Tabou / Relations Kroumen-planteurs burkinabè ex-bannis : Au cœur d’une cohabitation toujours en panne

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Tabou, sud-ouest de la Côte d’Ivoire à quelques kilomètres du Libéria, ce mardi 06 avril 2010, l’horloge affiche 07 heures 21 mn à notre arrivée à la gare routière où en compagnie d’un guide, nous nous lançons à la recherche d’un taxi brousse. Destination : la tribu Ompoh. Le conducteur, un jeune autochtone N.T qui accepte de nous y conduire, donne dans la surenchère : 15.000 F Cfa en aller-retour. Au moment où nous engageons des négociations, une pluie sans prémices s’abat sur la ville. L’une des plus arrosées du pays. Ce qui nous contraint à arrêter la négociation à hauteur de 13.000 F. Mon guide et moi prenons alors place à bord de ce taxi de fortune très vétuste à destination de Déhié, l’un des villages de la tribu Ompoh. Où les premières informations en notre possession indiquent que les Kroumen et les planteurs Burkinabè se regardent toujours en chiens de faïence. Et ce, plus de dix ans après l’éclatement, courant 1999, du conflit foncier ayant opposé les deux communautés. Bien que nous ayons pris le taxi en course, le chauffeur nous fait savoir que cela ne l’empêche point de prendre sur l’axe des autonomes se rendant au village. Ainsi après seulement environ 15 minutes de parcours, sur une piste sinueuse et poussiéreuse sur laquelle nous avons été entraînés à quelques mètres du barrage des FDS à la sortie de la ville, le taxi marque un arrêt. Là, contre notre gré, quatre passagers, tous des autochtones en partance pour Iboké doivent monter à bord avec nous. Soit deux à l’avant et les deux autres à l’arrière avec mon guide et moi. Cette situation embarrassante amène à méditer sur des propos du patron de l’Etat Major des Armées Ivoiriennes le Général Philippe Mangou qui indiquait lors du lancement de ses directives sur la fluidité routière que ce sont les passagers eux-mêmes qui encouragent la surcharge. Mais dans une localité où apercevoir un taxi non chargé sinon surchargé à portée de soi est comme un acte providentiel, le passager a-t-il le choix ? Contraint donc, nous cédons. Après trente minutes de voyage ponctué par divers péripéties, à bord de ce taxi-brousse qui ne se distingue en rien d’une épave roulante, nous atteignons, tant bien que mal, Ménéké. L’un des villages loti où les planteurs burkinabè avaient des parcelles sur lesquelles ils devaient construire leurs maisons. Mais ce village, sur notre passage, avec le départ des ex-bannis a perdu de sa superbe. Quinze minutes plus tard, nous arrivons à Déhié où malheureusement nous ne trouvons pas sur place le Chef du village que nous souhaitions de tout cœur rencontrer. L’un des notables avec qui nous avions gardé contact lors d’une précédente mission dans la région, regrette que nous n’ayons pas pris le soin de les informer de notre arrivée deux jours avant. « C’est vrai que tu avais annoncé ton arrivée pour le dossier des planteurs ex-bannis mais tu ne m’as pas confirmé le jour pour que toutes les dispositions soient prises pour t’accueillir. Toi qui es venu dans la région à deux reprises, tu peux témoigner de l’hospitalité du peuple Kroumen », explique-t-il. Après nous avoir exprimé son regret de ne pouvoir se prononcer sur la question objet de notre présence en l’absence du Chef, nous rebroussons chemin pour le carrefour Toto, où vivent en pleine forêt loin des regards des autochtones, des ex-bannis de la région.

