Répondant à Maurice Bandama – Serges Kassy à propos de John Kiffy : “Pendant la crise, il est passé gentiment à l’aéroport de Port-Bouët pour s’envoler vers la France, pays où il réside”

À Monsieur Maurice Bandama
Ministre de la culture de la République de Côte d’Ivoire

Cher aîné,

Je me réjouis qu’en ce jour, vous soyez la deuxième personne du régime, après Alpha Blondy, mon grand frère, à reconnaitre devant le monde entier que dans la crise post électorale de 2010, je n’ai rien fait que de soutenir le président Laurent Gbagbo, et que je pouvais rentrer dans mon pays sans y être inquiété.
Je me réjouis particulièrement car il s agit de vous, ministre dans le gouvernement actuel, donc l’une des voix autorisées.
Je vous le dit car dans le pays qui m’accueille, vos militants de manière méchante et inhumaine mènent une campagne auprès des autorités de ce pays, afin de me présenter comme un milicien pro-Gbagbo. Merci pour cette précision cher grand frère.
Pour revenir au sujet, j’ai appris qu’ il y a quelques jours, au concert de John Yalley (KIFFY), vous m’avez interpellé avec Gadji Celi, nous demandant de faire comme John Yalley. En clair, vous nous demandez de rentrer au pays parce qu’il ne nous arrivera rien.
Je voudrais vous remercier pour le combat que vous menez depuis pour notre retour. Mais cher grand frère, je me plais souvent à dire que tous le moutons marchent ensemble, mais ils n’ont pas le même prix.
Je respecte le choix de tous les nôtres qui sont rentrés, ils ont certainement leur raison. Ce que je retiens, c’est qu’ on était dans le même train, mais on n’ avait pas la même direction, et le même arrêt.
Revenant à John Yalley, monsieur le ministre, cher grand frère, nous ne sommes pas comparables. J’ai eu ma résidence attaquée et pillée par les rebelles venus du Golf hôtel, lui non. J’ avais mon nom inscrit sur la liste des personnes a éliminer, lui non. J’ai été traqué dans toute la ville par les rebelles qui voulaient m’assassiner, lui non. J’ étais obligé de fuir mon pays en traversant le fleuve Tanoe qui nous sépare du Ghana pour me réfugier dans ce pays, lui non. C’ est de ce pays frère que j’ai pu m’envoler pour atterrir dans cet autre pays qui m’ accorde en ce moment gite et couvert et qui me permet de respirer l’air frais de la vie, alors que les rebelles voulaient y mettre fin, lui non. Lui par contre, pendant la crise est passé gentiment à l’aéroport de Port-Bouët pour s’envoler vers ce pays là où il réside.
Vous voyez bien monsieur le ministre que nous ne sommes pas comparables ! Mieux cher grand frère, pendant que vous vous battez pour que nous rentrons au pays, mon ami et frère Charles Blé Goudé, qui comme tout le monde le sait, n’ a jamais pris d’arme ni fait la guerre – il a été de tout le temps celui qui a valorisé le combat aux mains nues, qui a été de toutes les actions de paix surtout l’initiateur du pays – est toujours détenu dans les geôles de la DST. Jean Yves Dibopieu, un autre ami et frère, jeune étudiant, membre de l’alliance des jeunes patriotes, réfugié depuis la crise post électorale au Ghana comme moi, a été exfiltré par les services de renseignements généraux ivoiriens pour être détenu sans jugement, sans avoir rencontré un juge, et sans visite, dans la triste célèbre DST, décriée par toutes organisations des droits de l’homme.
Ce jeune étudiant, cher aîné, croupit depuis bientôt 8 mois dans ce mouroir légalisé sans que personne ne s’émeuve. Nous avons fait le même choix, celui de Laurent Gbagbo.
Voici cher aîné, quelques bribes des causes qui nous amènent à penser que notre vie est en danger si nous rentrons dans notre pays. Surtout cher aîné, que les pro-Gbagbo croupissent très nombreux encore dans les geôles du pays, surtout au nord, et que mon soutien indéfectible pour le président Laurent Gbagbo ne souffre d’ aucune ambiguïté, vous comprenez mon amertume, et savoir que mes bourreaux d’hier, sont hélas encore au pays.
Je terminerai cher aîné pour vous dire que pour le moment les conditions d’un retour au pays ne sont pas réunies. Je rentrerai un de ces quatre quand tous les enfants de ce pays mien, de l’est à l’ouest, passant du nord au sud, se donneront la main pour conduire ce beau pays, défiguré par une guerre absurde et bête, dans le concert des Nations.
J’ai aussi une pensée cher aîné, pour ces moments si conviviaux que nous passions tranquillement dans la paix et dans la joie, si vous vous souvenez au Deux-plateaux chez Pako, où presque chaque matin, nous prenions notre café autour des journaux du matin. Eh bien, ces temps là me manquent cher aîné.

Bien de choses à la famille.
Juste la voix de l’artiste.

Serges Kassy
Artiste – Musicien – Chanteur
Chevalier de l’orde du mérite nationale.
Chevalier du mérite culturel de Côte d’Ivoire

Fri, 11 Oct 2013 17:53:00 +0200

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