Extrait de “Cheikh Anta Diop ; l’historien de la religion d’Amon” 2017, Yossi Traoré Adama Editions Afrocentricity International
“Il est indéniable que Cheikh Anta Diop n’exige pas le retour des chrétiens et des musulmans à la religion de leurs ancêtres. Cependant, il est aussi clair qu’il invite les Africains adeptes des religions étrangères à prendre conscience que la religion africaine, qui est la religion nationale, constitue la base de la civilisation africaine. Elle est, en dernière instance, le rempart le plus sûr contre toute aliénation culturelle insidieuse de l’étranger.
De même que la constitution de l’Union Européenne considère l’héritage religieux européen comme une des bases de sa civilisation et affirme que les peuples européens sont fiers de leur identité et de leur histoire nationale , de même les adeptes des religions étrangères doivent considérer la religion africaine comme devant être la source principale des valeurs de la société dans laquelle ils vivent.
Or, c’est la Maat, le plus ancien code moral de l’humanité – attestée dès le quatrième millénaire avant l’ère occidentale – qui détermine toutes les valeurs morales et éthiques, le droit, les rapports sociaux et économiques, la psychologie que partage encore aujourd’hui toute l’Afrique négro-africaine. Elle est l’incarnation des principes d’équilibre, d’harmonie et de justice. Toutes les sociétés traditionnelles africaines ont conservé ce code exigeant dans leurs langues. Ainsi les Baoulé le nomment-ils « Gnamien mla » , la Loi de Dieu. La Maat est donc au cœur des enjeux de la renaissance africaine et les Africains convertis aux religions étrangères sont face à leurs responsabilités. Que doivent-ils faire quand les valeurs et les pratiques de leur nouvelle religion sont en contradiction avec leur conscience historique et, pour dire clairement, leur patriotisme ? Doivent-ils renoncer à leurs nouvelles religions ou doivent-ils l’amener à s’acclimater à la culture africaine, c’est-à-dire, en dernière instance, à respecter les valeurs ancestrales africaines de la Maat ? Tel se pose le problème.
Toutes les thèses qui soutiennent qu’on peut être panafricaniste au sens de Diop et être adepte d’une religion étrangère ne résistent pas à l’analyse approfondie de la pensée.
En réécrivant l’histoire de la religion africaine, Cheikh Anta Diop ne fait pas seulement œuvre de science mais il pose un acte politique et historique de très haute portée en posant pour la première fois, et de manière ferme, les bases théoriques de la renaissance religieuse africaine. Ce qui constitue un véritable appel à la reprise de l’initiative historique par les Africains.”
Yossi Traoré Adama
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