Comment la démocratie est confisquée au Cameroun Biya, Fru Ndi, Bello Bouba, Dakolé Daïssala, les grands acteurs.
Mais ni à l’Assemblée nationale, ni dans la rue, la panique du pouvoir ne s’est muée en déconfiture. Owona Nguini observe que «Le système politique camerounais à évolué des années 1990 jusqu’aux années 2010. Ce qui parait caractériser cette évolution c’est précisément le fait que la transition démocratique ait avorté. Si l’évolution a été pluraliste, un certain nombre de caractéristiques du système monopolistique et autoritaire qui avaient prévalu des années 60 aux années 90 sont restés. Se faisant, on ne peut pas considérer que le Cameroun ait réussi sa transition démocratique et qu’il veut éventuellement envisager de la consolider. Au fond, même si la forme institutionnelle a changé, en passant d’un Etat de parti unique à un Etat de multipartisme, cela ne signifie pas que les techniques d’administration et de gouvernement aient été véritablement transformées. Celles – ci font toujours un recours abondant à l’obstruction, à l’intimidation, à la coercition et à la répression ».
Et il y aura, pour l’aider, trois icônes politiques qui aideront et conduiront le Rdpc à reprendre du poil de la bête et à installer durablement le président Biya dans un règne sans partage. Le Sdf, l’Undp et le Mdr survivent aujourd’hui tant bien que mal sous le joug des pères fondateurs, qui s’accrochent comme bouée de sauvetage à des partis moribonds où les forces du progrès sont combattues avec la dernière énergie. Selon Owona Nguini : « Ce qui est sûr c’est que le leadership durable est une caractéristique prévalant chez les dirigeants des partis au Cameroun, du Rdpc à l’Undp en passant par le Sdf et toutes les autres formations politiques quelles que soient leur importance et leur représentativité, on constate généralement que les leaders essayent de durer le plus longtemps possible.» Après une première aventure en 1992 alors que son parti était le parti d’opposition le plus représenté à l’Assemblée nationale avec 68 députés, le père fondateur de l’Undp et ancien Premier ministre de Paul Biya s’était senti pousser des ailes. Approché pour un accord de gouvernement avec le Rdpc, il est blousé. On va lui préférer deux de ses lieutenants, Issa Tchiroma et Hamadou Moustapha, qui vont se retrouver au gouvernement.
D’une législature à l’autre, de 1992 à 1997, l’Undp de Bello Bouba est passée de 68 députés à seulement 16. Pour se retrouver aujourd’hui à raser les murs, réduite à une peau de chagrin. L’Undp n’est plus représentée à l’Assemblée nationale et Bello Bouba qui ne représente plus que lui-même depuis que l’Undp s’est jeté dans les bras du Rdpc se contente désormais d’un strapontin. Jadis deuxième force politique du pays, le parti qu’animait lors de sa création de fortes personnalités telles que Samuel Eboua, a perdu tout son lustre pour avoir choisi le mauvais cheval. Pourtant, à sa création, beaucoup voyaient ce parti comme une autre alternative politique aux côtés du Sdf et du Mdr contre le Rdpc. Le parti de M. Dakolé Daïssala, le Mouvement démocratique pour la défense de la République (Mdr), légalisé le 9 octobre 1991 n’a jamais tenu de congrès. Président fondateur unique et caissier de son mouvement, Dakolé Daïssala avec ses six députés en 1992 a vendu ‘cher’ son ralliement au parti au pouvoir, ce qui a permis au Rdpc de retrouver son allant. En offrant ses députés qui garantiront au pouvoir une majorité absolue au Parlement, M. Dakolé sauvera le régime d’un revers historique et ce faisant changera le destin politique du Cameroun, alors que le pays était à une signature de l’alternance.
Dakolé est un récidiviste qui sait compter ses dividendes. Tout en sachant que le Mdr ne pèse plus politiquement, il a soutenu la révision constitutionnelle de 2008 qui a fait sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels au Cameroun. Ce qui à permis à Biya de briguer un nouveau mandat en 2011. Contre quoi ? Et son parti semble définitivement noyé, alors que le pouvoir fait sans coup férir son one man show.