Plus de 200 planteurs ex-bannis vivent dans des conditions épouvantables… Là, nous trouvons sur place, le chef de la communauté, Sawadogo Boureima. Il en est le porte-parole. Le site qui abrite cette communauté, n’est guère reluisant. Le dénuement dans lequel vivent ces ex-bannis est saisissant. Encore vomis par la tribu Ompho, ce monde dont le sort apparemment n’émeut personne dans la région, vit à vue d’œil une misère indescriptible. Installés à même le sol, dans une paillotte somme toute très exigüe qui fait à peine 12 m2 vêtus d’habits en lambeaux malodorants, ils s’apprêtent à partager un repas à notre arrivée. « C’est la galère ici. Figurez vous qu’eux tous partagent la nuit dans cette paillotte. Et se réveillent entassés les uns sur les autres. Ils ne sont pas autorisés à regagner le village où ils avaient des lots avant la crise », fait remarquer notre guide. Après des échanges de civilités, le vieux Sawadogo appelé par les siens Naaba nous fait la genèse de la crise. Une histoire émouvante. « Nous avons eu des problèmes de coexistence avec nos hôtes. Ces problèmes ont causé de nombreux morts dans les deux camps. Je ne vais pas revenir sur les détails que tout le monde connaît déjà. Mais je voudrais insister sur le fait que des opportunistes ont profité de notre bannissement pour venir dans la région racheter nos plantations», explique-t-il. Non sans souligner que de meilleures auspices pour le règlement définitif de cette crise s’étaient ouvertes en 2006 à la suite d’une cérémonie officielle de levée du bannissement. En effet, cette crise qui n’a pu être réglée sous le régime du Président Henri Konan Bédié et n’a pu trouver une issue pendant l’éphémère passage au pouvoir des mutins sous feu le Général Robert Guéi, s’est quelque décrispée suite à l’avènement du gouvernement de réconciliation nationale. Après avoir pris la mesure du drame avec l’éclatement des conflits fonciers à Bonoua, Bloléquin, Toulépleu etc…, le gouvernement a imputé ‘’l’épineux dossier’’ au défunt ministère de la Réconciliation et des Relations avec les institutions de l’Etat. Courant 2005, le ministre Dano Djédjé entreprend des misions de médiation et de réconciliation des deux communautés. Mais, relève Nana Sawadogo, « ce ne fut pas facile. Au moment où le ministre Dano Djédjé appelait de nouveau les Kroumen au pardon et à l’acceptation du retour des ex-bannis que nous sommes, dans leurs plantations, des cadres de la région le torpillaient pour bloquer le processus de paix et de sortie de crise. A un moment même l’affaire avait pris une tournure politique qui a quelque émoussé l’ardeur et l’engagement de ce ministre ». Quoi qu’il en soit, les accords de principe sont conclus en 2005. Et un (1) an après, soit en 2006, une cérémonie solennelle et officielle portant levée du bannissement dans toute la région réunie à Tabou, Kroumen, allogènes et Burkinabè autour des autorités ivoiriennes et de SEM Emile Ilboudo, ambassadeur du Burkina Faso en Côte d’Ivoire. A l’issue de cette rencontre où 4 bœufs offerts par SEM Emile Ilboudo ont été immolés pour conjurer le mauvais sort, la fin du bannissement des planteurs Burkinabè est officiellement proclamée. Depuis lors, des avancées majeures ont été obtenues. Entre autres le retour des ex-bannis dans leurs plantations, la mise en place d’un comité de suivi puis d’un comité de veille et de paix et l’élaboration d’un code de cohabitation pacifique qui a été diversement appréciée à l’époque. Si l’on en croit M. Nemlin Hiné, secrétaire général permanent du comité de paix, une structure placée sous l’autorité directe du Préfet hors grade de la région de Tabou M. Henry Abel Koissy Miézan, les choses sont rentrées dans l’ordre. Ce qui est incontestable puisque depuis 2006, plusieurs burkinabè naguère parias, ont pu retourner dans leurs exploitations agricoles d’où ils avaient été chassés. « La paix revient donc partout dans les autres tribus sauf, hélas, dans des villages de la tribu Ompo, (mais Dieu merci pas dans tous les villages de cette tribu) où nous faisons face à des obstacles qui ne sont pas insurmontables et qui sont intimement liés à l’absence de jonction », a souligné ce collaborateur du Préfet de Tabou. La réconciliation est donc amorcée et la paix en voie d’être scellée. La vie reprend peu à peu son cours normal. Même dans le village de Bésséréké d’où la crise est partie en 1999, les ex-bannis ont pu regagner leurs exploitations agricoles. Ce qui n’est pas malheureusement pas totalement le cas dans les villages de la tribu Ompo comme Déhié, Klatoué et Djourou. Dans ces villages où les autochtones se montrent très loquaces sur le sujet des ex-bannis, les ressentiments sont encore vifs si bien que les Burkinabè se tiennent loin de ces villages pour éviter des accrochages susceptibles de compromettre les espoirs d’une sortie de crise rapide. « Nous ne sommes pas les bienvenus dans ces villages. Les villageois nous disent qu’ils ne nous ont pas appelés et que le conflit n’est pas encore fini »», a signifié Sawadogo Sidiki, planteur à Djourou.

