Prostitution: LES « VIEILLES MÈRES» PRENNENT LE POUVOIR

Photo : DR
La prostitution gagne du terrain en Côte d’Ivoire. Cette vieille pratique considérée comme un déshonneur pour la femme, s’est accentuée avec la crise qui secoue le pays, depuis quelques années. Désormais, ce ne sont pas seulement les jeunes filles qui s’affichent comme actrices du plus vieux métier du monde. «Les vieilles mères», expression bien ivoirienne pour désigner les femmes d’un certain âge qui refuse de vieillir, ont pris le pouvoir. Elles rivalisent d’ardeur avec les plus jeunes; leur livrant une concurrence accrue.

Pendant longtemps, la prostitution a été l’affaire des jeunes filles, soucieuses de tirer tout l’avantage que leur offrent leurs atouts physiques, afin de faire face à leurs besoins vitaux par ces temps de crise économique et sociale.

De fait, il y a belle lurette qu’en Côte d’Ivoire, la prostitution n’est plus le seul fait des femmes ghanéennes qu’on appelait à l’époque, « Toutou », « Sao », « Tchouin » qui ont disparu après les douloureux évènements de 1993 (le match Asec-Kotoko).

Ainsi, après avoir été la chasse gardée des jeunes filles des communautés étrangères (libériennes et ghanéennes, notamment), la prostitution enregistre depuis quelques années déjà, l’arrivée massive des Ivoiriennes. Des filles de joie que l’on retrouve en zone 4, à la Rue Princesse et autres coins chauds d’Abidjan. A celles-ci s’ajoutent des femmes d’un certain âge. D’apparence respectable, ce sont pour l’essentiel de vieilles filles, la quarantaine révolue, toujours prêtes à livrer leur corps…pour des billets de banque.

A la différence des jeunes filles, celles-là ont le triste avantage de savoir dissimuler leur deal. Elles exercent dans la discrétion. Même si on les reconnaît dans leurs tenues provocantes du genre « chérie regarde mon dos», chaussures Sébago aux pieds, qui siéraient mieux à leurs filles. On retrouve la plupart de ces prostituées nouveaux-modèles dans les maquis-bars et cabarets du quartier, parfois en compagnie d’amants plus jeunes qu’elles.

Par ailleurs, les femmes qui fréquentent ces milieux refusent qu’on les appelle «tantie» ou madame. Elles préfèrent les appellations du genre « vieilles mères choco ». Dans le quartier où elles résident, les hommes ne cessent de défiler. Elles changent les partenaires comme…des tenues. Certaines d’entre elles se rendent sur Internet, à la recherche de « clients ». Et elles disposent d’atouts indéniables pour appâter leur proie. Les « vieilles mères choco » sont propres, s’habillent bien. Elles ont l’expérience et le savoir faire au lit. « Avec une femme qui a déjà deux ou quatre enfants, vous êtes à l’abri d’une grossesse non désirée », confie Gaston O, un habitué de ce genre de conquêtes.

Les « vieilles mères choco » tirent une fierté de ce qui est devenu leur « métier ». « Avec mon âge, si un (plus jeune que moi) m’aborde, je sais qu’il ne va pas m’épouser. Donc, s’il ne peut rien me donner, ce n’est pas la peine. Aussi, les hommes qui viennent me voir ont déjà leurs femmes, à qui ils sont parfois déjà mariés légalement. Donc si on va ensemble, c’est pour s’arranger. S’ils ne peuvent pas payer ma maison et me donner l’argent pour manger, qu’est-ce qu’ils viennent chercher chez moi ? », lance, désabusée, Joséphine Ahipeaud, une « vieille mère » qui doit avoir entre 38 et 40 ans rencontrée dans un maquis à Koumassi (un quartier populaire d’Abidjan).

Pour sa part, Justine Affoué «une vieille mère» qui vit avec ses deux enfants de père différents à Port-Bouet (derrière Wharf) dit se plaire de sa situation : « Je préfère ça (changer les hommes) que de rester au foyer. J’étais mariée, mais j’ai divorcée parce qu’au foyer c’était un enfer ». Et, Justine d’ajouter : « aujourd’hui, je ne suis plus prête à me remarier ; car je n’ai rien à envier à une femme qui est au foyer. De toute façon j’ai déjà eu mes enfants, c’est l’essentiel ».

La « vieille mère » Monique K., quant à elle, est une habituée du maquis plein air « au sable », à Koumassi-Aklomianbla (expression baoulé qui signifie si tu m’aimes, viens). Ici, la plupart des clients sont des personnes âgées qui viennent pour se récréer. Pour Monique, celui qui veut l’avoir en sa compagnie doit aimer le show (ambiance chaude des maquis), doit avoir les moyens de la faire sortir. Toutefois, avec elle, point n’est besoin de dépenser beaucoup. Une bouteille de grosse bière (dénommée Drogba à Abidjan) accompagnée d’un poulet braisé suffit. Et la soirée est gagnée.

Comme cette dernière, elles sont nombreuses les femmes d’un certain âge qui parcourent à longueur de journée les maquis à la recherche d’un nouveau « pointeur » (un client). Mais, sur le terrain la tâche ne s’annonce pas aisée. Car les « vieilles mères » doivent faire face à la concurrence que leur livrent les jeunes filles qui disposent, elles, d’attributs féminins à faire tourner la tête des hommes : poitrine ferme, seins galbés, postérieur rebondi et provocateur à souhait. Tout ce qu’il faut pour mettre un homme à leurs pieds. C’est que dans la conquête des clients, jeunes prostituées et « vieilles mères » doivent faire valoir leurs atouts pour convaincre. C’est la loi du « marché ».

Eugène YAO in Frat Mat

Sun, 29 May 2011 11:16:00 +0200

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