Le président de la République concentre aujourd’hui tous les pouvoirs. Il incarne à la fois les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. L’opposition camerounaise n’est jamais parvenue à obtenir la majorité au Parlement. Justement, le Sdf est le parti qui aura le plus marqué la vie politique au Cameroun. Né dans le sang en 1990, il s’est affiché deux ans plus tard comme une force d’alternance. Las, à l’élection présidentiel de 1992, il n’a pas su sécuriser ses votes, alors que le pouvoir chancelant s’accrochait comme il peut, usant de toutes les artifices et subterfuges, négociant désespérément pour ne pas sombrer, tant aux législatives de la même année qu’à la présidentielle controversée, pour dire le moins. Aujourd’hui, d’erreurs d’appréciation en tergiversation, le Sdf a perdu sa superbe et le chairman est devenu le pantin de Biya, qui lui laisse uniquement quelques espaces d’expression pour l’essentiel. « Le Sdf est largement fragilisé. Son leader est usé et manque de propositions au niveau programmatique et idéologique. » A quelques semaines du renouvellement du personnel politique à l’occasion du congrès du Sdf, le parti peut-il relancer la machine ou va-t-il s’engluer dans les querelles intestines qui fondent sa marque de fabrique ? Le Cameroun et la démocratie y trouvent-ils leur compte?
Edouard Kingue
Focal: Si le Cameroun démocratique m’était conté
Jusqu’à ce jour, il est constant que le gouvernement n’a pris aucune mesure concrète pour mettre en ouvre les autres réformes constitutionnelles de 1996 qui prévoyaient une plus grande indépendance des organes législatif et judiciaire. Nombreux sont ceux qui, en 1991, croyaient au changement lorsque le président Paul Biya promulgue les lois sur les libertés qui ont instauré le multipartisme au Cameroun. Hilaire Kamga, porte-parole de la Plate-forme de la société civile pour la démocratie note : « Depuis 1960, le même système est resté en place, c’est-à-dire le système néocolonial d’abord incarné par le premier président, Ahmadou Ahidjo, puis par Paul Biya depuis 1982. Les mécanismes de ce système basé sur les réseaux, la mafia, ont tellement gangréné la société qu’il n’était pas possible pour les forces de se structurer et de s’organiser sur le long terme face au pouvoir. Il y avait une trop grosse mainmise des réseaux mafieux néocoloniaux, qui rendait l’alternance impossible. Mais aujourd’hui, bien heureusement, la nouvelle génération est déterminée à prendre son destin en main.»
Cette péroraison pour intellectuels de salon cache mal la réalité du terrain pour plusieurs raisons parmi tant d’autres : 1/Aux termes de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996, le Cameroun est un Etat unitaire décentralisé. Cette disposition est censée trancher le débat sur le fédéralisme introduit par la partie anglophone.
2/Le parlement est bicaméral et a l’initiative des lois avec le président de la République. L’Assemblée nationale compte 180 députés élus pour 5 ans. Le Sénat qui n’est toujours pas installé, devrait compter 100 membres à raison de 10 sénateurs par région, dont 7 élus et 3 nommés par le président de la République pour 5 ans. L’Assemblée nationale peut renverser le Premier ministre par une motion de censure ou en lui refusant sa confiance.
3/Le Conseil constitutionnel est composé de 11 membres nommés pour un mandat unique de 9 ans ainsi que des anciens présidents de la République qui siègent à vie. Il est l’instance compétente en matière constitutionnelle. Il statue sur la constitutionnalité des lois, traités internationaux, les règlements intérieurs et les conflits d’attribution entre les institutions de l’Etat, entre Etat et régions et entre régions. Il est aussi compétent en matière de contentieux électoral se rapportant aux présidentielles, aux législatives et au référendum. Ses décisions ne sont pas susceptibles de recours. Sa saisine, limitée au président de la République, aux présidents des deux chambres du Parlement et au dixième des députés, n’est pas ouverte aux simples citoyens.
4/Il devrait exister également une Haute Cour de justice jugeant le président de la République en cas de haute trahison ou les membres du gouvernement en cas de complot contre la sûreté de l’Etat, ainsi qu’un conseil économique et social aux compétences consultatives. Quand au code électoral, il est urgent d’attendre.des lendemains meilleurs.
In Le Messager
Sun, 07 Oct 2012 07:43:00 +0200
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