Devant le tribunal correctionnel de Paris, l'”imbécillité” de Jean-Paul Guerlain

Commentant la création d’un parfum qu’il destinait à une femme dont il était tombé amoureux, il avait eu cette formule : "Pour une fois, je me suis mis à travailler comme un nègre. Je ne sais pas si les nègres ont toujours tellement travaillé, mais enfin…" Le propos "aux effluves nauséabondes" comme l’avait relevé quelques commentaires, avait suscité une vive émotion. Le monsieur avait eu beau s’excuser par un communiqué adressé à l’agence France presse (AFP), auprès de "tous ceux qui ont pu être blessés", les réactions n’avaient pas tardé.
"GUERLAIN LE PARFUMEUR QUI PUE"
"Guerlain le parfumeur qui pue" s’était indigné la Toile, tandis que plusieurs associations antiracistes comme SOS racisme, le MRAP ou la LICRA avaient déposé plainte. Atteinte par la vigueur des attaques, la société Guerlain, dont le parfumeur n’était plus qu’un conseiller, avait condamné les propos de son ancien actionnaire, tout en rappelant qu’il n’était plus salarié de l’illustre maison depuis 2002.
Seize mois après, M. Guerlain se confond encore d’excuses devant ses juges "J’ai dit une imbécillité" répète-t-il à la barre. Avançant l’âge de ses artères, il tente de se justifier : "J’ai entendu cette phrase toute ma jeunesse. C’était une expression très courante à l’époque. Heureusement elle ne l’est plus. Je présente mes excuses. Je n’ai jamais été raciste." Et pour preuve, M. Guerlain rappelle ses nombreux séjours "en Afrique Noire" quand son oncle l’y avait envoyé, et en amoureux des femmes qu’il a toujours été, il indique qu’il a eu "pendant très longtemps plus qu’une amitié avec une Togolaise".
Alors pourquoi user d’une telle formule ? s’étonne la présidente Anne-Marie Sauteraud. "J’ai lâché ça comme ça," dit-il. A l’entendre, un peu sans se rendre compte, manière de faire un trait d’humour. Monsieur Guerlain, c’est le bourgeois gentilhomme. Il fait du racisme sans le savoir comme monsieur Jourdain faisait de la prose" plaide l’avocat de l’association Alliance noire citoyenne.
Pour Alexandre Auber, le représentant du ministère public qui a requis une amende de 7 500 euros, la question à laquelle le tribunal devra répondre n’est pas de savoir si M. Guerlain est "à titre personnel raciste ou non", mais de savoir si "les propos de M. Guerlain constituent une injure raciste". Et selon le parquet, c’est à n’en pas douter. Citant Victor Hugo Alexandre Auber souligne que le terme nègre avait été "inventé par le mépris des blancs". Jugement attendu le 29 mars.
lemonde.fr
Fri, 10 Feb 2012 21:27:00 +0100
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