Reportage / Sud Bandama : Guitry, une région en lambeaux

Photo : DR
Située dans la région du Sud-Bandama, la ville de Guitry fait partie des premières villes de Côte d’Ivoire à être érigées en sous-préfecture depuis les années 1960. Devenue un département à part entière en 2009, la ville est en attente de l’ouverture de deux routes principales qui feront d’elle une ville-carrefour. La première part de Divo. La seconde part de Yocoboué, pour ceux venant d’Abidjan, passant par Grand-Lahou. Se rendre à Guitry est un parcours du combattant. L’état de la route et des véhicules de transports n’encourage pas à s’y aventurer. Au péril de leurs vies, des milliers d’individus empruntent cette voie chaque année. En saison pluvieuse, ne peut donc aller à Guitry qui veut.

Guitry, terre d’hospitalité et de convivialité

Il était 10 heures, le jeudi 10 juin 2010, lorsque nous quittions Abidjan pour cette localité riche en ressources naturelles. A Guitry, il y a pratiquement tout, en raison de la pluviométrie élévée et d’une terre favorable à toutes les récoltes, notamment le café-cacao, le palmier à huile, l’hévéa… A cause de cette richesse naturelle, Guitry est devenue une région attractive pour de nombreuses communautés en quête de terre fertiles et cultivables. Parmi ces communautés, il y a des allogènes, des autochtones. Le peuple Dida, les autochtones, ne représente qu’entre 13 et 15%. Le peuple Baoulé et ceux venus du Burkina Faso ou du Mali, représentent 43 à 45% de la population. Le reste est composé des Bété, des Guéré et des Dans. Pour être précis, l’arrivée des Guéré dans cette région au cours de ces dernières années est le fait de la guerre. Fuyant les zones de combats en 2002, ceux-ci ont été contraints de se réfugier à Guitry. Grâce à cette diversité culturelle, ethnique et religieuse, Guitry a toujours su garder sa renommée : une région d’hospitalité à l’égard de ses hôtes. Ce qui fait d’elle une région accueillante et intégratrice. «Ici, on ne fait pas palabre. On se considère tous comme des frères et sœurs d’une seule mère», ajoute un autochtone de la région, qui ne trouve aucun inconvénient à cohabiter avec des peuples venus d’ailleurs. Tous assis sous un hangar de fortune, des habitants partagent ensemble quelques godets de vin de palme.

Une région engagée dans la diversification

Sur le plan agricole, Guitry fait partie des régions de Côte d’Ivoire où tout réussit. On y cultive le café et le cacao, qui sont les principales sources de revenus du pays. Aujourd’hui, en raison des contraintes et des incertitudes du marché de ces deux prodits, la région a adopté une nouvelle attitude en s’adonnant aux cultures de substitutions que sont le palmier à huile et l’hévéaculture. Deux cultures qui semblent prendre le pas sur les deux premières. Les producteurs de la région de Guitry ne veulent pas se laisser distraire. D’où le choix d’anticiper, comme l’a voulu le premier président de Côte d’Ivoire, feu Félix Houphouët Boigny, en encourageant la diversification. On sait que par exemple, pour le Nord de la Côte d’Ivoire, l’ex-président avait encouragé la culture de la canne à sucre. Ce qui a amené la création de plusieurs complexes sucriers. Et pour la partie Sud-ouest du pays, il avait été envisagé plusieurs plans dont les projets cocotiers et palmier à huile. A chaque région de la Côte d’Ivoire, était affecté un projet spécifique. Faisant partie de la région du Sud-Bandama, Guitry devrait en principe bénéficier d’un plan de développement agricole, eu égard à sa position.

