AFRIQUE : BERCEAU DU MONOTHÉÏSIME

Origine africaine du Monothéisme

Pouvons-nous nous satisfaire des thèses historiographiques faisant de la pensée monothéiste, un fait totalement étranger à la spiritualité africaine, alors que les spécialistes en égyptologie et les textes sacrés des Africains de l’antiquité témoignent du contraire ?

Amun Black

D’où vient l’idée du Dieu Unique ?

Le monde ne s’est pas fait en jour. Tout d’abord, il fallait un préalable incontournable à l’émergence de la pensée spirituelle dans l’humanité que nous dévoile l’égyptologue François Daumas, à savoir que « l’idée qu’il (l’homme) sera jugé sur ses actes (dans l’au-delà) a joué dans la découverte de ce sentiment, un rôle capital. Or le Jugement de l’âme apparaît (pour la première fois) dès l’Ancien Empire » nubio-égyptien, soit vers la fin du IVème millénaire de l’ère ancienne africaine. C’est cette même idée qui a été reprise plus de 3000 ans plus tard par le christianisme.

C’est ce même point de vue que partage l’historien Didier Colin, qui élargit la réflexion initiale de François Daumas à la naissance même de la notion de « Dieu », qu’il situe en Afrique noire de la période pharaonique dans la même période historique[1] : « En Egypte, ce fameux commencement fut figuré par un grand démiurge que l’on qualifie d’autogène, parce qu’il semble bien qu’il se soit engendré lui-même (…) A quand remonte cette croyance en l’existence probable d’un démiurge ? (…) Ce qui nous paraît digne d’intérêt dans ce concept d’un démiurge initial, qui apparaît dès la fin du IVème millénaire avant notre ère, période de la première dynastie pharaonique, c’est qu’il semble bien l’inspirateur du Dieu unique, invisible mais omniprésent, que vont prendre pour modèle, toutes les religions monothéistes ». Donc Akhenaton n’est pas l’inventeur du monothéisme !

Les plus anciens Textes Sacrés égypto-nubiens et notamment le Livre de la Résurrection (dit Livre des Morts) appuient leurs dires. Dans ceux-ci, nous découvrons les toutes premières allusions à un Dieu unique[2] dans l’histoire humaine[3] :

  • Textes des Pyramides (formule 456) : “Gloire à toi, l’Unique“.
  • Textes des Sarcophages : “Atoum… le Dieu unique” (Nétcher Oua).
  • Le Livre de la Résurrection, chap.15 : “Toi, le Seigneur ! Toi, l’Unique”.
  • Hymne à Aton : “Ô Aton, le Dieu Unique ![4]

De nombreux égyptologues ont depuis reconnus que le monothéisme est bien né en Afrique noire et non pas dans le monde sémitique ou le croissant fertile. Tel Erik Hornung, dans son ouvrage « l’Un et le Multiple », qui cite par exemple Eugène Grébaut qui en 1870, affirmait déjà que « dans l’antique religion égyptienne, le monothéisme est incontestable »[5], ce que souligne Jean Claude Brinette[6] dans son article « La présence du monothéisme dans la religion égyptienne ». E. Hornung ajoute, en dévoilant la conclusion de Jean François Chabas, sur l’inexistence du polythéisme en Afrique ancienne que « les multiples Dieux (égyptiens) ne sont qu’un (seul et même) aspect de l’Unique, du Suprême ».

En 1885, l’allemand Karl Lepsius reconnaissait, dans le premier volume de son oeuvre « La religion et la mythologie des anciens égyptiens », qu’il était parvenu à « la conviction que dès les premiers temps, les égyptiens adoraient le Dieu unique, anonyme, incompréhensible, Eternel dans sa plus haute pureté ». Emmanuel de Rougé, le Vicomte égyptologue constata à son tour qu’une « idée prédomine, celle d’un Dieu Unique, primitif, éternel. Il est partout et toujours présent comme une substance existant par elle-même, celle d’un Dieu inabordable, parce qu’immatériel ! La caractéristique essentielle de la religion (égyptienne) est l’unicité (soit le monothéisme) qui s’exprime de manière énergique par les formules « Dieu, Un, Seul, Unique et Incontournable », « Tu es le seul Être vivant toujours dans la vérité », « Tu es le seul Être (éternel) qui n’a pas été créé mais qui a créé des millions d’êtres[7] ».

Dans le cadre d’une étude portant sur les racines égyptiennes de l’Islam et préfacée par le professeur Babacar Sall, Papa Fary Seye affirme encore que[8] « dans les documents écrits, témoins de la brillante civilisation égyptienne, l’idée du Dieu unique n’y fait aucun doute ».

