Déchets Toxiques: Limogeage d’Adama Bictogo. La vérité sur le vol des 4 milliards des victimes

Le mardi 22 mai 2012, à la suite d’un article publié dans les colonnes de l’hebdomadaire «Jeune Afrique» au sujet du détournement de plus de 4 milliards de FCFA devant revenir à plus de 6 mille victimes des déchets toxiques, le ministre de l’Intégration africaine, Adama Bictogo, membre du Rdr, a été viré du gouvernement. Par le président Alassane Ouattara. Lequel, 48 heures plus tôt, sur les antennes de Rfi, avait pris l’engagement de virer de son gouvernement, tout ministre contre qui il existerait des preuves d’actes illégaux posés dans l’exercice de ses fonctions. Adama Bictogo avait été mis en cause par une enquête policière qui a conclu, comme l’a révélé l’hebdomadaire, à son implication dans des infractions qualifiées « faux et usage de faux, détournement de fonds, recel et complicité… » Le même journal avait cité aussi Koné Cheick Oumar, agent d’affaires et président de l’Africa sport, comme ayant été aussi clairement épinglé par l’enquête de la police.
Depuis, l’affaire est en instruction au tribunal d’Abidjan. Le ministre Bictogo a été entendu par un juge d’instruction, à sa demande dit-on. Koné Cheick Oumar aussi. Les deux hommes sont repartis libres. Une autre personne, Awa Ndiaye, assistante de Koné Cheick Oumar, arrêtée dans le cadre de la même affaire, a échappé à la prison, on ne sait par quel miracle. Depuis des mois, «L’Eléphant Déchaîné» est sur les traces de cette affaire qui est entourée d’une véritable loi du silence. Mais, à force de recherche, le quadrupède a découvert comment les 4 milliards en question ont été détournés dans des conditions absolument stupéfiantes. Au sein même d’une banque. Access Bank.

UNE CONFERENCE DE PRESSE EXPLOSIVE
Le lundi 5 mars 2012, ne comprenant rien dans le déroulement de l’enquête ouverte par la justice et confiée à la police économique, le président du Réseau national pour la défense des droits des victimes des déchets toxiques (RENADVIDET-CI), Koffi Charles, aujourd’hui pensionnaire de la Maca, a organisé une conférence de presse pour dénoncer «les entraves orchestrées par des mains occultes» dans l’évolution de l’enquête. Enquête ouverte suite à la plainte de sa structure pour le détournement de 4.658.045.000 FCFA. «Cela fait plus d’un mois que la procédure en question est bouclée au niveau de la direction de la police économique. L’officier Sanogo a remis à mains propres le rapport au procureur de la république, M. Kouadio Simplice. Les auteurs du détournement de ces fonds sont connus et la destination desdits fonds aussi. Mais, qui continue de les protéger pour qu’ils puissent jouir non seulement de l’argent mais aussi de la liberté?». S’était interrogé Charles Koffi. Avant d’accuser Claude Gohourou, Koné Cheick Oumar et Adama Bictogo d’avoir proprement détourné cet argent. Au cours de sa conférence de presse, Charles Koffi qui savait manifestement de quoi il parlait, avait brandit des documents bancaires.
«Un chèque de 200 millions libellé à l’ordre de Koné Cheick Oumar et payé le 28 mai 2010 à Access Bank. Un autre chèque toujours au nom du même individu d’un montant de 328 millions encaissés au guichet de la même banque. Un autre chèque de 100 millions au nom d’Awa Ndiaye, assistante de Koné Cheick Oumar, payé toujours dans la même banque. Et un dépôt à terme d’un milliard fait par la même Awa Ndiaye le 19 mai 2010». Il n’avait pas totalement tort.

