La notion de fétiche, forgée en Afrique par les marchands portugais du xve siècle pour désigner les charmes et amulettes qu’ils trafiquaient, est aujourd’hui peu employée par les anthropologues, en raison des usages péjoratifs qui ont pu en être faits à l’époque coloniale. En revanche, elle est présente dans le vocabulaire courant de bon nombre de populations d’Afrique noire, qui nomment féticheurs les spécialistes de ces objets rituels. Soucieux de revoir la question, Jean-Paul Colleyn en appelle aux nombreux travaux existant aujourd’hui sur les croyances et les religions africaines pour remettre à l’examen cette notion embarrassante, qui a connu d’intéressants réemplois en psychanalyse et en philosophie. Comme les y invitait le mot (feiticio = chose fabriquée), les premiers commentateurs n’ont vu dans les fétiches africains qu’une panoplie d’ustensiles magiques, utilisables à des fins positives ou négatives : pas de religion, mais beaucoup de superstition. Néanmoins, comme le montre J.-P. Colleyn à propos de l’aire Mandé (Afrique de l’Ouest), les fétiches font couramment l’objet d’un culte : on leur sacrifie des animaux, on leur offre de la bière, du lait, des céréales… Bref, ils apparaissent aussi comme des entités divines ou ancestrales. C’est cette ambiguïté même qui, pendant longtemps, a entretenu l’image du fétichisme comme modèle de confusion entre un objet matériel et une entité spirituelle. Par dérivation, le « fétichisme de la marchandise », chez Karl Marx, incarne une autre sorte d’illusion sur la nature véritable des biens du marché (produits, monnaie).

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