Pendant que leurs plantations sont confisquées dans la tribu Ompo…
Pis, dans ces villages, plus de 2000 hectares de plantations appartenant à plus de 200 planteurs Burkinabè restent encore confisquées. Et ce dossier empoisonne la vie des concernés. Parmi ceux-ci, les quarante quatre (44) planteurs actuellement à couteaux tirés avec le président du conseil général de San-Pédro dont les plantations d’hévéa sont sur les bûches des champs de café, de palmier à huile ou encore de Cacao des ex-bannis. Naba Sawadogo a relèvé qu’en dépit des négociations, les interpellations et les appels au respect de la parole donnée et l’action des autorités locales, dont le préfet de région et le Commandant de la brigade de gendarmerie, la situation demeure en l’état dans la tribu Ompo. Pour le Naaba, il y a certainement des gens qui manœuvrent pour que les choses restent en l’Etat. Faisant allusion à ceux qui ont rachetés des plantations dans la région et qui veulent protéger leurs investissements au détriment des planteurs Burkinabè. « Les cadres de la région prônent le retour à la terre. Chacun a compris l’importance de la terre. Ce qui est une très bonne chose. Ce que nous déplorons, c’est que ce sont les plantations des autres qu’on veut s’approprier au lieu de prendre le temps nécessaire pour en créer. Là, nous disons non et nous nous opposerons par tous les moyens», prévient-il. Cette ‘’défiance’’ est prise très au sérieux au niveau du comité de paix. Et son coordonnateur général estime que si des actions rapides ne sont menées, la situation pourrait exploser. D’autant plus que des ex-bannis sont accusés de mettre en valeur des superficies de forêts dont l’occupation n’a pas été autorisée par leurs tuteurs. « Nous avons été interpellés à plusieurs reprises sur des cas où des ex-bannis sont allés défricher des espaces ne leur appartenant pas. Ce sont des dossiers qui peuvent mettre le feu aux poudres que nous gérons au quotidien. Face à ces agissements qui s’apparentent à de la provocation, nous demandons à nos frères ex-bannis d’être moins gourmands. C’est vrai qu’ils n’aiment pas voir une forêt inexploitée, mais tout de même qu’ils évitent de s’autoriser de défricher des parcelles que leurs tuteurs ne leur ont pas cédées », conseille M. Nemlin. Accusés d’exploitation illégale de parcelles dans un contexte de paix fragile, des ex-bannis nous ont affirmé être dans un embarras. Face à des plantations leur appartenant qui sont sous occupation illégale dont l’accès leur est interdit et des espaces non exploités, ils n’ont pas d’autres choix que de créer de nouvelles plantations. « On refuse de restituer nos plantations et on nous refuse également d’occuper des parcelles non exploitées. Nous ne pouvons pas rester là et mourir de faim. C’est une action de survie et non de provocation », a renchéri Souleymane Derbongo. Ce planteur aujourd’hui âgé de 76 ans, a vu ses 8 hectares de cacao détruits par les planteurs du président du Conseil général de San-Pédro. Non loin du carrefour Toto, se dresse l’une des plantations de ce haut cadre du pays Kroumen qui s’étend à perte de vue. Le vaste domaine que nous avons visité qui est estimé à plus d’un millier d’hectares est parsemé de plants d’hévéa. Depuis 2006, les ex-bannis expropriés de leurs