Politique nationale / Intérim du secrétariat des Forces nouvelles : Soro Guillaume donne un vrai cadeau empoisonné à Koné Mamadou

Photo : DR
Un cadeau empoisonné à Koné Mamadou

On le voyait venir et entrer petit à petit dans le cercle rapproché et fermé de Guillaume Soro. Au dialogue direct de Ouagadougou, sa qualité de magistrat hors hiérarchie avait permis aux Forces nouvelles de ne pas être dans leurs petits souliers devant les assurances de Désiré Tagro sur les questions de Droit. D’aucuns avaient alors prédit que si le rejet initial par Laurent Gbagbo du nom de Guillaume Soro à la Primature avait persisté, c’est lui, Koné Mamadou , qui avait été directeur de cabinet au Ministère de la Justice sous Bédié et sous Gbagbo, (avec Kouakou Brou et Henriette Diabaté) qui aurait ravi le poste.

Soro part et reste

Mais, échaudé par les expériences passées des profiteurs de rébellion, Laurent Gbagbo a fini par manger son pain en acceptant que Guillaume Soro himself soit nommé à la Primature. Une idée qui, néanmoins, n’a pas encore tué les résistances au sein de l’aile militaire de la rébellion, et qui n’a pas du tout vraiment permis au processus de sortie de crise d’aller plus vite que du temps des autres Premiers ministres par procuration, ou dit neutres. Mais voici que Guillaume Soro, nommé parce qu’il était le chef de la rébellion, tente de se donner une posture d’arbitre et d’observateur à l’égard des candidats que sont Gbagbo, Bédié et Ouattara. Le chef du gouvernement se dégage des Forces nouvelles sans vraiment partir, et met au-devant de la scène le ministre d’Etat qui devra alors faire le sale boulot et assumer bientôt certaines mauvaises décisions qui pourront être prises dans les semaines à venir.

Tâche difficile

D’abord le Premier ministre ne sera plus trop obligé d’aller à Bouaké, où il était déjà devenu rare. Ce sera au Ministre Koné Mamadou de le faire plus souvent, pour calmer l’impatience de l’aile militaire, et pour gérer les états d’âme des civils. La tâche sera d’autant plus difficile que le SG intérimaire devra faire face à la jalousie des militants historiques des FN, mécontents de voir un new-comer n’ayant pas bravé le feu et la clandestinité aux heures chaudes, bénéficier de la confiance de Guillaume Soro. Koné Mamadou devra compter avec les peaux de banane, comme il devra tenir compte des humeurs et états d’âme de l’aile militaire. N’ayant pas la légitimité de terrain de Guillaume Soro, l’intérimaire peut-il avoir une réelle autorité quand on sait d’ailleurs que Koné Mamadou est réputé pour aimer le consensus et refuser les décisions d’éclat, pouvant conduire au clash ?

La question du statut des forces nouvelles

Quel est le statut juridique des Forces nouvelles ? Le mouvement détient-il un acte juridique et administratif de l’Etat de Côte d’Ivoire, reconnaissant son existence en dehors des accords de paix, et en dehors de son existence de fait ? Les Forces nouvelles existent-elles de jure ? L’homme de Droit qu’est Koné Mamadou devra aider à mettre fin à la confusion et à l’ambiguïté aux sujets des Forces nouvelles, dont il serait intéressant de mettre les statuts et règlements à la disposition des militants et du grand public. Comment devient-on Forces nouvelles ? Quelles sont les cotisations à payer par les membres ? Quelle est la durée du mandat des organes dirigeants ? Quand le Premier ministre d’un pays comme la Côte d’Ivoire est issu d’un mouvement, ledit mouvement doit subir les règles de transparence et être assujetti au Droit applicable à tous. Cela devient davantage une exigence quand c’est un homme de Droit comme Koné Mamadou qui est porté à la tête du mouvement.

Un technocrate en politique

Toutefois, la portée de l’autorité du ministre d’Etat, Garde des Sceaux, ministre de la justice est limitée en ce qu’il ne s’agit que d’un intérim. Ce qui signifie que le vrai patron reste toujours Guillaume Soro. Le Premier ministre part sans partir. Et réussit le tour de force de compromettre davantage Koné Mamadou, conduit à faire davantage de politique politicienne, à assumer la reconnaissance qu’il a pour Guillaume Soro, qui lui porte pour sa part une très grande estime. Au moment où Guillaume Soro est supposé prendre du recul, c’est un technocrate non encarté ni partisan qui ôte les masques, pour devenir une figure emblématique de l’ex-rébellion. Saura-t-il faire l’inventaire et assumer tout le passif et le passé du mouvement depuis septembre 2002 ?

