Musée des civilisations noires de Dakar : un panafricanisme revendiqué

Toutânkhamon (né vers -1345, mort vers -1327) est le onzième pharaon de la XVIII dynastie (Nouvel Empire)

L’origine des mondes culturels. Élu par le magazine Time comme l’un des 100 lieux phares à voir dans le monde, le jeune Musée des civilisations noires de Dakar mise sur un art transafricain contemporain pour mettre en lumière le pluralisme du continent. Un défi inédit devenu réalité en 2018 grâce au soutien financier de la Chine.

Au cœur de la capitale sénégalaise, la structure du MCN évoque une petite case ronde très commune en Afrique, mais ici de 14 000 mètres carrés sur quatre étages. Le Musée des civilisations noires de Dakar – momentanément fermé en raison de la Covid-19 – se veut le symbole d’une volonté commune de différents pays du continent africain de s’unir afin de montrer la diversité de leurs traditions culturelles et de leurs artistes contemporains. Un projet global panafricain qui remonte aux années 60, finalement permis par l’aide financière de la Chine, et qui aboutit au moment même d’un débat sans précédent en France sur la restitution des biens culturels africains.

Une idée portée dès 1966 par Léopold Sédar Senghor

Suite aux indépendances successives des anciennes colonies du continent, plusieurs voix ont émergé avec la volonté de lancer un projet qui réunisse tous les pays d’Afrique. Il s’agissait de rassembler tous ces peuples autour d’un but commun pour qu’ils puissent s’affirmer sur la scène internationale, en excluant les restes de colonialisme européen.

L’idée d’un musée comme clé de voûte de cet objectif est évoquée en septembre 1956 au premier Congrès des écrivains et artistes noirs, à la Sorbonne. Elle est ensuite proposée en 1966 à Dakar lors du premier Festival mondial des arts nègres par Léopold Sédar Senghor, intellectuel et président du Sénégal de 1960 à 1980. Il souhaite mettre en œuvre ce projet culturel africain au Sénégal même, provoquant dès lors de vives critiques parmi les représentants du mouvement panafricain.

Historien, spécialiste de l’Afrique et du panafricanisme, Amzat Boukari-Yabara revient sur ce mouvement “qui s’inscrit dans une histoire, dans des résistances menées par des esclaves déportés dans les Amériques, donc à partir du XVIe, XVIIe siècle. À travers des résistances culturelles, militaires, politiques, sociales et qui s’est cristallisé au XIXe siècle au moment des abolitions“. Cette conception politique qui encourage l’autonomie du continent africain et la solidarité entre ses citoyens sera par ailleurs revisitée à l’aube des indépendances africaines dans les années 50 et 60. Ce projet muséal panafricain souhaite ainsi s’inscrire dans ce mouvement en mettant en avant des objets forts d’affirmations culturelles.

Après un long silence des instances politiques, l’idée ressurgit dans les années 2000 par le biais de plusieurs intellectuels et du Président sénégalais Abdoulaye Wade. Cependant, pendant de nombreuses années les difficultés et les doutes s’accumulent. Malgré une volonté première de construire par leurs propres moyens un projet exclusif au continent, le musée ne pourra voir le jour que bien des années plus tard grâce au financement des infrastructures par la Chine. La première pierre de ce futur musée est posée en 2003 alors même qu’il n’a pas encore été décidé “ce que sera le musée” : sa place dans le paysage muséal, ses missions, les outils à mettre en place, les stratégies et mécanismes pour mener des activités, etc.

Fin juillet 2016 a alors lieu une Conférence Internationale de Préfiguration du Musée des civilisations noires. Plusieurs acteurs et historiens sénégalais se réunissent, dont l’actuel directeur général du lieu, le professeur Hamady Bocoum, afin de déterminer les missions et les visées de ce projet culturel.

Deux objectifs émergent alors :

  • Réaliser un musée non-ethnographique, c’est-à-dire non consacré uniquement aux arts premiers, et non-commémoratif du passé d’esclaves des populations du continent. L’idée est de mettre en lumière d’autres aspects méconnus de l’Afrique, pour que le musée devienne un “outil de développement scientifique, culturel, économique et social couplant technologie et respect des arts et cultures africaines”.
  • Montrer la vitalité de l’ensemble du continent africain à travers “des cultures et civilisations des mondes noirs”. Cette réappropriation de son histoire culturelle passe par la mise en place de logiques et politiques muséales propres au continent africain, tel un musée qui soit aussi un centre culturel avec des espaces d’échanges et de créations.

Le Musée des civilisations noires est finalement inauguré à Dakar le 6 décembre 2018 par le Président du Sénégal, Macky Sall, en présence de nombreux officiels et représentants des pays africains. Plus de 500 œuvres d’art sont ainsi présentées dans ce nouveau lieu de culture. Pour le dirigeant Macky Sall, alors en campagne pour un deuxième mandat à la tête du pays, ce projet culturel fait “resurgir en nous les précurseurs du panafricanisme et de l’identité africaine“.

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