plantations courent après une hypothétique indemnisation. En désespoir de cause, ils ont dû saisir le Conseil Supérieur des Burkinabè de l’Etranger (CSBE), organe de gestion de la communauté burkinabé sous tutelle du Ministère des affaires étrangères et de la Coopération régionale du Burkina-Faso. Laquelle structure a désigné l’un de ses délégués, en l’occurrence M. Kindo Issaka comme porte-parole des planteurs ex-bannis. Avec l’entrée en scène du Conseil Supérieur des Burkinabè de l’Etranger en 2009, les choses connaissent quelque peu une évolution. « Sur ce dossier, M. Sylvanus Kla a demandé volontairement lui-même à l’administration la conduite à tenir. Cela veut dire qu’il reconnait que la parcelle sur laquelle il a une plantation d’hévéa était occupée avant. A partir de ce moment, on ne peut mettre en doute sa volonté de désintéresser les ex-bannis qui étaient sur le site », rassure M. Nemlin. Mais les ex-bannis concernés par ce dossier ne sont pas de cet avis. L’on estime que le président du conseil général de San-Pédro, nouveau propriétaire de plus 1.800 hectares d’hévéa dans la zone, ne veut pas régler le dossier. A les en croire, dès lors que le dossier avance, M. Sylvanus Kla, contrairement à MM. Marcel Gossio et Soko Emile qui auraient indemnisés les ex-bannis dont les plantations ont été détruites par eux, trouve une astuce. De l’avis du Naaba sawadogo, une enquête de Commodo et d’incommodo se fait avant l’occupation d’un espace. « C’est inconcevable qu’on veuille faire cette enquête une fois installée. C’est du dilatoire », charge-t-il. Pour sa part, le mis en cause que nous n’avons pu rencontrer mais que nous avons joint au téléphone ne dément pas avoir sollicité une enquête de cette nature. Selon M. Sylvanus Kla, deux erreurs fondamentales émergent du rapport d’enquête. Dans un courrier qu’il a transmis au préfet de Tabou le 20 mars 2009, dont nous avons obtenu copie, le président du Conseil général de San-Pédro récusait non seulement la méthode de calcul utilisée pour fixer le montant des indemnisations. Mais, aussi et surtout la liste des personnes concernées par ce dossier. A l’en croire, dans un rapport à lui transmis par les soins du vice président du conseil des Burkinabè de l’Etranger, le nombre des personnes concernées serait largement supérieur à celui notifié dans le rapport établi par le Préfet. Alors que l’enquête commanditée par le Préfet de Tabou précise que ce sont huit (8) planteurs que M. Sylvanus Kla doit indemniser, l’enquête du Csbe relevait le nombre de 44 planteurs. Face donc à ces observations, le Président du Conseil Général de San-Pédro conclut que le problème n’a pas été traité entièrement. « Ne souhaitant pas que le problème soit réglé de façon partielle, j’aurais voulu avoir l’assurance que toute indemnisation qui me serait réclamée viendrait définitivement clore la question. C’est pourquoi, je voudrais me permettre de vous suggérer qu’une enquête de commodo et d’incommodo soit menée pour arrêter la liste définitive des plaignants. », a-t-il noté dans la correspondance adressée au Préfet de Tabou. Il a aussi exprimé le vœu que soit pris en compte dans l’évaluation des indemnisations, le fait que les cultures dont il est question sont restées sans aucun entretien pendant sept (7) ans.