Entre défaillances et désintérêts des cadres

Le plus gros péché de Guitry, ce qui fait d’elle une région enclavée, c’est la route. Outre le mauvais état la route, l’axe Divo-Guitry est réputé dangereux, à cause des coupeurs de route qui profitent de cette situation pour dépouiller automobilistes et passagers. Emprunter cet axe non bitumé est un véritable cauchemar pour les automobilistes et passagers. Car, le passager subit d’interminables secoussses. Sans compter avec la crainte d’être les otages des coupeurs de route, qui sont devenus les ‘’maîtres’’ de ces lieux du fait de l’impressionnant armement dont ils disposent. «Notre chance maintenant est qu’il y a des dozos qui surveillent la route. Sinon, il y a peu, on ne pouvait pas emprunter cette voie. Les coupeurs de route font ce qu’ils veulent et il n’y a personne pour les chasser. Ils sont même plus armés que la gendarmerie. Mais on espère qu’on arrivera à Guitry sans problème », explique M. Beugré Roger, fils de Bobia-Dougou, un gros village de la sous-préfecture. A la vérité, comme le soulignent certaines voix, ces coupeurs de routes feraient partie des groupes d’auto-défense qui se seraient enfuis avec des armes à feu. Toutefois, notre voisin de siège dans le mini-car de transport, loue le courage des transporteurs qui empruntent régulièrement cet axe. «On ne peut pas se fâcher contre eux, même s’ils (les transporteurs) disent que le tarif de transport passent à 2000 ou 3000 FCFA. C’est dur, mais c’est un service qu’ils nous rendent. A cause du mauvais état de la route, on est obligé d’aller faire un long détour pour 1500 FCFA. Je loue leur courage. Car, ce n’est pas facile. Pour une petite distance de 42 km (Divo-Guitry), on est obligé de passer entre 2 et 3 heures de route», souligne Beugré Roger, avec qui nous avons partagé un siège, initialement destiné à deux personnes, avec un troisième passager. C’était le début d’un voyage qui indique que les infrastructures routières font défaut à Guitry. Et la surprise surviendra, lorsque nous découvrons Guitry, une sous-préfecture depuis 1961 devenue département en 2009. En réalité, la ville de Guitry, avec ses anciens bâtiments coloniaux, est l’ombre d’elle-même. Mais il semble, à première vue, que Guitry est une ville abandonnée. « Merci d’être venu voir de près et découvrir Guitry. Nous vivons ici comme si on n’a pas de cadres. On est né en brousse et on mourra en brousse. Vérifiez vous-même, on n’a rien ici comme infrastructure. Et pourtant, on a des cadres qui ne passent leur temps qu’à se battre», déplore Kipré Yves. Non sans dénoncer l’attitude de ses aînés qui empêchent le développement de Guitry. «Ici, tout le monde veut se faire un nom. Et quand on te voit émerger, on te casse. C’est pourquoi, personne ne veut s’engager. Sinon, il y a des personnes de bonne volonté qui veulent faire quelque chose pour la région. Mais le manque d’entente et les superstitions font qu’on a peur », précise notre interlocuteur. Le préfet de Guitry, M. Oka, refuse, pour des raisons de procédures administratives, de se prononcer sur les causes du retard du développement de Guitry. Mais toujours est-il que la population est persuadée que les cadres y ont une grande part de responsabilité. Eux qui sont accusés de ne rien faire, pour impulser le développement de la région. A Guitry, il y a assez de cadres. «Beaucoup de nos cadres mangent chaque jour à la même table que le Président de la République. Qu’attendent-ils pour nous sortir de ce trou ? On a l’impression que personne ne s’en soucie et que chacun pense à ses propres intérêts ». C’est le sentiment des populations, à l’image de M. Goubo Jean, qui a la quarantaine. Il trouve absurde que Guitry ne puisse pas amorcer un réel développement et que ses cadres se battent à ne rien faire pour la région. « Il faut que l’Etat nous aide. On est fatigué. On ne peut pas continuer de faire toujours les mêmes choses. C’est-à-dire, aller au champ le matin et revenir sans rien d’autre à faire. Nous avons besoin de la route. Qu’on nous apporte cette route. C’est tout ce que nous demandons à nos cadres », plaide-t-il. Pour plusieurs d’entre eux, il faut instaurer l’harmonie au sein des cadres, en mettant de côté les intérêts partisans.

