Phil Azoumé Jay : « Partir d’Abidjan m’a amélioré »

Phil Azoumé, après douze ans de silence, vous revenez avec un Maxi-single. Etes-vous un vieux cheval de retour  tirant son passé comme une vieille charrue ?

En matière de musique, on ne saurait parler de vieux cheval de retour ou de vieille charrue. Un musicien peut créer à tout moment, à tout âge, s’il est inspiré, même à quatre vingt ans. La musique n’a pas d’âge.

Qu’ est ce qui vous à pousser à revenir ? avez-vous quelque chose à prouver ?

La musique est le choix que la vie m’a imposée. Je n’ai rien à prouver. Mais, j’ai besoin de partager ma musique, j’ai l’inspiration et je dois vivre donc faire de la musique, je sens la nécessité de jouer où je me trouve. C’est mon lot. Ainsi, un jour à la cabane bambou, à Treichville, je me suis retrouvé avec Alpha Blondy, il a pris, une guitare et j’en ai pris une et on a joué pendant trois heures juste pour le fun, pour nous faire plaisir, mais aussi pour nous exprimer c’est cela le musicien.

Ce qu’on a écouté de Ibossé votre Maxi-single est bon, très bon même…

Ibossé, n’est pas une œuvre nouvelle, il y a longtemps que cela existe, je l’ai retravaillée. C’est l’histoire d’un couple qui se dispute. En voici le thème. Cette œuvre est depuis longtemps dans les archives des Woody…

Justement à propos des Woody où en sont vos rapports ? La rumeur parle de rupture.
 
Chris de Bagnon est mort. Mais mes rapports avec les Woody restent conviviaux, humains, on se chamaille, mais on reste ami, et le groupe existe toujours. Jack Deli est toujours un proche, un ami que j’ai toujours au téléphone malgré la distance géographique qui nous sépare.

La musique aujourd’hui s’est démonétisée avec internet, elle est plus virtuelle, comment faites-vous pour vivre ?
 
Chaque époque connaît ses transformations. Aujourd’hui, à cause ou grâce au numérique les artistes sont confrontés à un dilemme. Comment rentabiliser leur œuvre, et vivre de leurs créations ? L’artiste étant avant tout un citoyen vivant dans le peuple, il ne saurait vivre en autarcie, il doit rester dans le mouvement, prendre le train du changement comme tout le monde. Aussi, en plus des concerts en salle, des ventes de disques, je fais comme tout le monde, je mets en ligne mes œuvres pour être connu et éventuellement  arriver à engranger de l’argent.

En vous voyant, on a l’impression que vous vous êtes embourgeoisé ?
 

La question me laisse perplexe. Le style est personnel, cela remonte aux  origines de chacun. Le comportement vestimentaire est propre à notre environnement. Si vous êtes banquier, vous ne serez pas attifé comme Jimi Hendrix. Le style est contextuel.

Beaucoup d’Ivoiriens et de vos fans se demandent pourquoi vous êtes parti d’Abidjan ?
 
Je suis parti pour me parfaire, pour m’améliorer, pour apprendre.  J’ai mis douze ans pour monter un groupe comme les Woody ici à Clermont-Ferrand : La « Team Azumé ». Je crois que je peux l’affirmer sans risque de me tromper qu’il y a un plus dans mon jeux, dans ma technique, dans le son. Oui, j’ai fait des progrès par rapport à avant. En écoutant Ibossé et Awalé, c’est ce que je ressens.  Cela dit, je ne sais pas ce que les autres en pensent. M’exiler m’a apporter un plus.

Comment et avec qui avez-vous travaillé sur ce single ?
 
Cet album a pris du temps. Pour des raisons de production et d’édition. Pour sa réalisation, j’ai beaucoup bougé. Différentes personnes ont participé à la réalisation du single et surtout de l’album. Je suis quelqu’un de très ouvert. Aussi, j’ai jugé utile de me rendre à Amiens pour travailler avec Billy Gad, à Paris avec Pipo dans son studio. Puis, je me suis rendu à Abidjan au studio 7 pour travailler et recevoir des conseils. Je suis à l’écoute des autres, même si en dernier ressort, je décide toujours. J’ai aussi travaillé avec les Zougloumen, quelqu’un comme El Commandante et Tino l’Amour ont fait des chœurs, avant que je ne travaille avec Amy Bamba, et Johan Ecaré. Je voudrais en profiter pour dire que j’aime le zouglou même si je n’en fais pas.  Voilà comment, j’ai travaillé sur le single. Concernant l’album, quelqu’un avec qui j’ai déjà eu à travailler en sera ou plutôt en est le directeur artistique. C’est : Olivier  Ajavon, un togolais avec qui j’ai déjà eu à travailler en 1997-1998 sur l’album des Woody. Avec Olivier on rentre en studio le 10 mars prochain à Paris.

Lorsqu’on regarde votre parcours, on ne peut pas dire que vous êtes un artiste engagé. Mais défendez-vous une cause surtout que la Côte d’Ivoire votre pays est en proie à une crise socio-politique depuis plus d’une décennie ?

Je défends de grandes causes. Je défends la vie au quotidien. Je m’investis dans le peuple à travers  mes chansons. Ainsi, Ibossé,  est un conseil aux couples,  et Awalé dénonce le comportement précipité en amour. Avant de se mettre avec quelqu’un, il faut prendre le temps de connaître cette personne. Car on peut se tromper sur la personnalité de la personne. A mes yeux, cela est plus important. Les politiques sont issus du peuple, ils ont une famille, mais, je n’ai jamais vu un politique au front avec une kalachnikov.  Alors pourquoi devrais-je parler de gens égoïstes qui envoient les enfants des autres se faire tuer, pendant qu’ils se la coulent douce. Je prône l’amour au quotidien. C’est une grande cause.  Ce qui se passe en ce moment dans mon pays est le chemin pour arriver à la démocratie. Il faut des siècles pour que cela soit parfait, comme ici en Europe.  J’espère que nous aurons une démocratie apaisée chez nous un peu plus tôt.

Quelles relations avez-vous avec Alpha Blondy et Tiken Jah qui sont vont compatriotes et des artistes engagés politiquement ?

Je vais vous étonner. Alpha  est mon beau-frère, puisque son premier fils Ismael est mon neveu. Lorsqu’il vient en concert à Clermont-Ferrand, on se voit, il vient chez moi et quand je suis à Abidjan, je ne manque pas de lui rendre visite à la maison .  Quant à Tiken Jah, c’est mon petit frère. Je l’ai connu à Yopougon chez Mamadou Doumbia. Et aujourd’hui, je l’admire car, il fait des œuvres humanitaires. Chaque fois qu’il donne un concert, il offre une école pour faire reculer l’ignorance en Afrique. Je l’admire car, il travaille à l’émancipation  et à l’éducation de l’Afrique. Mais ses prises de positions ne regardent que lui.

N’est-ce pas ridicule de vous faire appeler Phil Azoumé Jay au lieu de Phil Azoumé tout court ?
 
En réalité , j’ai trois casquettes, sinon quatre. Le musicien : Phil Azoumé qui a ajouté Jay pour que son patronyme apparaisse, le chef de famille qu’on appelle papa , le fonctionnaire  qui s’appelle Djédjé Jean-Firmin et enfin  Firmin dans la rue pour mes amis d’enfance.

Par Abissiri Fofana

Mon, 04 Mar 2013 18:38:00 +0100

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