Un intérim limité et de second degré

Selon M. Alain Lobognon, avec cette nomination d’un intérimaire, le Premier ministre se consacrera de plus en plus à la sortie de crise. On comprend donc bien que depuis quatre ans, Guillaume Soro n’a pas été Premier ministre à cent pour cent. C’est maintenant qu’il tentera d’être Premier ministre à près de soixante-quinze pour cent, puisqu’il ne l’était qu’à cinquante pour cent. Cette décision est tardive, car elle intervient près de quatre ans après. Elle est frappée d’une légitime suspicion, parce qu’en dehors du fait que le Premier ministre n’avait pas encore trouvé le bon profil, il en refusait même le principe, en disant qu’ayant été nommé Premier ministre en qualité de SG des FN, il ne pouvait pas quitter le poste. D’où son maintien formel et juridique à la tête des Forces nouvelles, dans la mesure où Koné Mamadou est un intérimaire de second degré. Quand un ministre est absent et qu’en attendant son retour un collègue assure l’intérim, on peut parler d’un intérim de second degré, parce qu’il y a possibilité de fin d’intérim. Mais, il y a des intérims de premier degré comme dans le cas de la démission du Président de la Fédération française de football, ou dans le cas de l’intérim assuré par le Président du Nigeria. Dans les deux cas, l’intérimaire a les pleins pouvoirs sans aucune possibilité de retour du titulaire de droit du poste.

Vers un parti politique

Sanctionnés dernièrement par le directeur de cabinet, deux conseillers du Premier ministre ont fait dire qu’ils ne sont pas conseillers à la Primature, ou encore moins conseillers du directeur de cabinet. Ils sont conseillers du Premier ministre. Donc ils n’ont rien à faire avec une suspension infligée par un directeur de cabinet. Ne risque-t-on pas d’avoir les mêmes soucis avec Koné Mamadou ? Cela dit, le nouveau SG intérimaire est à même de susciter de nouvelles adhésions aux Forces nouvelles, au cas où Guillaume Soro tente, de bonne foi, la transformation du mouvement en parti politique légal et démocratique. Ce qui signifie que le désarmement doit se faire enfin! Mais, beaucoup de choses portent à croire que le retrait du Premier ministre est une manœuvre pour sortir un fusible devant assumer les difficultés à venir concernant le désarmement. Ainsi, Guillaume Soro va jouer à plein temps la carte de Premier ministre, en phase avec Laurent Gbagbo, et livrera plutôt Koné Mamadou à la colère et à la vindicte éventuelle des partis politiques, et des patriotes qui pourraient êtres excédés par de nouveaux et derniers blocages venus de Bouaké. L’homme de foi, le fonctionnaire loyal et intègre qu’est Koné Mamadou saura, à coup sûr, se protéger des mics macs et coups fourrés éventuels.

Charles Kouassi

Encadré

Alain Lobognon justifie
Le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme est depuis le vendredi 23 juillet 2010 le secrétaire général par intérim des Forces nouvelles. Invité de Onuci-fm le samedi 24 juillet, Alain Lobognon, le conseiller en communication du Premier ministre a donné les raisons du choix du garde des sceaux. «Le premier ministre a plusieurs collaborateurs. Il a choisi un parmi eux. Certainement que la grande discrétion du ministre Koné Mamadou a milité en sa faveur. Il a toujours travaillé en bonne intelligence avec tout le monde ». Alain Lobognon a fait cette déclaration le samedi 24 juillet 2010. Celui qui a en charge de la communication du Premier ministre a précisé que ce n’est pas la première fois que Guillaume Soro s’est choisi un intérimaire. Parce que « Je me rappelle qu’une première fois c’était M. Dakoury Tabley qui avait été désigné pour assurer l’intérim du secrétaire général en l’absence de celui-ci. Puis en fin 2008, nous avions désigné le ministre Dosso Moussa pour assurer l’intérim. Chaque fois, on désigne un intérimaire lorsque les tâches s’annoncent difficiles et ardues pour le Premier ministre qui a besoin de prendre un peu de distance par rapport aux affaires locales, c’est-à-dire les affaires concernant les Forces nouvelles pour se consacrer aux affaires de l’Etat. Et cette fois-ci, compte tenu de la proximité des échéances électorales, il a estimé qu’il fallait se donner du temps. C’est ainsi qu’il a désigné le garde des sceaux, ministre de la Justice pour assurer l’intérim du secrétaire général des Forces nouvelles ». Pourquoi Soro n’a-t-il pas choisi Dosso Moussa pour continuer l’intérim? Alain Lobognon a expliqué que le ministre de l’Industrie a d’autres charges notamment l’encasernement des ex-combattants et l’unicité des caisses de l’Etat. « M. Soro ne se dessaisit pas et ne se démet pas. Il demeure toujours secrétaire général des Forces nouvelles », a-t-il ajouté

Touré Abdoulaye

Avec la partenariat de l’Intelligent d’Abidjan

Mon, 26 Jul 2010 07:53:00 +0200

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