L’espoir d’un dédommagement par Sylvanus Kla meure chaque jour
Reprenant le dossier en main, le Préfet de Tabou a convoqué le 20 mars 2010 une réunion à Tabou qui a regroupé les parties en conflit. A l’occasion, les planteurs étaient représentés par M. Kindo Issaka et M. Sylvanus Kla par M. Opayou Hino Joseph. Deux points étaient à l’ordre du jour de cette rencontre. Il s’est agi d’une part de trouver une plate-forme consensuelle en vue de la résolution de ce contentieux et d’autre part, rapprocher le rapport produit par les services du ministère de l’agriculture de Tabou et celui des planteurs burkinabè de Déhié présenté par le CSBE. Au terme des discussions les parties ont convenu sous l’arbitrage du Préfet de la reprise de l’identification des planteurs et de la délimitation des parcelles mis en cause. Le programme d’identification devrait commencer le samedi 27 mars 2010. Mais, il n’a pu avoir lieu à cause des accords sur la prise en charge des frais.

Un reportage de M Tié Traoré

1-La genèse du conflit foncier entre Kroumen et ex-bannis

Les communautés Kroumen de la région de Tabou et les ex-bannis majoritairement des planteurs burkinabés courent après une cohésion entravée un 13 novembre 99. C’est ce jour, en effet, dans le village de Bésséréké, que s’est produite une rixe ayant opposé un Kroumen à un allochtone de l’ethnie Lobi. Au cours de cet accrochage, le jeune Kroumen trouve la mort. Selon des témoignages, le Lobi aurait réagi en légitime défense. Mais le drame n’a pas été supporté par les Kroumen qui lancent une vendetta contre les planteurs étrangers (ou allocthones) sans distinction. Les affrontements font alors rage. Et les autorités administratives et militaires de la région organisent l’évacuation des planteurs Burkinabè du département. Ces violences, en moins d’un mois, vont faire fuir plus de 2.000 planteurs Burkinabè, dans les villages environnants de Bésséréké que sont Ouéguiré, Klatoué, Djourou, Gotouké etc… Les réfugiés vont mettre le cap sur Tabou, Grand Béréby et San Pedro et même Soubré pour d’autres. L’affaire secoue la région, les autres villages emboîtent le pas et organisent partout la chasse de tous ceux qui ne sont pas des fils de la région. En tout, on aura noté le départ de la région de plus de 15.000 planteurs étrangers. Les tentatives de conciliations buttent sur les coutumes locales qui veulent que lorsqu’un non Kroumen verse le sang d’un autochtone, les étrangers soient bannis des terres pour une période de sept (7) ans. Les autorités politiques et diplomatiques se plient alors à cette exigence coutumière. Il a fallu donc 2006, pour que le défunt ministère de la réconciliation nationale, entreprenne des démarches qui aboutissent à une réconciliation. Depuis lors, la paix est revenue dans la région. Sauf dans la tribu Ompo où les problèmes de rachats des plantations semblent compromettre le retour définitif de la paix. Si l’on en croit Naba Sawadogo, le mot d’ordre de chasser tous les étrangers de la région, n’a pas fait l’unanimité au sein des chefs coutumiers Kroumen. « L’ex- chef de Déhi, feu Moindé François qui s’est opposé à ce qu’on chasse les Burkinabè de son village a été molesté par les jeunes surexcités et a succombé à ses blessures après notre départ», a-t-il affirmé. Non sans regretter que ces malheureux évènements aient emporté la cohésion d’antan entre les deux communautés ayant vécu toujours en parfaite intelligence, solidaires les uns des autres dans le malheur comme dans le bonheur. Cela fait désormais partie du passé. Mais, cette cohésion actuellement en panne est à reconstruire. Et les deux parties au prix de milles efforts de sagesse peuvent y parvenir. Elles doivent s’inscrire rapidement, sans calcul et sans exclusive dans cette approche pour arriver à cette cohésion contrariée par la crise du 13 novembre 1999.
M.T.T

2- Sylvanus Kla réagit : ‘’Je réclame une enquête de commodo et d’incommodo’’

« J’ai décidé entre 2002 et 2004 d’avoir des plantations d’hévéa dans la zone de Tabou tout simplement parce que je ne souhaite pas faire d’investissement à San Pedro où je fais la politique. La terre, comme vous le savez certainement, est aujourd’hui un investissement sûr et comme beaucoup de cadres, je me suis intéressé à l’agriculture, notamment, à l’hévéa. Pour faire la part des choses, j’ai préféré investir dans une zone où je ne fais pas la politique. Et la zone où l’on pouvait trouver encore de la forêt est celle de Tabou. Je suis donc allé dans ce département pour négocier des plantations. Lorsque j’ai entamé les démarches, j’ai dit à ceux que j’ai mandatés pour l’achat des parcelles de terre, que je ne souhaitais pas avoir un domaine qui souffre d’un quelconque problème. Parce que je ne tenais pas à être mêlé aux problèmes de terre qui opposaient les Burkinabè aux Kroumen de la zone. C’est sur ce principe que j’ai acquis trois plantations sur trois sites différents. Et en 2006, après le retour de ceux qui avaient été expulsés dans la zone, j’ai entendu dire que j’ai occupé des parcelles leur appartenant et que dans une de mes plantations, les ex-expulsés avaient des enclaves de café et de cacao. Je dois préciser que ce n’est pas moi-même qui suis allé m’occuper des travaux sur les sites. Pour éviter des démêlés avec ces personnes, j’ai demandé à l’administration de procéder à une identification des bénéficiaires et des parcelles concernées pour procéder à une indemnisation de ceux qui étaient effectivement sur le site. Alors que les travaux allaient bon train et que j’étais dans de bonnes dispositions pour désintéresser les vrais concernés avant même d’accuser réception des conclusions du Préfet de région, j’ai reçu une correspondance de M. Kindo Issaka. Celui-ci se présentait à moi comme étant le vice président Afrique du Conseil Supérieur des Burkinabé de l’Etranger (Csbe) et le porte parole des ex-bannis. En somme, celui, avec qui, je devrais dorénavant négocier. Il évaluait dans son rapport le nombre d’ex-bannis expropriés à 44 pour une superficie de 257 hectares. Face à cette liste complémentaire, j’ai donc demandé à l’administration de procéder à la réalisation d’une enquête de commodo et d’incommodo. Il s’agit pour moi de déterminer définitivement le nombre de personnes à indemniser. Je réclame donc cette enquête pour éviter que de nouvelles personnes se présentent à moi, après le dédommagement, pour réclamer leur part. Je veux tout simplement un règlement définitif ».
Propos recueillis au téléphone par M.T.T