Une situation alarmante qui doit interpeller les cadres

Malgré les difficultés, les populations croient tout de même à un réel développement de leur région. Ce qui leur manque, c’est la route. Mais aujourd’hui, avec l’introduction de l’hévéaculture et du palmier à huile dans les pratiques culturales, les populations rêvent d’un possible développement de la région. Elles y croient. « Guitry, pour nous est une ville carrefour. Parce que d’ici, on peut aller à Lakota sans passer par Divo ou aller à Abidjan sans faire de détour par Divo. Mais, notre seul et unique problème c’est la route. Dès que les deux axes (Yocoboué-Guitry et Divo-Guitry) seront bitumés, ce sera la fin du calvaire de nos populations», explique Etienne Badet, natif de Guitry. «Vous savez, nous n’avons pas accès aux journaux. Pour lire un journal, il faut une semaine. Ce qui fait que nous sommes en retard parfois sur certaines informations. Etant donné que ce n’est pas tout qu’on dit sur les ondes de la RTI (Radio et télévision ivoirienne). C’est normal, c’est un média d’Etat, mais il y a des informations capitales auxquelles on n’a accès qu’à travers la presse écrite. Et je suis sûr que si les deux voies sont ouvertes, on aura accès à toutes les informations », souligne-t-il. L’espoir des populations réside dans le fait que la région est désormais autonome. Devenue département, elle compte sur ses propres ressources pour amorcer son développement, avec bien sûr, le soutien de l’administration

Honoré Kouassi

Propos de quelques résidents

1- Gueu Joachim, Commissaire à la CEI : Nous avons des problèmes d’infrastructures »

« Nous avons des problèmes d’infrastructures, principalement la route. Nous avons assez de difficultés à ce niveau. C’est ce qui fait que Guitry n’évolue pas. Les opérateurs économiques ne peuvent pas accéder à la ville. Ce qui retarde aussi l’évolution de la ville de Guitry. Nous voulons le développement de notre localité. On se demande souvent si le gouvernement envoie de l’argent à ces autorités ou pas, parce que Guitry est quand même une ville carrefour. C’est dommage qu’elle ne soit pas bitumée. Vous avez vu, il n’existe aucune usine, pas d’aire de jeux, aucune distraction. Tout est hors de Guitry. Lorsque nous prenons le cas de Divo, il y a des usines, des scieries et tout ça. C’est de ça qu’on a besoin…Et puis, ici le banditisme est très développé. Il y a souvent des agressions qui se font sur les différents tronçons. On ne sait pas ce que le gouvernement peut faire pour nous. On a l’impression d’être oublié ».

2- Touré Moussa, natif de la ville de Guitry: «Nous avons besoin de l’aide du gouvernement»

«Nous rencontrons assez de problèmes ici. Par exemple, pendant la saison pluvieuse, on a plus de difficulté à nous déplacer. Nous avons besoin de l’aide du gouvernement. Notre tronçon ici, c’est la côtière. C’est une voie internationale. Nous avons besoin du soutien de tous pour nous désenclaver. Parce que quand on parle de développement, ça concerne tout le monde. Nous avons aussi besoin de la sécurité sur nos routes, parce que nous souffrons des coupeurs de route».

3- Moussa Sangaré, chef de gare de Guitry :

«On n’a même pas de route »

« En tant que transporteurs, le problème que nous avons ici, c’est la route. On n’a même pas de route. Présentement tous nos véhicules sont stationnés à cause du mauvais état de la route qui ne nous permet pas de travailler. On attend qu’on nous aide. Si le gouvernement peut nous aider à réhabiliter les routes, cela nous fera plaisir. Il faut penser à la sécurité sur les routes. Les coupeurs de route nous fatiguent énormément. Chaque fois, ils agressent nos chauffeurs et passagers. C’est la gendarmerie qui nous aide souvent. Malheureusement, pour plusieurs cas, il se trouve que les agresseurs sont plus armés que les gendarmes».

4- Kragbé Kradjé James Alain, natif de Guitry: «Notre souhait, c’est la route»

«Notre souhait, c’est la route. Sinon, sincèrement Guitry est une région riche en cultures vivrières et en produits de transformation industrielle. Malheureusement, la jeunesse de Guitry n’a pas d’activité. Il n’y a pas d’aire de jeu. Ce qui fait qu’elle s’adonne à l’alcool. Notre souhait est qu’on dote la région d’unités industrielles. Nous devons avoir, au moins, la possibilité de travailler quelque part et obtenir quelque chose par mois. Mais ici, il n’y a rien et nous en souffrons beaucoup. C’est en quelque sorte un drame, pour la jeunesse qui n’a aucun repère».

