Sénégal – Traque des homosexuels : Un fonds de commerce juteux !

Selon le journal « Le Populaire » qui a fait état de cette rencontre « mystérieuse », qui n’a rien de telle d’ailleurs au vu des thèmes de la rencontre, il a été question d’affiner des stratégies pour faire admettre les actes homosexuels et, subséquemment, leur dépénalisation. Depuis la parution de cette information somme toute banale, l’Ong Jamra, telle une police de la pensée, verse dans un activisme médiatique débordant pour exprimer à nouveau toute sa répulsion de l’homosexualité. Comme il en a été de même avant la dernière présidentielle, si des Ong comme la Raddho (Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme) sont systématiquement accusées de s’activer pour instiller à doses homéopathiques l’acceptation de la normalité de l’accouplement homosexuel et aussi d’œuvrer concomitamment pour sa dépénalisation dans le seul but d’obtenir des subsides de puissants lobbys gays, on pourrait toutefois dire la même chose concernant toutes ces organisations à vocation religieuse. Des organisations qui se sustentent avec les subventions que leur versent certains Etats islamiques, lobbys islamiques ou islamistes anti-gays.

L’ACTIVISME EXUBÉRANT DE JAMRA

S’agissant de Jamra, nous doutons fort des agitations moralisatrices de cette Ong dont le fonds de commerce n’est constitué que par son activisme exubérant dans la lutte contre les actes contre-nature. Une croisade contre la dépravation des mœurs, notamment des plaisirs charnels, pour laquelle, pour l’heure, l’Ong de feu Latif Guèye ne peut s’enorgueillir que de quelques maigres proies épinglées à son tableau de chasse. Tout ça pour ça, serait-on tenté de dire ! En effet, à chaque occurrence, les responsables de Jamra ne cessent rabâcher leur croisade victorieuse de 2001 contre un projet de « Gay pride », dont même un célèbre patron de presse était membre du comité d’organisation. En février 2009, à l’occasion du Grand Magal de Touba, s’appuyant seulement sur des informations non recoupées, une délégation de Jamra, conduite par son président exécutif, est reçue par l’alors Khalife général des Mourides, Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké. But : attirer son attention sur les intentions prêtées à certaines organisations des droits de l’homme d’être porteuses, auprès des autorités étatiques, d’un obscur projet portant légalisant des unions contre-nature. Comme si cela ne suffisait pas, voilà que, du mardi 02 au dimanche 07 avril 2013, les infatigables pontifes de l’ordre moral et religieux du Sénégal enfourchent à nouveau leur cheval pour vagabonder dans les berceaux religieux aux fins de recevoir l’onction et le soutien des marabouts dépositaires des valeurs islamiques. Et ce pour leur croisade contre les « goor jigeen ». Il faut dire que la question de l’homosexualité est tellement sensible dans notre pays que, chaque fois que les brigadiers de la foi soulèvent un discours répressif, criminalisant une telle pratique, la plupart des gens, de façon irréfléchie, demandent d’envoyer les pédés à la potence ou les vouent à géhenne. C’est ce manque de lucidité notoire, cette cécité mortifère sur un phénomène qui, dans son essence, va même à l’encontre de cette société que des Ong comme Jamra exploitent à des fins qui transcendent la préservation des valeurs morales.