3 – Des ex-bannis rackettés au nom de SEM Emile Ilboudo

La situation des pauvres planteurs Burkinabè de Tabou a profité à plus d’un escroc. Il s’est trouvé des personnes sans scrupules pour profiter du malheur de leurs compatriotes. C’est le cas de certains membres de la communauté burkinabé en Côte d’Ivoire qui se sont régulièrement présentés aux ex-bannis qu’ils rackettent au nom de l’Ambassadeur du Burkina Faso en Côte d’Ivoire. L’astuce est tout simple : ces personnes prétendaient entreprendre des courses auprès de l’autorité diplomatique en vue d’une solution à leurs problèmes. Ces arnaqueurs soutirent alors à ces planteurs réduits à une vie de misère par passage entre deux et trois cent mille francs voire même cinq cent mille. A raison de 1000 ou 2000 FCFA par planteur. « Parmi ceux qui s’adonnaient à ces levées de cotisations figuraient des délégués consulaires, représentants directs des consul honoraires de Soubré », précise un planteur victime de ces pratiques. De 2006 à 2009, cette pratique était récurrente et il a fallu que le Conseil Supérieur des Burkinabè de l’Etranger (CSBE) à travers M. Kindo Issaka, prenne le dossier en main pour que ces escrocs abandonnent leur sale besogne. Ou se tournent vers de nouvelles cibles. Dans la région, sur le dossier des conflits fonciers, le diplomate burkinabé en terre ivoirienne n’a pas bonne presse auprès de ses compatriotes qui lui reprochent de les avoir abandonnés. Nous avons dans un souci d’équilibre rencontré l’ambassadeur Emile Ilboudo à ses bureaux du 5ème étage de l’Immeuble Sidam au Plateau. SEM Ilboudo a démenti avoir mis en route dans la zone des émissaires pour une levée de cotisations en son nom. A la question de savoir ce qu’il fait concrètement pour résoudre le problème de ces planteurs en difficulté, Son Excellence nous a renvoyé au Consul Honoraire de Soubré « Cette affaire se passe dans la juridiction consulaire de Soubré, donc sous la responsabilité du Consul honoraire de Soubré. On ne peut arguer que j’ai abandonné mes compatriotes alors que j’ai moi-même piloté des missions dans la zone», a-t-il expliqué. De l’avis du consul honoraire de Soubré M. Jean De Dieu Zoundi que nous avons rencontré, certains membres de la communauté cherchent à accabler le diplomate Burkinabé en terre ivoirienne qui contrairement à ce qui se dit a toujours été aux côtés de ses compatriotes dans la région de Tabou. « Hormis les missions officielles au moins trois (3) fois effectuées dans la région, il nous a imputé le suivi du dossier des compatriotes sur le terrain. Et nous le faisons avec des fortunes diverses. Mais, il est injuste d’arguer que les compatriotes ont été abandonnés à leur sort par l’Ambassade et ses entités décentralisées. Il n’en est rien », a-t-il réagi. Non sans protester n’avoir jamais envoyé sur Tabou un quelconque émissaire pour percevoir des cotisations. « Je puis vous assurer que ni le consulat de Soubré ni la délégation consulaire de Grand-Bérébi avec qui il est en contact au quotidien n’a mandaté aucun compatriote pour une levée de cotisation auprès des planteurs de Tabou. Il y a peut-être eu des escrocs qui se sont présentés à eux comme étant nos émissaires. Mais nous n’avons mandatés personne pour commettre une telle escroquerie », a-t-il précisé. En tout état de cause, la prise en main de ce dossier par le Conseil Supérieur des Burkinabè de l’Etranger, réjouie les planteurs qui se sentent désormais défendus, loin des démarches diplomatiques hélas très discrètes.
M.T.T

