que veut-il ?
J’éviterai de parler au nom des autres. Mais je sais qu’il connait le couple Fadiga et les Bamba. Et je crois qu’il leur en veut vraiment. Il a lâché la phrase lors de son intervention télévisée en disant qu’Ousmane Sy Savané est l’homme de main de Nady Bamba. Tel est le motif fondamental de son incarcération. Peut-être Hamed Bakayoko constate-t-il qu’un an après son arrestation, le président Gbagbo continue d’avoir une bonne image auprès des Africains sur Internet. En persécutant des personnes liées à la cellule de communication qui a géré sa campagne lors de la présidentielle, peut-être veut-il casser cette machine.
Avez-vous un message particulier à faire passer aux Ivoiriens ?
Je leur dis de rester sereins. Je parle là en tant que responsable du FPI. Nous avons perdu le pouvoir après des interventions militaires. Nous avons pris acte. Nous nous sommes battus pour arriver au pouvoir par les urnes après 30 ans d’opposition. Je suis convaincu que le président Gbagbo n’est pas coupable de ce qui lui est reproché. Avec conviction, je suis à son service pour améliorer son image. Si c’est un crime, je suis prêt à me rendre dans n’importe quelle juridiction pour répondre de ce crime. Mais de grâce, qu’on ne me mêle pas à des affaires militaires. Une fois de plus, je mets au défi le ministre Hamed Bakayoko, en tant qu’ex-ministre des NTIC. Exposons nos preuves à des instituts internationaux, faisons authentifier nos documents. C’est ma contribution au rétablissement de la vérité sur la Côte d’Ivoire. Je l’invite à relever ce défi.
Par Théophile Kouamouo in Le Nouveau Courrier
Fri, 15 Jun 2012 19:27:00 +0200
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