Quant à l’égyptologue français Auguste Mariette, il reconnaît qu’il a lui aussi perçu dans la tradition spirituelle égyptienne, l’expression d’un[9] « Dieu Unique, Immortel, invisible et caché, réservé aux seuls initiés du sanctuaire ». Les prêtres kamits, selon Emmanuel de Rougé, ont avoué que leur Tradition Spirituelle était l’un des héritages de leurs ancêtres Anou originaires du Soudan actuel.

Cheikh Anta Diop préfère mettre en avant l’antériorité africaine de la tradition monothéiste, aujourd’hui universelle[10] en affirmant que « le monothéisme dans toute son abstraction, existait déjà en Egypte, qui elle-même l’avait emprunté au Soudan Méroïtique, Ethiopie des Anciens ».

A propos du monde sémitique

Le premier verset du texte hébraïque mentionne « Bereshit bara Elohim et ha shamaïm ha’éretz ve’et». Dans sa version de la Bible, Dhorme l’a traduit par « Au commencement Elohim créa les cieux et la terre[11] », et dans celle de Louis Segond, nous lisons : « Au commencement Dieu créa les cieux et la terre », tandis que dans celle du King James, nous découvrons « In the beginning God created the heaven and the earth ».

Peut-on ici sérieusement traduire « Elohim » par « Dieu » ou « God » ? A vrai dire, si cette traduction avait vraiment été honnête, nous aurions eu « Au commencement les Dieux créèrent les cieux et la terre » et non pas « Dieu créa le ciel et la terre ». Il y a là une forme de désinformation volontaire car « Elohim » ne signifie pas « Dieu » et ce n’est pas non plus le patronyme de Dieu !

En fin limier, le dictionnaire Larousse ruse en mentionnant[12] : Élohim ou Éloïm (hébreu ’elohim) : Pluriel de ’éloha,qui signifie « Dieu ». Cette pirouette astucieuse, Roger Vigneron la commente en disant que[13] « contrairement à ce que l’on pourrait croire, le mot Dieu, que l’on trouve ici dans les autres versions, n’est pas la traduction du mot Elohim. Un nom propre ne se traduit d’ailleurs jamais. Enlever Elohim et le remplacer par Dieu n’est pas innocent. C’est un acte de désinformation ! ».

Cependant, loi de nous contredire, Thomas Römer[14] (spécialiste de l’Ancien Testament) et Dominique Jaillard[15](spécialisme du polythéisme antique), concèdent qu’il faut[16] « insister sur une différence fondamentale entre la Bible hébraïque et les textes du Proche-Orient ancien dans la mesure où la Bible confesse un Dieu unique, donc un monothéisme face au polythéisme de ses voisins », or « les royaumes d’Israël et de Juda sont polythéistes comme leur voisins ».

Par N. K. OMOTUNDÉ

 

[1] Didier Colin, Dictionnaire des symboles, des mythes et des légendes, éd. Hachette.

[2] Africamaat.com, René-Louis Etilé, L’origine du monothéisme chez les Hébreux est un mythe.

[3] Les dernières études ADN situent à l’âge de Bronze l’immersion des caucasiens en Europe et Abraham est placé vers -1800 par les Sémites.

[4] Autres sources : Hymne aux mille strophes, papyrus de Leyde ; papyrus Boulaq ; hymne à Osiris ; hymnes et prières à Râ.

[5] Erik Hornung, Les Dieux de l’Egypte, l’Un et le multiple, éd. Flammarion.

[6] J. Claude Brinette, article publié sur le net, La présence du monothéisme dans la religion égyptienne, site historel.net.

[7] J. C. Binette, idem.

[8] Papa Fary Seye, Racines égyptiennes de l’au-delà musulman, éd. L’Harmattan.

[9] J. Claude Brinette, idem.

[10] Cheikh Anta Diop, Nations Nègres et Culture, éd. Présence Africaine, Tome 1, P. 45.

[11] Traduction de Dhorme.

[12]http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/%C3%89lohim/117945.

[13] Roger Vigneron, Elohim : Une autre lecture de la Bible, éd. La vague à l’âme, P. 12-13.

[14] Thomas Römer est un spécialiste de la Bible d’origine allemande. Il enseigne l’Ancien Testament à l’Université de Lausanne et occupe la chaire « Milieux bibliques » du Collège de France.

[15] Aux universités de Reims, de Genève et de Lausanne, Dominique Jaillard a enseigné les Polythéismes antiques dans les Traditions classiques.

[16] Hébeux, wikipedia. Voir encore, Thomas Römer, Le Dieu Yhwh, son origine, ses cultes et sa transformation en Dieu unique, Milieux bibliques, Collège de France.

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