5- Kouassi Raoul Golly, Sg de la Mairie de Guitry : «Une de nos difficultés, c’est le logement »

«J’ai pris le service à Guitry depuis 2009. Mais une de nos difficultés, c’est le logement. On est confronté à un problème de route. C’est un grand handicap. Mais depuis l’érection de Guitry en département, il y a des réactions au niveau des cadres. Ce qui donne espoir »

H.K

Avec le partenariat de l’Intelligent d’Abidjan

Interview / Gnanzoué Jean Baptiste, maire de Guitry :

‘’Notre développement a été freiné par le manque de route’’

Gnanzoué Jean Baptiste est le premier magistrat de la commune de Guitry, une région enclavée, en raison de l’absence de voies d’accès. Les cadres de la région, censés aider la région à sortir de sa léthargie, semblent dispersés. L’IA qui est allé à la découverte de cette localité a rencontré le premier magistrat de Guitry, qui déplore le manque d’union au sein des cadres.

Pouvez-vous, M. le maire, présenter Guitry à nos lecteurs ?

Guitry est situé dans la région du Sud Bandama. Il y a deux ans que Guitry est devenu un département. Pour aller à Guitry, nous avons deux options. Soit vous passez par la côtière, le plus court chemin, qui fait environ 160 km. On peut aussi aller à Guitry en passant par Divo. Vous aurez à traverser les villes de N’douci, Tiassalé, Divo. Mais une fois au rond point de Divo, vous bifurquez à gauche pour Guitry. La distance est de 44 km de route non bitumée. C’est un parcours du combattant, parce que comme disait Corneille, « des deux côtés, notre mal est infini ». Il faut emprunter une voie non bitumée et cette voie est dans un état de dégradation avancée. Des deux côtés, en passant par la côtière ou en passant par Divo, ce sont des voies non bitumées et dégradées. S’il faut mettre deux heures ou trois heures pour arriver à destination, moi j’appelle cela un parcours du combattant.

Avez-vous l’impression que votre département est isolé de la Côte d’Ivoire ?

Isolé de la Côte d’Ivoire, c’est trop dire. Je préfère dire que nous sommes enclavés. On sort quand même de Guitry pour aller vers d’autres villes de la Côte d’Ivoire, mais on sort difficilement. A cause de Guitry, je n’ai même plus de voitures, parce que ces voies d’accès sont difficiles.

M. le maire, il est dit que Guitry fait partie des premières villes de Côte d’Ivoire. En tant que premier magistrat, quelles peuvent être les causes de son retard sur le développement?

Oui, Guitry fait partie des premières villes. C’est peut-être trop dire. Guitry a été érigé en sous-préfecture en 1961 et nous avons eu notre premier sous-préfet la même année. Qu’est-ce qui a freiné le développement ? Je ne suis pas dans le secret des dieux. Mais je puis vous dire que notre développement a été freiné parce que nous n’avons pas de route. Ça c’est une première approche. La deuxième approche, c’est que les cadres de Guitry ne sont pas unis. Nous ne sommes pas unis et on ne parle pas de la même voix. Je prends pour exemple, l’installation du sous-préfet de Yocoboué. Le Président Laurent Gbagbo était à Yocoboué et dans nos doléances, nous avons dit que nous voulions que Guitry soit érigée en département. Le bitumage des routes faisait également partie de nos doléances. Alors, le Président Gbagbo a dit : « votre problème à Guitry, c’est la route. Je sais de quoi je parle, parce que j’y suis arrivé déjà trois fois. Donc on fera tout. Et dès qu’on aura fini la route, vous allez voir que vous serez désenclavés et vous n’allez plus parler de problème de développement ». Pour moi, il fallait saisir cette balle. Au retour, on devait s’asseoir, réfléchir et rencontrer le Président de la République à Abidjan, pour lui rappeler que notre problème c’est la route, afin qu’il puisse nous aider à désenclaver Guitry. Malheureusement, on a eu deux clans. Il y a un clan qui a réclamé qu’il nous faut le département, peut-être, pour des problèmes électifs. Les gens ont réclamé le département jusqu’à ce que le président dise : « les gars de Guitry, c’est le département que vous voulez. On va leur donner le département ». C’est moins cher de donner un département et on nous a donné le département. Mais le problème de la route demeure. Je pense qu’il faut qu’on s’organise, qu’on s’entende, pour parler d’une même voix et dire au Président que notre problème c’est la route.