Issaka Kindo, vice-président du Conseil Supérieur des Burkinabè de l’étranger : Les 44 planteurs expropriés seront dédommagés’’
En sa qualité de vice-président du Conseil Supérieur des Burkinabè de l’étranger, Issaka Kindo s’est saisi du dossier des planteurs burkinabè de la tribu Ompoh opposés au président du conseil général de San-Pédro. Dans cet entretien, il présente l’état des lieux du contentieux. Et interpelle le président du conseil général de San-Pédro Sylavanus Kla.
Pourquoi avez-vous décidé de vous saisir du dossier des planteurs burkinabè en conflit avec M. Sylvanus Kla alors que l’ambassade le suivait ?
Merci pour l’opportunité que vous m’offrez de me prononcer sur ce dossier. Il faut dire que c’est suite à une interpellation d’un groupe de planteurs Burkinabè donc des compatriotes de la localité de Déhié dans le département de Tabou sur l’occupation de leurs plantations par M. Sylvanus Kla, président du conseil général de San-Pédro que j’ai été saisi du dossier. Et là, c’était en 2009. J’ai constaté que cette affaire a pris du temps parce que nos compatriotes concernés par ce dossier n’avaient pas de porte-parole. Ces planteurs avaient d’abord saisi les autorités diplomatiques sans grand succès. En désespoir de cause, ils se tournés vers le Conseil supérieur des Burkinabè de l’Etranger dont je suis un délégué. Cet organe qui gère de façon directe la communauté s’est alors saisi de ce dossier et les planteurs m’ont demandé d’être leur porte-parole pour les aider à retrouver leurs droits. Vous devez remarquez que depuis leur retour suite à la levée du bannissement en 2006, rien n’avait été fait dans le sens du règlement de ce dossier. Mes compatriotes étaient en quelque sorte livrés à eux-mêmes. J’ai trouvé cela anormal. C’est ainsi que quand j’ai été sollicité, j’ai pris le dossier en main. A ce jour, j’ai fait de nombreuses missions sur le terrain. Les visites ont permis de constater sur le terrain que quarante une (41) personnes ont eu leurs plantations soit détruites, soit occupées. A ces personnes identifiées sur la base d’un comptage systématique des propriétaires des espaces délimités, s’ajoutent trois autres compatriotes dont les plantations ont été annexées par le personnel de M. Sylvanus Kla. C’est donc un total de 44 planteurs concernés par ce dossier qui réclame réparation et que nous défendons. Pour nous, ce qui est en jeu, c’est le désintéressement de ceux dont les terres leur ont été arrachées.

Comment expliquez-vous que de huit (8) planteurs identifiés par le service de l’agriculture que M. Kla s’était engagé à dédommager, le nombre soit passé subitement à 44 ? C’est très simple. Quand le service de l’agriculture de Tabou chargé de l’identification des planteurs concernés par le contentieux avec M. Kla sur ordre du Préfet de région se rendait sur le terrain, tous les concernés n’ont pas été informés. Ensuite, certains ont été menacés par leurs tuteurs. Pour ces deux raisons, ce sont seulement huit planteurs burkinabè expropriés qui se sont présentés lors des opérations de vérifications et d’identification commanditées par le Préfet que nous remercions au passage pour sa sollicitude et son humanisme.

