Côte d’Ivoire – Konan Bédié devant le tribunal de l’Histoire : Majesté, Nanan N’zuéba ! La cour peut-elle vous prier de vous lever ?

Ivoiriennes, Ivoiriens, chers Amis !

Nous abordons les derniers jours des obsèques nationales que toute la Côte d’Ivoire doit à Aimé Henri Konan Bédié, le deuxième Président de notre République ; il vient de rejoindre l’autre rive, le 1er août dernier.
Nous pensons devoir à la grande figure qu’il a été, et demeurera, dans l’histoire de la Côte d’Ivoire, que notre hommage puisse constituer une pièce de plus à apporter à l’instruction de ce que l’on appellera plus tard << le cas Bédié >> .

Cette étape de justice d’investigation et d’information s’imposera pour que les Ivoiriens de ce jour arrivent à trouver que dire aux jeunes générations concernant Konan Bédié. Bédié, est un personnage public d’intensité ramassée ; et dont l’univers et la vision politique qui furent l’écosystème permanent de la pensée demeureront une énigme pour la plupart de ses compatriotes. Sans parler de cette intelligence exceptionnelle qui fut son bouclier humain comme social.

Revivons l’ambiance chargée des premières heures suivant l’annonce du décès du Président Félix Houphouët Boigny ; la Côte d’Ivoire et l’extérieur étaient encore troublés par le fait que celui qui avait porté cette nouvelle au pays et au monde n’était pas dans son rôle, et n’était visiblement pas instruit du minima protocolaire que nos cultures imposent. Comme une boîte de pandore, cette annonce avait donné libre cours à toutes les rumeurs et le malaise ainsi crée pouvait dégénérer en véritable crise politique.

Dans la soirée du 7 décembre 1993, le Président de l’Assemblée Nationale, que la constitution en vigueur désignait pour assurer la suite en ce genre de circonstances, se présenta à la télévision et fit sa première déclaration. Les choses se remettaient donc en place, l’ordre constitutionnel se faisait respecter, et la Côte d’Ivoire allait se mobiliser à assurer les obsèques les plus dignes de son rang et de sa stature au grand Président qui venait d’être rappelé à Dieu.

Henri Konan Bédié, puisque c’est de lui qu’il s’agit, faisait sa première adresse au pays et à son peuple dans son nouveau rôle de continuateur de la tâche de gouvernance de l’état.  Il demandera donc à tous de << se mettre désormais à sa disposition >> pour y parvenir. Qui savait qu’en ce bout de phrase, Henri Konan Bédié avait tout dit ? Il avait planté le décor de l’univers social et culturel qui le portait, et dans lequel il évoluait : la monarchie des peuples Akan établie depuis le 17e siècle. Culture, tradition et histoire y ont tout posé et gelé le long des siècles.

Oui, Konan Bédié n’a pas quitté Yamoussoukro, où il se tenait à proximité du corps du Président défunt, pour rallier Abidjan à bride rabattue et se déclarer nouveau dirigeant du pays ; parce que, pour lui, cela allait de soi ; il tombait sous le sens, et ce depuis de longues années, que c’est lui que Houphouët-Boigny avait désigné comme successeur. Quel être ou créature doté du minimum de bon sens pouvait imaginer que cela fût autre ?

Oui, il faut se replonger dans ce même univers pour comprendre qu’en 1999, l’œil du maître qu’il posait sur les préparatifs du réveillon au village, à la plantation à Pepressou, lui boucha oreilles et attention aux premiers rapports inquiétants de rodéos de soldats, dans les rues d’Abidjan, qui réclamaient des primes encaissées par l’État et non reversées !
Un monarque digne de ce nom doit il être diverti avec ce genre de doléance de si basse intendance ? Accepter l’appui de forces aéroportées spontanément proposé par des pays frères et amis aurait valu humiliation sans nom !
Il met même fin au débat d’échanges avec ces << trouffions >> en les envoyant promener !
Et c’est ainsi que le monarque ouvrit le boulevard qui mena la Côte d’Ivoire à son premier coup d’état militaire !

Oui, c’est le même monarque akan, Konan Bédié, qui, en signant L’alliance politique du RHDP à Paris, en octobre 2005, ne voyait d’abord et avant tout en le RHDP qu’une force au seul service de son royaume. L’adversaire politique du moment en faisait une étape obligée, et N’zueba n’avait pas oublié l’épisode sanglant et douloureux des élections de 1995 qui virent autochtones du centre ouest et allochtones du centre qu’ils avaient accueilli se massacrer avec la bénédiction des politiciens d’Abidjan.
Le monarque ne voyait en son partenaire politique qu’un bras à armer pour la cause et la victoire du royaume.

Oui, c’est le monarque qui, dans le cadre intellectuel qui était sien, considérait l’exécutif et ceux qui en avaient la charge comme des bras séculiers au service de son imperium, qui, en septembre 2014, à Daoukro, lança un appel ; de son seul chef, il avait imposé à tous ses partenaires un soutien politique qui restera l’un des plus débattus et contestés de l’histoire ivoirienne.

Celui auquel ce revirement historique donnait plus de force et puissance avait, avec une longueur d’avance sur toute l’élite politique du PDCI et de ses alliés, reconstitué le royaume Akan en laboratoire ; il avait compris comment y faire évoluer ses pions pour en tirer ce que l’on voulait.

Oui, comment le monarque Akan peut il comprendre que dans son royaume et sous son autorité, un engagement pris, ou une parole donnée, surtout sans écrit, les lignes ne valent que pour le vulgum, pouvaient ne pas être tenus, et surtout même être reniés ? C’est par cette lucarne qu’il convient de lire les crises socio-politiques qui endeuillèrent la Côte d’Ivoire entre 2018 et 2021.

Oui, le monarque ne pouvait que se retirer en monarque, d’abord avec grandeur et noblesse : lorsque, devant les caméras d’une grande chaîne internationale d’information, il prononce avec clarté et concision, afin que nul n’en ignore, que signer l’alliance du RHDP a été une erreur qu’il ne recommencerait pas. Il a été royal en humilité et cela lui sera retenu dans l’histoire.

Oui, le monarque s’offrira un petit instant d’irrévérence malicieuse envers celui qu’il avait fait empereur, en volant la vedette à tous, lors de la remise du prix UNESCO/Houphouët-Boigny pour la recherche de la paix, le 8 février 2023 à Yamoussoukro, d’abord par un discours en semi réquisitoire, et surtout en esquissant des pas de danse qui marqueront toutes les mémoires.

Oui, acceptons de ne nous en tenir qu’à cela.
Aimé Henri Konan Bedie s’est senti né prince, éduqué à la royauté et cela a commandé à tout ce qui fut sa vie, son œuvre et ses actes.

Adieu, Majesté, repartez comme vous êtes arrivé, et que la terre vous soit légère.
Les Ivoiriens, qui n’ont pas encore compris qu’ils vous aiment parce que vous constituez une pierre particulière dans leur édifice national, n’arrêteront pas de vous accompagner en pensée.

Abidjan, le 29 mai 2024
Ministre Kobena I. ANAKY
Président du MFA

 

Retrouvez La Chronique du Président Kobena I. ANAKY tous les mercredis sur www.ladepechedabidjan.info

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