A vous entendre, on a quand même un pincement au cœur. Parce qu’à Guitry, ce ne sont pas les cadres qui manquent. Quel est alors le problème?

Franchement, je ne peux pas vous répondre. Je ne connais pas le problème à la base de cette mésentente. Mais le constat est là, on ne s’entend pas. Pour certains, c’est par égoïsme, pour d’autres, c’est par préjugé. Peut-être qu’on n’a pas un leader à Guitry. Et il urge qu’on ait un leader. Il faut que nous fassions de sorte que nous puissions être organisés, parce que c’est l’union qui fait la force.

Il faut un leader à Guitry. Mais vous, en tant que premier magistrat de la commune, qu’avez-vous réalisé en termes d’infrastructures, durant votre mandat ?

En tant que maire de Guitry, mon périmètre c’est le périmètre communal. Sinon au niveau de la ville de Guitry il n’y a pas un mois, nous avons reprofilé quelques voies de la ville. Mais le relief ne nous encourage pas, parce que vous allez beau gratter la route, dès qu’il y a une pluie, tout se dégrade. Autre chose c’est que nos moyens sont très maigres. Notre budget annuel, en temps normal, avoisine les 110 à 120 millions de FCFA, maximum 130 millions de FCFA. Avec ce maigre budget, nous avons mis l’accent sur les écoles et les dispensaires. Nous avons fait un constat, c’est qu’il n’y a pas suffisamment d’écoles primaires à Guitry, parce qu’il y a des enfants qui font 5, 6 voire 7 kms à pied pour aller à l’école. Ce n’est pas normal. Ainsi, nous avons mis l’accent sur la construction des écoles. Ensuite, lorsque la construction est terminée, il faut bien sûr équiper ces écoles en table-bancs. C’est ce que nous avons fait. Nous avons visité les écoles de la commune et nous avons vu que c’était déplorable. Les tables-bancs que nous avons vus, ne répondaient à aucune norme et ne donnaient même pas l’envie d’étudier. A côté de cela, il y a l’équipement des dispensaires, le logement des infirmiers. Par contre, le reprofilage des voies est un travail très lourd qui demande beaucoup d’argent. Or, nous n’avons pas suffisamment d’argent.

Tout à l’heure vous évoquiez le problème de budget de fonctionnement qui est maigre. Concrètement, combien vous rapportent les recettes communales?

Vraiment, nous sommes arrivés à un moment difficile avec la crise. Nous avons eu des déplacés de guerre. Quand nous sommes arrivés les deux premières années, puisque c’était en 2001, on avait encore suffisamment d’argent et nous avons reprofilé les voies de la commune.

Avez-vous entrepris des initiatives pour les rapprocher afin de penser le développement de Guitry ?

Effectivement, on a des problèmes. Ce ne sont pas les idées ni les hommes valables, mais l’état de la route fait déjà un barrage, parce qu’un cadre qui quitte Abidjan pour Guitry, fait un aller retour, dès son retour, il a, au moins pour 50 à 60.000 FCFA de réparation à faire sur son véhicule. Déjà, aller à Guitry, c’est un problème et c’est un frein au développement. On le dit si bien, la route précède le développement. Donc, l’état de la route nous crée des problèmes. On a aussi le problème avec les cadres. Cela a été démontré quand on a eu le département. Nous nous sommes réunis pour voir quelles sont les actions qu’on peut mener pour être un département fonctionnel avec les infrastructures qui y sont liées. Le député et moi, avons réuni les cadres et rien n’est sorti de là. Nous étions tellement coincés que j’étais obligé, sans avoir consulté le conseil municipal, de céder momentanément le local de la mairie de Guitry à la préfecture pour débloquer la situation en attendant qu’on trouve une solution. Sinon, le préfet ne serait pas là.