LE DOSSIER DE «JEUNE AFRIQUE»
Dans son édition datée du 20 au 26 mai 2012, «Jeune Afrique» avait publié son dossier sur ce scandale. L’hebdomadaire, selon ses propres termes, avait pu consulter le rapport de police remis au procureur de la République. Lequel selon lui, épinglait clairement trois hommes : «Leurs noms sont inscrits en lettres majuscules sur le rapport d’enquête de la police économique et financière. Il y a Claude Gohourou, un leader étudiant qui, plusieurs mois durant, s’est improvisé représentant des victimes, Cheick Oumar Koné, président de l’Africa Sport, l’un des clubs de foot les plus célèbres de Côte d’Ivoire, et Adama Bictogo, aujourd’hui ministre de l’Intégration Africaine (…) Fin 2010, la crise post-électorale éclate et interrompt l’indemnisation. Leigh Day doit attendre la chute de Laurent Gbagbo pour repasser à l’offensive et procéder, via un cabinet juridique ivoirien, à la saisie des comptes de la CNVDT (coordination nationale des victimes des déchets toxiques, ndlr) ouverts à Access Bank. La somme de 4,65 milliards de FCFA y a été déposée.
Selon les conclusions de la police économique et financière, 2,6 milliards ont ensuite été virés sur le compte d’une certaine Awa N’diaye, épouse M’baye. Or, cette dernière assure que l’argent a été utilisé au profit de Cheick Koné Oumar. Toujours selon la police, 600 millions de FCFA ont été également prélevés sur ce compte ouvert à Access Bank pour payer la médiation d’Adama Bictogo et de ses collaborateurs…», peut-on lire dans le journal. «L’Eléphant Déchaîné» a pu consulter aussi ce rapport qui contient des choses absolument extraordinaires.

LE DEAL DU TRANSFERT DES 4,65 MILLIARDS
Quand Claude Gohourou, par un procédé dont il a seul le secret, a obtenu l’assurance du virement de l’argent destiné à indemniser près de 6 mille victimes omises, il lui faut trouver une banque capable de lui reverser des intérêts par avance pour cet apport de liquidité. Etant étroitement lié à Koné Cheick Oumar, c’est l’assistante de ce dernier, Awa N’diaye qui parvient à décrocher la meilleure offre auprès d’Access Bank, une structure dans laquelle elle avait déjà une connaissance. Dans la même banque étaient déjà logés des comptes bancaires de structures appartenant au Groupe Koneco de Koné Cheick Oumar (Djamana Tour, S.N.C, Call Ivoire, Bergamin). Avant que les 4,658 milliards ne quittent la SGBCI pour Access Bank, Awa N’diaye obtient de cette banque qu’elle mette en place une ligne de crédit de 2 milliards devant servir à financer les entreprises du Groupe Koneco. C’est bien la raison pour laquelle cette dernière a déclaré à la police économique que tout l’argent versé sur son compte à elle a été utilisé au profit de Koné Cheick Oumar.
Le directeur de la banque, le Nigerian Benjamin Oviosu, accède à sa demande, tout en sachant qu’il s’agit d’une opération frauduleuse. Les 2 milliards à prêter seront garantis par un dépôt à terme d’un montant d’un milliard FCFA. Pour ce faire, Awa N’diaye ouvre un compte particulier ayant pour N°000951910601-37 (voir notre document). Solde d’ouverture? Zéro franc CFA. Dans la même banque est ouvert le compte N°0009491051-14 au nom de la coordination nationale des victimes des déchets toxiques (CNDVT). Solde d’ouverture? Zéro FCFA. Seuls Gohourou et Awa Ndiaye plus un autre individu dont nous n’avons pu obtenir le nom, ont droit de signature sur ce compte.