ÉTAT FRILEUX DEVANT LE DIKTAT RELIGIEUX

Ce qui est sidérant, c’est la frilosité de l’Etat chaque fois que la question homosexuelle est brandie comme une guillotine par des organisations religieuses, des hommes politiques et certains dignitaires et prêcheurs religieux. La faiblesse de l’Etat sur cette question est si patente que, aujourd’hui, des maîtres chanteurs de tout acabit l’agitent comme une épée de Damoclès pour exercer une grande pression sur les autorités étatiques. Et pas seulement sur elles. Dans l’entre-deux tours de la dernière présidentielle, la phrase du candidat de Bennoo Bokk Yaakaar «Nous allons gérer la question de l’homosexualité de manière responsable et moderne» comme celle prononcée par le même candidat disant que « les marabouts sont de simples citoyens », ces phrases ont été ignominieusement déformées à dessein pour des intérêts bassement politiciens. Et cette posture, pourtant très responsable du candidat Macky Sall, avait était interprétée comme une fuite de responsabilités et comme un agrément donné à la dépénalisation de l’homosexualité. Le comble de la malhonnêteté politique a été atteint quand certains responsables du Parti démocratique sénégalais (Pds), qui sentaient que le pouvoir était en train de leur échapper, ont mis en avant, comme leitmotiv de campagne, un prétendu soutien que des lobbys gays auraient apporté au candidat Macky Sall. Pire, le journal le Pays, pro-libéral, est allé jusqu’à publier à la Une un article tendancieux, avec photos à l’appui, dans lequel l’auteur de l’article parlait de deux gays célèbres qui, prétendait-il, devaient assister au meeting de clôture du candidat Macky Sall. Ce, au nom des lobbys gays qui auraient soutenu financièrement la campagne du candidat de BBY. Durant la même période, la télévision Canal Info (qui repose en paix aujourd’hui), l’autre médium pro Karim Wade, n’organisait que des débats sur l’homosexualité dans cet entre-deux tours dans l’optique de renverser la courbe de sympathie populaire dont bénéficiait le leader de l’Alliance pour la République (Apr). Puisque les Sénégalais réprouvent dans leur grande majorité l’homosexualité, il fallait organiser des débats y afférents aux fins de repositionner le candidat Wade dont les partisans affichaient un pseudo-radicalisme sur ladite question. Le but était clair : mettre en mauvaise posture les débatteurs du camp adverse dont le candidat a refusé de flétrir publiquement l’homosexualité. De soi-disant docteurs de la foi musulmane étaient allés jusqu’à sommer le candidat Macky Sall de donner une position claire sur la dépénalisation de l’homosexualité. Et ce sont ces mêmes personnes qui, depuis que le Populaire a parlé des lobbys homos qui se seraient réunis pour faire entrer la question de la dépénalisation à l’Hémicycle, ont mis en demeure le président de la République pour qu’il se prononce sur cette question. On a entendu Imam Massamba Diop, le président exécutif de Jamra, enjoindre avec une insistance sidérante le président Macky Sall de dire ce qu’il désirait entendre, c’est-à-dire que jamais l’homosexualité ne serait légalisée au Sénégal. Face à toutes ces injonctions, le Président s’est donc exécuté. Ainsi, dans un communiqué du Conseil des ministres du jeudi le 11 avril, il a « souligné avec fermeté que l’Etat n’a jamais envisagé une telle option qu’il exclut totalement sous son magistère ». Auparavant, Moustapha Diakhaté, président du groupe parlementaire de BBY, avait été amené à condamner publiquement l’homosexualité à travers ces propos qui sonnent comme une reddition : « les dispositions du Code pénal punissant l’homosexualité restent en vigueur et ne feront l’objet d’aucun assouplissement. L’éventualité de la dépénalisation de l’homosexualité au Sénégal n’est pas à l’ordre du jour aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au niveau du gouvernement. Le groupe BBY n’envisage pas de soutenir encore moins de porter une telle proposition de loi. Le Sénégal reste un pays qui pénalise l’homosexualité ». Après le communiqué du Conseil des ministres, dans un triomphalisme de matamore, Imam Massamba Diop a remercié le président pour avoir donné de l’importance à ses interpellations injonctives.

