Crimes de guerre et crimes contre l’Humanité en Côte d’Ivoire Gbagbo, Soro et Ouattara : En attendant la CPI, qui est responsable de quoi ?

La Côte d’Ivoire a connu la guerre depuis la nuit du 19 septembre 2002. Elle a aussi connu sa deuxième guerre dans la crise postélectorale. Deux armées se sont affrontées. Il y a eu des morts, des exilés, des déplacés et des portés disparus. Le RHDP compte 3050 morts au cours de cette seule crise postélectorale. Et LMP ? Ceux de LMP sont-ils inclus ou exclus ? Toujours est-il que si chacun fait son bilan macabre des morts, les 3050 déclarés par le RHDP seront sans doute insuffisants. Dans tous les cas, les camps se rejettent les crimes de guerre et les crimes contre l’Humanité. Nous avons parcouru un document réalisé par le Professeur Marie-Pierre Robert, Faculté de droit, Université de Sherbrooke. Il traite de la responsabilité des supérieurs hiérarchiques dans les crimes de guerre et crimes contre l’Humanité. Le Professeur définit toutes ces choses selon les normes internationales et celles de la Cour Pénale Internationale (CPI). Il écrit donc ce qui suit dans «Les Cahiers de Droit», vol. 49, no 3, septembre 2008.

«Les crimes internationaux étant souvent commis en masse, ceux qui y participent sont généralement plus nombreux que ceux qui s’y salissent les mains. Afin de prévenir la commission de tels crimes, la communauté internationale souhaite dissuader non seulement les petits exécutants, mais également les personnes positionnées plus haut dans les hiérarchies impliquées.
Dans cette logique, le droit pénal international permet de retenir la responsabilité pénale de personnes en position d’autorité, même si elles n’ont pas ordonné les crimes internationaux, mais qu’elles ont plutôt omis de les prévenir.
La doctrine du supérieur hiérarchique a été conçue à cette fin. Elle engage la responsabilité pénale d’un supérieur, civil ou militaire, pour les crimes commis par ses subordonnés, s’il savait ou avait des raisons de savoir qu’ils étaient commis et qu’il a fait défaut de les empêcher ou de les punir après coup. Cette doctrine, tirée du droit militaire, a été appliquée à certains accusés dans la foulée de la Seconde Guerre mondiale, avant d’être reprise par les statuts des tribunaux pénaux internationaux ad hoc pour l’ex-Yougoslavie (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY)1) et le Rwanda (Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)2). Plus récemment, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale3 a créé la Cour pénale internationale (CPI) ayant pour mission de juger les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et les génocides commis après le 1er juillet 2002. Cette institution, maintenant centrale à la justice pénale internationale, a innové à plusieurs égards, notamment dans sa conception de la responsabilité du supérieur hiérarchique, établie dans l’article 28 du Statut de Rome :
Outre les autres motifs de responsabilité pénale au regard du présent Statut pour des crimes relevant de la compétence de la Cour :
a) Un chef militaire ou une personne faisant effectivement fonction de chef militaire est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des forces placées sous son commandement et son contrôle effectifs, ou sous son autorité et son contrôle effectifs, selon le cas, lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces forces dans les cas où :
i) Ce chef militaire ou cette personne savait, ou, en raison des circonstances, aurait dû savoir, que ces forces commettaient ou allaient commettre ces crimes ;
et
ii) Ce chef militaire ou cette personne n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites ;
b) En ce qui concerne les relations entre supérieur hiérarchique et subordonnés non décrites au paragraphe a), le supérieur hiérarchique est pénalement responsable des crimes relevant de la compétence de la Cour commis par des subordonnés placés sous son autorité et son contrôle effectifs, lorsqu’il ou elle n’a pas exercé le contrôle qui convenait sur ces subordonnés dans les cas où :
1) Le supérieur hiérarchique savait que ces subordonnés commettaient ou allaient commettre ces crimes ou a délibérément négligé de tenir compte d’informations qui l’indiquaient clairement ;
2) Ces crimes étaient liés à des activités relevant de sa responsabilité et de son contrôle effectifs ; et
3) Le supérieur hiérarchique n’a pas pris toutes les mesures nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en empêcher ou en réprimer l’exécution ou pour en référer aux autorités compétentes aux fins d’enquête et de poursuites».
Chacun peut dès maintenant essayer de situer la responsabilité de Ouattara, Gbagbo et Soro. En attendant les décisions de la Cour Pénale Internationale (CPI).

GUY TRESSIA

Tue, 19 Jun 2012 03:46:00 +0200

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