Ces analphabètes qui nous gouvernent !

Carte des langues du monde : l'Afrique Noire est la seule partie qui utilise des langues étrangères.
Qu’appelle-t-on analphabète ? L’Encyclopédie Encarta le définit ainsi qu’il suit : "Personne qui n’a appris ni à lire ni à écrire". Il convient d’y ajouter une précision cependant : une personne peut être alphabétisée dans une langue, mais être analphabète dans une autre. Ainsi, une personne peut parfaitement maîtriser le grec alors qu’elle est entièrement analphabète en arabe ou en mooré. Si l’on refuse que celle-ci soit analphabète en ces langues, alors il faudra trouver un autre mot pour désigner ces genres de personnes qui constituent en fait l’énorme majorité des cas des lettrés du monde. Ce qui vient d’être dit, doit nous permettre de saisir l’aspect tendancieux de certaines définitions dans des documents de référence comme les encyclopédies et les dictionnaires. Il conviendrait peut-être de dire qu’un analphabète est tout simplement : "Une personne qui ne sait ni lire ni écrire une langue qu’elle parle" ! Dans cette acception, notre débat peut commencer.
Commençons par les membres du gouvernement du Burkina Faso. Posons-leur la question simple : "Messieurs, que ceux qui savent lire, écrire et compter dans leur langue maternelle lèvent la main." Combien lèveraient la main, d’après vous chers lecteurs de Focus Africa ? Quel que soit le bout par lequel on prend le problème, quelle raison peut amener un individu qui a fréquenté jusqu’à l’université, à ne pas ressentir le besoin de savoir lire et écrire dans sa langue maternelle ? Je ne vois personnellement qu’une seule : le désintérêt. On voit donc l’hypocrisie de ces gens quand ils encouragent et injectent des miettes dans l’alphabétisation, pour ensuite sortir soutenir des slogans du genre: "L’analphabétisme est un frein au développement du Burkina !" Si cela est vrai, quelle part ont-ils eux, dans ce processus de stagnation ?
Prenons ensuite les 111 députés du Burkina Faso. Combien peuvent-ils lire, écrire et compter dans leur langue maternelle ? Personnellement je l’ignore, mais je suis prêt à parier que c’est la majorité plus qu’écrasante, pour utiliser des concepts à la mode et qui leur sont chers. Combien sont-ils capables de tenir un discours cohérent dans ces langues autour de concepts tels que : développement, mondialisation, nouvelles techniques de communication, Internet … sans reprendre tout simplement les termes français, ne fournissant donc aucun effort de traduction intelligible dans ces langues, (si tant est qu’ils soient convaincus que cela soit tout simplement possible) ?
Cela vous semble-t-il normal que des gens qui sont élus pour représenter les intérêts de nos populations viennent s’asseoir sur les deux fesses dans l’hémicycle, pour parler dans une langue que ces dernières ne comprennent point, alors qu’ils ont presque tous fait la campagne en ces langues dites locales ? Quelles preuves peuvent-ils donner à ces électeurs qu’ils les défendent vraiment ? Pensez-vous que si les débats des Députés étaient faits dans les langues nationales, de façon à ce que nos populations comprennent parfaitement ce qui se dit à l’Assemblée nationale, elles resteraient aussi silencieuses comme c’est le cas présentement ? Par conséquent, croyez-vous que nos honorables élus veulent vraiment être compris du peuple qui les a élus ?
Enfin des cadres dirigent tous les secteurs de la vie nationale : directeurs généraux, directeurs simples, chefs de services et d’entreprises, gouverneurs, préfets etc. Combien d’entre eux peuvent-ils lire, écrire et compter, chacun (e) dans sa langue maternelle ?
Nous sommes du reste presque sûr que beaucoup de ceux qui liront ces lignes se demanderont à quoi sert-il qu’on sache ou non lire et écrire dans sa langue maternelle ? Qu’est-ce que cela changerait !? Il faut dire à tout ce beau monde, qu’ils sont d’abord des analphabètes suivant la définition que nous venons d’énoncer, puis que cela est tout simplement anormal, parce que les Africains sont les seuls au monde dans ce cas de figure ! Cela ne vous dit rien ? Rattachez à cette situation africaine toutes les tares de nos sociétés actuelles, simplifiez le tout par la raison, et vous aurez la réponse : les Africains ne cherchent jamais du côté où se trouvent les solutions à leurs problèmes !
Quelqu’un m’a affirmé que le Président du Faso, Blaise Compaoré savait lire, écrire et compter en mooré ! Si cela est, bravo ! Monsieur le Président, mais pourquoi ne pas proposer cela à qui de droit (ministres, députés, présidents d’institutions, hauts cadres) et surtout s’adresser aux populations dans les langues qu’elles comprennent ? Vous rendriez certainement un énorme service au développement de votre pays. Peut-être que cela mérite d’y réfléchir !

Joseph KI-ZERBO : La natte des autres: pour un développement endogène en Afrique, Actes du colloque du Centre de recherche pour le Développement Endogène (CRDE), Bamako, 1989, Paris, Dakar, Karthala / CODESRIA

Par Bétéo D. Nébié (L’evenement-bf.net)
neb_beteo@yahoo.fr

Thu, 04 Apr 2013 21:40:00 +0200

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