LE SÉNÉGAL, UNE TERRE DE SAINTS MAIS PAS UNE TERRE SAINTE

S’il est vrai que les Sénégalais, dans leur écrasante majorité (dont l’auteur de cet article) réprouvent la pratique de l’homosexualité, il n’en demeure pas moins que cette dernière est un phénomène de société que ni les agitations stériles d’Ong, ni les exécutions publiques, ni les excommunications religieuses, ni les exactions voire la répression administrative ne feront disparaître du jour au lendemain de notre société. Une société dans laquelle l’homosexualité est ancrée depuis plusieurs siècles.
Pour dire que la croisade féroce de Jamra nous paraît suspecte, pour ne pas dire intéressée, au vu des méthodes de lutte expéditrices utilisées. On a l’habitude de dire que jamais sur cette terre qui a vu naître El Hadji Omar Tall, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, El Hadji Malick Sy, Seydina Limamou Laye, Cheikh Al Islam Mawlana Ibrahima Niasse, Hyacinthe Thiandoum et autres saints, l’homosexualité ne trouvera un terreau fertile. Pourtant, c’est sur cette terre de saints que des chérubins privés très tôt de l’affection de leur mère et de leur père sont honteusement exploités comme des machines par des marabouts qui n’hésitent pas à les jeter inhumainement chaque jour dans les artères, coins et recoins de Dakar pour quémander à leurs risques et périls des espèces sonnantes et trébuchantes. C’est sur cette même terre de saints — mais qui n’est pas sainte — que des maîtres coraniques pédophiles chargés de forger les âmes de fragiles marmots les soumettent à des actes de pédophilie — comme les prêtres pédophiles ! — sur lesquels Imam Massamba Diop et son Ong observent un mutisme effarant. C’est sur cette terre de saints hommes que ces maîtres coraniques loin d’être des saints forment inconsciemment des homosexuels en puissance en entassant dans des cagibis parfois jusqu’à plus de cinquante rejetons. Une promiscuité qui sème précocement les germes de l’homosexualité. L’exploitation des talibés par les maîtres coraniques pervers avec l’assentiment des pouvoirs publics est un très grave fléau social sur lequel prolifère le phénomène homosexuel. Quand, en juin 2009, la presse se faisait écho du viol en série de 25 filles de moins de 13 ans par un maître coranique du nom de Layine Wilane, où était donc, et que faisait Jamra ? Pourquoi n’a-t-on pas entendu cette organisation s’indigner et condamner les actes ignobles de l’enseignant violeur ? Pis, sur d’autres cas similaires ou plus graves, ça a toujours été motus et bouche cousue du côté de Jamra. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de sous à gagner ?
On ne désapprouve point la lutte contre la perversion que représente l’homosexualité tant qu’elle ne constitue pas un expédient pour exterminer une frange vulnérable de la société, un fonds de commerce ou un moyen de faire chanter les autorités étatiques. Mais vouloir se faire des poncifs sur l’homosexualité comme l’unique pathologie du Sénégal au point de reléguer les autres vices et tares de notre société au second plan, cela est inacceptable. Il faut que l’on cesse de brandir le Sénégal comme un îlot non poreux aux vices qui infestent notre monde. Qu’il soit une terre de saints, qu’il soit habité par 100 % de croyants (musulmans et chrétiens), cela n’empêche pas le Sénégal d’échapper aux tares qui sont consubstantielles à toute société. L’important, c’est de tendre vers des réponses idoines mutuellement partagées et qui iraient dans le sens de ne victimiser — encore moins brûler sur le bûcher de l’Inquisition ! — aucun membre de la société. Une société dont le fondement est le vivre-ensemble.

Post-scriptum

John Edgar Hoover, directeur tout-puissant du FBI pendant 48 ans (1924 à 1972), initiateur du plus gigantesque fichier d’empreintes digitales au monde, a fait entrer l’action de la police dans l’ère de l’expertise médico-légale et scientifique. Puritain, rigoriste, il se voulait le rempart d’une morale victorienne qui dénonce toute sorte de déviations et stigmatise à foison l’adultère et l’homosexualité comme les plaies ouvertes d’une société présentée comme décadente. Il tonnait en permanence contre la dégradation des mœurs, faisait établir des fiches sur la vie privée des personnalités politiques, faisait suivre même les liaisons extraconjugales du président Kennedy et de son frère Robert, alors Attorney général. Il n’hésitait pas à utiliser ces fiches pour faire changer ces personnalités. Hélas, lui aussi n’échappait pas à ce chantage du fait de son homosexualité et de sa vie conjugale (qu’il cachait) avec son numéro deux, l’intraitable Clyde Tolson. Il a été pris en photo sur la terrasse d’un hôtel alors que sa bouche touchait celle de son numéro deux. Les photos ont fini par tomber dans les mains de la mafia qui s’en est servie pour maintenir Hoover à distance.
Comprenne qui pourra !

Serigne Saliou Guèye
« Le Témoin » N° 1121 –Hebdomadaire Sénégalais ( AVRIL 2013)

Wed, 01 May 2013 11:20:00 +0200

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