Le cheveu, c’est politique, rappelle le documentaire «Je suis noires»

Objet de fascination comme de mépris, le cheveu texturé – crépu, frisé ou bouclé – incarne encore aujourd’hui l’histoire de la domination d’une population et de ses normes sur une autre. Il est au cœur d’un documentaire présenté au FIFDH.

«Don’t touch my hair» (ne touche pas mes cheveux), chante Solange, la petite sœur de Beyoncé, dans un nuage de tresses piquées de bijoux. Ce qui a tout l’air d’une phrase anodine reflète en réalité une expérience commune à de nombreuses personnes afrodescendantes: les cheveux texturés – crépus, frisés ou bouclés – font encore trop souvent l’objet d’une fascination aux sombres relents d’exotisme. Mais il n’y a pas que ça.

Stratégies de survie

Au cœur du documentaire Je suis noires de Rachel M’Bon et Juliana Fanjul, traitant du racisme en Suisse et présenté au FIFDH ce début mars, la question du cheveu texturé revient dans les bouches des protagonistes pour éclairer une blessure profonde: encore aujourd’hui, le cheveu crépu représente le «mauvais» héritage capillaire, face à la «bonne» chevelure – la norme – lisse et longue. Il faut donc le cacher sous une perruque ou des rajouts, le discipliner. Le casser. «Se lisser les cheveux a longtemps été associé à des stratégies de survie: durant l’esclavage ou la colonisation, c’étaient les femmes avec la peau la plus claire et les cheveux les plus lisses qui pouvaient quitter les champs pour travailler dans les maisons», rappelle Sylvie Makela, cofondatrice du salon de coiffure Tribus Urbaines à Lausanne, dont la raison d’être est la mise en valeur des cheveux texturés.

La sociologue Juliette Smeralda, qui a consacré deux livres à ce sujet – Peau noire, cheveux crépus. Histoire d’une aliénation et Du cheveu défrisé au cheveu crépu – ne dit pas autre chose. Les outils utilisés autrefois pour soigner ces cheveux et le savoir-faire en la matière ont été perdus. Le peigne «des Blancs» est devenu la norme, sauf qu’il est inadapté. Les séances de coiffure tournent alors à la torture, renforçant dans l’esprit des principales concernées le stigmate d’un cheveu inapproprié, sauvage, récalcitrant.

Séquelles psychologiques

A travers l’histoire du cheveu crépu se prolonge donc celle de la domination d’une population sur l’autre. C’est aussi pour cela que l’Unesco a classé le défrisage parmi les séquelles psychologiques liées à la traite négrière. Cette pratique, qui consiste à employer des produits chimiques très agressifs pour altérer la texture du cheveu, est encore abondamment utilisée et peut malheureusement conduire à de graves brûlures du cuir chevelu.

Lire a suite sur : letemps.ch

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