L’ARGENT ARRIVE… ET FREMIT AUTOMATIQUEMENT
Le 24 mars 2010, un virement de 4,658 milliards atterrit sur le compte de la CNVDT, en provenance de la SGBCI. Ce virement est censé avoir été fait par le cabinet anglais Leigh Day And Co (voir notre document). Le lendemain de l’arrivée de l’argent sur le compte, un certain N’draman Aman, en possession du chèque N°5279756 fait un retrait de 500 millions. Le même jour, le même individu fait un autre retrait de 300 millions avec le chèque N°5279755. Le 26 mars, un autre individu au nom de Kam, en possession du chèque N°5279757 fait un retrait de 472 millions. Le même jour, un autre individu au nom commençant par «Di» et en possession des chèques N°5279758 et 5279752 retire successivement 136 millions et 600 millions de FCFA. Seraient-ce ces 600 millions qui auraient été reversés à l’ex-ministre Adama Bictogo? Le 29 mars, un certain Ndraman, en possession du chèque N°5279760 fait un retrait de 300 millions.
Du 1er au 13 avril 2010, le même fera successivement des retraits de 200 millions, 150 millions, 350 millions, 50 millions, 350 millions, 250 millions, 300 millions, et 75 millions de FCFA. Suivront d’autres retraits effectués par d’autres individus en possession de chèque, jusqu’au 27 septembre 2010. A la même date, le chèque N°5279911 a été rejeté. Il ne restait plus dans le compte, sur les 4,658 milliards, que la somme de 696,374 FCfa. En à peine 7 mois, 24 mars-27 septembre, les 4,658 milliards ont été sortis du compte. Entre-temps, sur le terrain, les 6 mille victimes des déchets qui ne savaient même pas que leur argent ne se trouvait plus à la SGBCI, continuaient de protester contre cette banque qui rejetait les chèques que leur délivrait Claude Gohourou.

LES DEPOTS EN ESPECE SUR LE COMPTE D’AWA N’DIAYE
Le premier retrait de 800 millions a été effectué sur le compte de la CNDVT logé à Access Bank le 25 mars 2010. Le 26 mars, trois retraits d’un montant total de 1,208 milliard ont été effectués par deux personnes, Ndraman Aman et Kam. Le 30 mars, l’individu nommé Ndraman a effectué un retrait de 300 millions. Le 30 mars, dans la même banque, Ndraman a fait un versement en espèce de 150 millions sur le compte d’Awa N’diaye. Le 31 mars, le même Ndraman Aman a fait un autre versement en espèce de 300 millions sur le compte d’Awa Ndiaye. Le 1er avril, il a fait un versement en espèce de 200 millions, puis un autre de 100 millions. Le 6 avril, un versement de 350 millions. Le 12 avril, un certain Kambiré Koun a fait un versement de 350 millions. Puis Diallo Moctar a fait un versement de 250 millions le 13 avril.

LA CONSTITUTION DU DEPOT A TERME D’AWA N’DIAYE
Sur la base de la promesse d’Access Bank d’octroyer un crédit de 2 milliards à Awa N’diaye, le 20 avril 2010, cette dernière a constitué un dépôt à terme, d’un milliard de francs CFA. A cette date, elle disposait exactement de 1.649.285.742 milliard sur son compte particulier alimenté en espèces avec l’argent retiré dans la même banque sur le compte de la CNVDT. La banque a donc bloqué cet argent pour garantir le prêt promis. Tout ça, en sachant clairement que cet argent n’était que le fruit d’un détournement au détriment des victimes qui manifestaient un peu partout à Abidjan.

LE COUP FOURRE DE LA BANQUE
Sans avoir mis aucune ligne de crédit en place, Access Bank autorise Awa N’diaye à tirer de l’argent sur son compte jusqu’à hauteur d’un milliard de FCFA. Argent provenant non pas d’Access Bank, mais du compte de la CNVDT. Dès qu’elle atteint le milliard dont elle dit qu’elle l’a mis à la disposition de Koné Cheick Oumar, alors qu’elle croit disposer encore d’un montant d’un milliard, Access Bank bloque le processus. Plus de retrait possible. Car, sur le compte de la CNVDT, il n’y a plus un seul copeck. Awa N’diaye est coincée. Elle menace de poursuivre la banque mais l’opération étant illicite du début à la fin, elle n’ose guère prendre ce risque. Entre-temps, au sein de la Banque, des décisions curieuses sont prises. Pour des raisons non signifiées, la gestion des comptes du Groupe Koneco de Koné Cheick Oumar qui était assurée par des Ivoiriens travaillant au sein de la banque, est retirée. Décision du directeur général, Benjamin Oviosu.
Désormais, ce sont deux Nigerians, Semira Bolajuko et Ajaguna Adetola qui ont la gestion des comptes. Alors qu’Access Bank a pour principe de n’accorder aucun crédit à ses travailleurs, le 4 juin 2010, ces deux Nigerians obtiennent des crédits 8 millions pour le premier cité et 9 millions pour le deuxième. L’auditeur interne, un Ivoirien qui n’aurait jamais dû accepter que de tels mouvements se fassent dans la même banque avec de l’argent appartenant à des personnes clairement identifiées, obtient quant à lui, un crédit de 4 millions. A la même date. Il s’appelle Boka Emmanuel.
Etait-ce pour le récompenser d’avoir regardé ailleurs? A la date du 30 décembre 2011, le milliard bloqué par la banque était encore sur le compte d’Awa N’diaye. Il a même produit des intérêts qui ont servi à boucher le découvert de près de 70 millions sur le compte. Comme le souligne une source, « alors qu’Access Bank n’a pas prêté les deux milliards à Awa Ndiaye, elle s’est arrangée pour que non seulement cette dernière dilapide l’argent des victimes des déchets toxiques, mais en plus, c’est maintenant Awa Ndiaye qui doit de l’argent à Access Bank. D’où le blocage du milliard». Cet argent est-il encore disponible dans les livres d’Access Bank ? Notre source répond par l’affirmative. Voilà qui devrait consoler un peu les victimes.