Je reviens encore sur les voies qui doivent relier Guitry à Divo et Guitry à Yocoboué. Combien vous faut-il pour bitumer ces deux voies?

Nous n’avons pas encore fait d’études. Mais déjà en 1999, les grands travaux avaient commencé à faire cette voie. Vous vous êtes rendu compte que du côté de Yocoboué, des gros œuvres avaient été fait mais on ne sait pas pourquoi, entre Mai et Juin de la même année, les travaux ont été arrêtés. Renseignement pris, on nous a dit que le Président Bédié a pris les machines pour aller faire d’autres travaux. Sinon les voies sont tracées, les gros œuvres sont déjà faits jusqu’au dernier village avant d’arriver à Guitry.

Guitry a une population cosmopolite, est-ce qu’il ne se pose pas souvent des problèmes de cohabitation entre les différentes communautés?

Guitry est une CEDEAO en miniature, on a des frères de tous les pays de la sous-région à Guitry. Nous vivions en parfaite harmonie jusqu’à ce que, il y a seulement deux ans, il y ait un évènement malheureux. Un jeune dioula (malinké) a été assassiné. C’est ce qui a un peu révolté une partie de la population. Le député et moi, sommes descendus à Guitry avec l’aide du sous-préfet d’alors et le chef du village central afin d’apaiser nos parents. Tant du côté des Dida que du côté des malinkés. Je pense qu’on a eu chaud parce qu’un détachement de la gendarmerie de Divo est venu pour calmer les esprits. Avec le dialogue nous avons pu restaurer la paix entre les populations.

Peut-on dire qu’à Guitry, la cohabitation entre cadres n’est toujours pas possible, ce qui retarderait davantage le développement de cette localité?

Chaque fois que quelqu’un veut faire quelque chose, on dit qu’il vise un poste politique. Quand quelqu’un veut émerger, on le tire vers le bas. C’est comme la sorcellerie. On tire tous ceux qui veulent organiser les cadres par le bas. Les gens s’interrogent pourquoi est-ce qu’il veut maintenant organiser les autres. Pour eux, ça cache toujours des visées électoralistes. Alors, on le surveille de près et par la suite, le projet de rassemblement meurt dans l’œuf.

Il y a aussi les problèmes des coupeurs de route…

Oui, mais quand une route est mauvaise, c’est en ce moment-là qu’apparaissent les coupeurs de route. Et puis à côté de cela, il y a la crise qui nous a causés assez de problèmes. Parce qu’en dehors des ressources de l’Etat, nous sommes partis en mission à Paris pour une assemblée générale de tous les maires et conseillers généraux. A ce rendez-vous, nous avons pris des contacts. La question qui revenait régulièrement, c’est de savoir quand est-ce que votre guerre va finir ? Il y a même une ville de France qui s’appelle Guitry. Nous leur avons écrit, mais ils nous ont posé comme condition pour nous aider, la fin de la guerre. L’opinion que les gens ont de nous à l’extérieur n’est pas claire. Je voudrais que les partenaires au développement viennent à Guitry. Malgré l’impraticabilité de la route, il y a quand même des personnes qui vivent à Guitry. Je voudrais que ces personnes viennent nous voir, parce que même le sous-sol de Guitry est riche. Nous avons de l’or, du manganèse. Le sous sol de Guitry est fourni, mais c’est la route qui nous fait défaut. Nos populations sont très accueillantes. Je prends l’exemple des enseignants des lycées et collèges qui, une fois mutés à Guitry, prétendent qu’ils ne resteront même pas un an. Mais ils sont pour certains là depuis 15 ans, ils ne veulent même pas qu’on les mute ailleurs. Les gendarmes quand ils viennent, ne veulent plus retourner, il en est de même pour les fonctionnaires et c’est comme ça Guitry

Réalisée par Honoré Kouassi

Sat, 10 Jul 2010 02:36:00 +0200

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