Me Agathe Barouan : « L’histoire de la Côte d’Ivoire, l’accusation en a fait une caricature »
La représentante légale des victimes avait des Ebrié dans sa liste ? Je dis tout de suite non, si j’en crois la liste qu’elle même a voulu nous lire tout à l’heure sur les origines des victimes. Je le dis et je le répète, en Côte d’Ivoire, les populations ne vivent pas parquées par groupe ethnique. C’est vrai, il y a des quartiers où des groupes sont dominants, mais le système des cours communes en Côte d’Ivoire et la colportation de nos coutumes villageoises en ville les obligent à vivre en
communauté quelles que soient les origines des groupes qui constituent la population dans la cour commune. Donc le miracle qui consiste à n’avoir qu’un seul groupe ethnique, que des membres d’un seul camp tués dans une attaque systématique en Côte d’Ivoire est un miracle possible par l’opération de l’accusation et de la représentante légale des victimes. Mais hélas, c’est un miracle, c’est un drame pour la Côte d’Ivoire.
Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les juges, je voudrais continuer mon propos sur des choses beaucoup plus générales. Après ces trente heures d’audience, les Ivoiriens, toutes les personnes qui tressaillent au nom Côte d’Ivoire, les Africains ou les non-Africains qui pleurent l’Afrique au travers de la douloureuse histoire de la Côte d’Ivoire sont à la fin de notre audience entre tristesse et espoir. Tristesse devant une accusation qui déforme l’histoire pourtant bien récente.
L’histoire de la Côte d’Ivoire, l’accusation en a fait une caricature qui ne lui a pas permis de pouvoir saisir les enjeux et de comprendre la réalité dans la crise dans ce pays. Certes, on me dira que dans ce prétoire aujourd’hui, c’est Laurent Gbagbo qui est concerné par la procédure. Mais, faut-il le rappeler, le droit pénal et toutes discussions relatives à des charges pénales ne se nourrissent que de la réalité du terrain traité. En déformant les faits, l’accusation ne peut présenter un dossier de qualité à votre Cour. Madame la présidente, Mesdames et Messiers les juges, actuellement en Côte d’Ivoire, se chante un hymne, l’hymne à la réconciliation. Dans cet hymne, la justice judiciaire ou juridictionnelle est présentée comme l’élément incontournable et préalable. Alors peut-on rendre justice en faisant fi de la réalité ? La réponse est évidemment non.
Ce qu’on attend de la réconciliation, c’est l’écoute de tous. Chacun veut être entendu dans sa détresse pour repartir grâce au dialogue et regarder ensemble avec les autres pour la réconciliation de la Côte d’Ivoire. Une histoire trahie conduit où ? On l’a déjà indiqué, à de nouvelles violences. Parce qu’elle nie la souffrance des vraies victimes et n’identifie pas les vraies causes du conflit pour en résoudre les problèmes posés. Dans ces conditions, peut-on se reconstruire et construire ensemble ? Comme vous le voyez, la réconciliation ne peut se faire que si la vérité est respectée et c’est le respect de la vérité qui fait la justice. Est-ce la vérité de la défense qui voit comme un clair de lune sur la plaine dissiper la nuit des allégations du camp de l’accusation ? Madame la présidente, honorables juges, à cette interrogation, les populations de Côte d’Ivoire et d’ailleurs, les amis de la Côte d’Ivoire répondent avec espoir : la lumière triomphe toujours des
ténèbres et quelle que soit la longueur de la nuit, le jour finit par s’élever.
Je vous remercie.
Propos recueillis par César Ebrokié in Notre Voie
Sun, 03 Mar 2013 00:12:00 +0100
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