ASSALE TIEMOKO in in L’éléphant déchaîné
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Access Bank en réunion…nous a promis un coup de fil Le mercredi 4 juillet, nous avons tenté de joindre un responsable d’Access Bank afin d’obtenir un rendez-vous pour échanger sur cette histoire et recueillir leur version des faits. Mais nous n’avons pu obtenir de réponse satisfaisante. Hier jeudi 5 juillet, nous nous sommes rendus au siège de la banque situé à l’immeuble «Woodin» au Plateau, pour le même objet. Sur notre calepin, ces petites questions : Pourquoi Access Bank a autorisé Awa Ndiaye qui n’est pas une victime des déchets toxiques, à ouvrir un compte à son nom et y séquestrer un milliard appartenant aux victimes pour garantir un prêt de deux milliards à elle promis? Ensuite, pourquoi la banque détient-elle encore 1 milliard de FCFA appartenant aux victimes des déchets toxiques, alors qu’elle n’a pas prêté de l’argent à cette dernière, propriétaire du compte N° 000951910601-37, comme promis? Ensuite encore, la banque savait-elle l’origine des sommes en espèce qu’Awa N’diaye déposait sur son compte? 150 millions FCFA, le 30 mars 2010; 300 millions FCFA, le 31 mars 2010; 200 millions FCFA, le 1 er avril 2010 ; 350 millions FCFA, le 7 avril 2010 etc. Access Bank ne savaitelle pas qu’il s’agissait d’un détournement massif de fonds appartenant aux victimes des déchets toxiques?
Enfin, Access Bank reconnaît-elle une complicité dans le détournement des 4,658 milliards des victimes de déchets toxiques? Mais, nous n’avons pu poser la moindre question à qui que ce soit dans la banque. Pourtant, nous y avons passé près d’une heure. A notre arrivée, nous avons décliné notre identité à la dame qui nous a reçus, puis l’objet de notre présence dans leur banque. « Monsieur, puis-je avoir une carte? Depuis ce matin, la direction est en réunion». Nous lui remettons notre carte qui prouve notre appartenance à la rédaction de l’infernal quadrupède. Elle monte à l’étage où toute la direction est censée être en réunion. Elle y passe un temps interminable. Mais qu’est-ce qu’elle peut-être bien en train de leur dire là-haut? C’est la question qui trotte dans notre tête. Quand elle redescend enfin, c’est pour nous apprendre ceci : «Monsieur, on me laisse vous dire qu’on vous contacte plus tard. A bientôt!» Surpris par cette information, nous demandons: «c’est tout?» «Oui, ils vont vous appeler». Et c’est pour lui dire de venir nous informer qu’ils vont nous appeler qu’ils l’ont retenue làhaut pendant ce temps? Nous sommes donc revenus à la rédaction pour attendre le coup de téléphone de la direction d’Access Bank. Nous avons laissé tous nos contacts à notre interlocutrice. Mais jusqu’au bouclage du journal, le coup de téléphone d’Access Bank n’est pas arrivé. Sans doute que la réunion a épuisé tout le monde.
A.T & H.M in L’éléphant déchaîné

Mon, 09 Jul 2012 04:33:00 +0200

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