DAKAR : 13 ans après leur séparation chirurgicale – Adama et Awa, les siamoises ont grandi !

Elles se portent comme de charmantes « disquettes », mais vivent dans une précarité totale

29 Septembre 2013-29 Septembre 2016, il y a treize ans, jour pour jour, les bébés siamois, Adama et Awa, ont été séparés avec succès à l’hôpital Aristide Le Dantec à Dakar. Une grande première en Afrique car l’exploit chirurgical réalisé au pays de Senghor avait fait le tour du monde. Aujourd’hui, Adama et Awa Ndoye ont treize ans (13 ans). Elles ont grandi ! Elles se portent très bien comme de charmantes « disquettes » (Coquettes en langue Wolof) , mais vivent dans une précarité totale. Notre reporter Pape Ndiaye qui a eu, à l’époque, le privilège de faire le pied de grue dans l’antichambre du bloc opératoire de l’hôpital, revient sur cet exploit à la fois médical, chirurgical et humain.

L’une s’appelle Awa Ndoye et l’autre Adama Ndoye. Ces deux sœurs siamoises sont âgées aujourd’hui de treize ans. Il y a quelques semaines, nous les avons trouvées dans le village lébou de Yoff-Ndénate. Nous les avons observées et longuement, dans cette vaste concession polyfamiliale où elles habitent. Et dès que nous nous sommes approché d’elles et avons sorti notre appareil photo, tous les enfants du voisinage se sont joints aux sœurs Adama et Awa. Subitement, une assemblée d’enfants s’est formée. Mais mystérieusement, tous les regards avaient pour cible les sœurs siamoises. Elles ont certainement dû s’interroger, « Pourquoi nous, et pas les autres ? » On aurait pu leur répondre que, dans la nuit du 29 novembre 2003, elles sont nées collées, c’est-à-dire liées par le cœur et l’intestin grêle. Le phénomène s’était produit au dispensaire-maternité Philippe Maguilène Senghor de Yoff. Il s’agissait d’un type de malformation très rare qui fait que les bébés avaient peu de chances de survie. Dès leur naissance, les deux bébés qui s’appelleront une semaine après Adama et Awa, avaient été évacués au pavillon de néonatologie de l’hôpital Le Dantec que dirige le professeur-colonel Mamadou Ndoye, un chirurgien pédiatrique de profession et de grand talent. Un bilan médical complet effectué rapidement avait fait apparaître que les jumelles de Mme Coumba Niang, la « malheureuse » maman, étaient liées au niveau de la région ombilico-sternale. Une telle malformation nécessitait une opération urgente tandis que certains membres de la famille des Ndoye estimaient que, sans une évacuation dare-dare à l’étranger, c’est-à-dire chez les toubabs, les deux bébés étaient condamnés à une mort certaine. C’était méconnaître le professionnalisme et la compétence de nos brillants médecins malgré leur manque de moyens. Face à ce défi qui leur était lancé, le professeur Ndoye avait mobilisé une équipe multidisciplinaire composée d’anesthésiste (Pr Elizabeth Diouf), de radiologue (Pr Elhadji Niang),et de chirurgiens pédiatres (Pr Mamadou Ndoye et Pr Gabriel Ngom). Ce matin là, nous fumes l’unique personne étrangère (Le Témoin) au service à accéder au saint des saints du bloc opératoire pour suivre cet événement à répercussion mondiale en cas de succès. L’hôpital Aristide Le Dantec retient son souffle ! Le souffle du défi. L’opération qui a duré plus de 5h  et mobilisé une vingtaine de personnes dont des infirmières et des sages-femmes s’était très bien déroulée. Ce jour-là, la vieille et pauvre enseigne de « Hôpital Le Dantec » presque en lambeaux, s’était invitée dans tous les foyers du monde. Ce, grâce aux chaînes de télévisions étrangères qui avaient ventilé l’information aux quatre coins de la planète. Et paradoxalement, l’exploit venait d’un pays où les hôpitaux sont « délestés » en matière d’électricité, où les malades font leur propre quête en sang, les infirmiers quémandent des produits comme la bétadine, l’aspirine, l’alcool etc.

Après le défi médical, le défi social…

29 novembre 2003 – 29 novembre 2016, treize ans déjà jour pour jour, les ex-siamoises Adama et Awa ont grandi. Elles ont grandi comme la plupart des enfants de leur âge. Et elles se portent très bien comme de charmantes petites « disquettes ». N’est-ce pas Pr Ndoye ? « D’abord, permettez-moi encore de remercier le Bon Dieu de m’avoir prêté main-forte ainsi qu’à mon équipe pour réussir cette opération » dit-il avant de nous faire un bref rappel de cette rare malformation «  Ces filles sont nées à la maternité du Centre de Santé Philippe Senghor par voie basse après une grossesse mal suivie (aucune consultation prénatale, aucune échographie). Elles ont été transférées 1h après leur naissance dans mon service. Après quelques jours de bilan et de préparation, les bébés qui étaient accolés au niveau du sternum et de l’ombilic, ont été séparés avec succès. Aujourd’hui, les filles se portent très bien. Adama par contre présente une petite anomalie et est médicalement suivie… » explique Pr Mamadou Ndoye. « Dans l’ensemble, elles se portent bien ! Mieux, elles n’ont pas de problème de croissance puisqu’elles ont la même taille, presque le même poids et la même physionomie que la plupart des fillettes de leur âge » souligne-t-il. Et la précarité dans laquelle vivent gravement les jumelles siamoises? « Je pense que leur maman est mieux placée pour en parler. Nous, nous avons fait ce qu’il fallait faire c’est-à-dire relever le défi médical. Donc, le défi social, c’est le domaine des pouvoirs publics et des personnes de bonne volonté. En tout cas, c’est une famille qui a besoin d’aides et d’assistance ! » se désole Pr Ndoye en sa qualité de père de famille. A en croire Mme Coumba Niang, la maman des sœurs siamoises, les enfants vivent dans une extrême pauvreté « Adama bien que malade, est obligée de faire la bonne domestique pour donner de quoi manger. Leur papa est gravement malade et ne peut rien faire. Nous sommes hébergés par les beaux-parents, faute de toit !  » dit-elle les larmes aux yeux « Je profite de cette occasion pour dire au président Macky Sall et à son épouse de nous aider. De même que d’autres personnes de bonne volonté. Sans oublier la collectivité léboue dirigée par Abdoulaye Makhtar Diop. Car la précarité nous a tellement gagnés au point que nous préférons même mourir que de vivre…»s’emporte Mme Coumba Niang, mère des jumelles siamoises. Triste sort !

Pape NDIAYE
In « Le Témoin » quotidien sénégalais

Fri, 16 Dec 2016 02:52:00 +0100

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