Où en est-on aujourd’hui avec le dédommagement ? Le dossier est toujours en cours de traitement. Dans le cadre de la résolution du dossier, à la suite d’une mission de terrain pour évaluer avec les planteurs les superficies et les personnes concernées, j’ai pu rédiger un mémorandum. J’ai déposé auprès des services de M. Sylvanus Kla des copies de ce mémorandum. J’ai en fait de même auprès des services du défunt ministère de la réconciliation nationale. Entretemps, M. Sylvanus Kla avait lui aussi diligenté une enquête dans ce sens. Si bien qu’à ce jour, nous disposons de deux documents de base, malheureusement, non-conformes. Pendant que nous attendions des propositions de M. Kla, nous avons appris depuis près d’un an, qu’ il avait reçu copie du rapport d’enquête du préfet de région. Ce que nous avons regretté, c’est qu’il ne nous a pas communiqué ce rapport qui est disponible depuis un an. Autrement, nous aurions évolué et ce dossier aurait été clos depuis 2009.

Il semble que le dossier n’avance pas tout simplement parce que le président du conseil général de San-Pédro conteste le nombre de planteurs relevé dans votre mémorandum ainsi que la méthode de calcul pour l’indemnisation…
C’est vrai qu’il a émis des réserves sur le nombre exact des planteurs concernés par le dossier ainsi que la méthode de calcul de l’indemnisation. Et ces réserves ont été exposées lors d’une rencontre à Tabou le 20 mars 2010 avec le représentant de M. Sylvanus Kla. Cette réunion a été convoquée par le préfet de Tabou à qui je rends hommage pour ses efforts de recherche de consensus mais surtout pour sa neutralité dans le traitement de ce dossier. A l’issue de cette rencontre où nous avons confronté les deux rapports, les discussions ont achoppé sur le nombre réel des planteurs et la délimitation des superficies concernées. Le rapport détenu par M. Kla ne prend en compte que huit personnes alors que notre mémorandum en compte une quarantaine. Sous l’autorité du préfet, nous avons convenu de reprendre la délimitation des parcelles.

Peut-on savoir la procédure arrêtée à cet effet ?
Nous avons convenu que nous n’allons pas revenir sur les huit planteurs retenus par le rapport du Préfet. Ces cas étant validés, la réunion de Tabou a arrêté une liste de 35 planteurs avec un calendrier de visite sur le terrain de chaque planteur accompagné de son tuteur qui commence le 30 mars 2010. Ces visitent prendront fin dans la troisième semaine d’avril 2010 et devront permettre de disposer d’un document définitif et consensuel. Bien entendu si la bonne foi habite toutes les parties. C’est à partir de là que nous allons discuter des dédommagements. Pour moi, l’heure n’est pas à une discussion sur le nombre de pieds par hectare mais à la détermination du nombre réel des planteurs et à la détermination des superficies concernées. Après ce travail on pourrait faire les calculs qui s’imposent et évaluer également le préjudice financier et moral causé aux concernés qui ont été privés pendant cinq ans de tous moyens de subsistance. Leur quotidien, c’est la misère totale. Vous savez, leurs exploitations agricoles constituent leur unique source de revenus. Et quand ils n’ont plus accès à leurs plantations et ne peuvent en créer de nouvelles par manque d’espaces cultivables, ils ne peuvent que se retrouver dans le dénuement. Nos compatriotes souffrent. C’est pourquoi nous souhaitons voir évoluer les choses rapidement pour soulager leurs souffrances. Vous remarquerez que pendant que nos compatriotes ex-bannis sont en train de broyer du noir, les ouvriers de Sylvanus Kla mangent à leur faim. Ce qui n’est pas leur cas.

Avez-vous un appel à lancer ?
Effectivement. Le problème posé par l’occupation des exploitations agricoles de nos compatriotes est aujourd’hui un cas humanitaire qui ne devrait pas être négligé. Ce sont des pères de familles qui ne demandent depuis quatre ans, que justice leur soit rendue. Ils ont trop fait preuve de patience dans ce dossier. Et il faut que leur infortune interpelle M. Sylvanus Kla. Pour le traitement de ce dossier, nous avons toujours privilégié la démarche négociée et consensuelle. Nous avons sollicité dans cette approche plusieurs rencontres avec lui mais malheureusement, il n’a pu nous recevoir. Pendant ce temps, nos compatriotes vivent des moments difficiles. Or, le problème posé n’est pas insoluble pour lui. Le problème n’est pas insurmontable pourvu qu’on fasse preuve de bonne foi.

Avec le partenriat de l’Intelligent d’Abidjan / par par M Tié Traoré

Tue, 27 Apr 2010 01:20:00 +0200

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