Insécurité à Abidjan : « Trois heures d’enfer pour Paul Agodio »

Dans son interview accordée à la chaîne de télé « Africa24 » et largement reprise par la presse pro-Ouattara dans son édition datée du 9 juillet, le chef de l’Etat a dépeint une situation sécuritaire qui a sans doute atterré les victimes des agressions et autres braquages quotidiens dont la presse parle chaque jour à longueur de pages. Le président a dit en effet que : « Tous les matins, je reçois des rapports de la police et de la gendarmerie. Et je peux vous dire que la situation est meilleure qu’il y a un an, qu’il y a dix ans, qu’il y a 20 ans. Donc la situation s’est fortement améliorée. » Certes. Mais dans cette situation « fortement améliorée », des bandits sont à la fête, de jour comme de nuit. Et ceux qui sont pris par la police peuvent espérer maintenant une évasion tous les deux jours, avec un peu de vigilance. Pour preuve, le jeudi 5 juillet, le président du comité de privatisation, Paul Agodio, a passé trois bonnes heures avec deux criminels qui ont pris sa maison en otage et qui étaient là, selon leurs propres termes, pour « finir avec lui », à la demande de leur « boss ». Il est en effet 17 heures quand Paul Agodio arrive chez lui, en provenance de son lieu de travail. Là, il décide comme d’habitude, de se reposer un peu, avant de se réveiller à 20 heures tapantes, pour suivre le journal télévisé de la « Rti1 ». Mais à 19 heures, la sonnerie de la maison retentit. La servante qui est au salon, part ouvrir. Au portail, avant d’ouvrir, elle pose la question : « Qui est là ? » De l’autre côté, une voix répond : « C’est le gardiennage ! ». C’est qu’à cette date (5 du mois) en effet, des gens bien connus qui assurent le gardiennage passent pour récupérer leur argent. Et c’est la réponse qu’ils donnent quand cette question est posée. Rassurée, la servante ouvre le portail. Mais au lieu du responsable des gardiens, c’est plutôt une arme à feu qui est promptement pointée sur sa tête. Elle a à peine le temps de réagir que deux individus entrent et referment le portail. Ils lui intiment l’ordre de les conduire à son patron et surtout de ne pas l’ouvrir. La servante les conduit alors à la porte de la chambre du président du comité de privatisation. Lequel est tiré de son sommeil et prié de sortir. Dès qu’il ouvre la porte, l’un des bandits lui pointe son arme sur la tête et lui tient ce discours : « On nous a envoyés pour te tuer. Donne-nous l’argent qui est avec toi et on va te tuer rapidement pour repartir». Sans trembler, Paul Agodio leur répond qu’il n’a pas d’argent. «Tu mens, réagissent-ils. On nous a dit que tu gardes beaucoup d’argent dans ta maison. Si tu ne nous donnes pas cet argent, on va te tuer». Le président du comité de privatisation essaie de leur faire comprendre qu’il n’a pas ce qu’ils cherchent mais ils ne veulent rien comprendre. Et pour montrer qu’ils ne plaisantent pas, l’un deux part dans la chambre de la sour du maître des lieux et ramène de force cette dernière. Il l’oblige à se coucher par terre devant son frère et lui bande les yeux. Puis, il lui dit qu’il va tuer son frère et que c’est pour cela qu’il lui bande les yeux. Cette dernière paniquée, le supplie de laisser son frère en vie. Devant la sérénité de Paul Agodio, les bandits changent de stratégie : « Nous savons que ton fils est rentré de l’étranger où il vit. Nous avons tout notre temps. Nous allons l’attendre et le tuer sous tes yeux, si tu ne nous donnes pas ce que nous voulons». Devant cette menace, Agodio réagit : « Ne tuez pas mon fils, il n’a même pas encore trente ans. Je suis devant vous, c’est après moi que vous avez, tuez-moi et laissez mon fils ». La situation n’évolue pas. L’un des voyous appelle « le boss » au téléphone et lui dit : « Le boss, on n’a pas encore l’argent et le petit n’est pas encore rentré. Qu’est-ce qu’on fait ? » Pendant de longues minutes, il prend des « instructions ». Après la communication avec « le boss », la sour d’Agodio est reconduite dans sa chambre et enfermée à double tour. La servante est enfermée dans les toilettes. L’un des bandits sort un couteau qu’il enfonce dans la cuisse gauche du président du comité de privatisation et lui dit : « Tu penses que je plaisante ? Je vais te tuer ». Sous la violence de la douleur, Paul Agodio ne dit rien. Le bandit retire le couteau et le replonge dans l’ouverture ainsi faite avant de le retirer de nouveau. Le sang gicle dans la chambre. Agodio est débout et fait face à ses agresseurs. L’un des deux sort au salon et laisse son comparse finir le boulot. Ce dernier est en face d’Agodio et lui dit : « Fais ta prière, je vais te tuer, on va partir». «Tue-moi, j’ai fini de prier. Je prie tous les jours », répond Agodio. « Je vais te tuer », répète le bandit : « fais-le », répond encore Agodio. « Je vais te tuer», mais cette fois Agodio ne répond pas. Soudain, comme possédé par une force extérieure, la main du voyou qui tient l’arme se met à trembler. Puis, c’est tout son corps qui suit. Dans le salon, l’autre qui n’entend pas le coup de feu, réagit. « Mais finis-le on va partir ! » Il n’a pas le temps de réaliser ce qui se passe, que son compère, comme poursuivi par un fantôme, le dépasse et prend ses jambes à son cou. Ne sachant pas la raison de la panique de son complice, il prend également ses jambes à son cou. Dans la chambre, le président du comité de privatisation perd abondamment du sang. Les bandits avaient paisiblement passé trois heures à son domicile. Dans les minutes qui ont suivi la fuite de ces derniers, ses voisins alertés accourent et le conduisent à l’hôpital. Après des soins dans une clinique, Paul Agodio a déposé une plainte au commissariat du 30ème arrondissement des deux plateaux. Mais à la date du 9 juillet, l’enquête n’avait pas encore commencée. Motif ? Le commissaire n’a encore désigné personne pour cette affaire et Paul Agodio attend qu’on lui dise quelque chose. Sans doute que le commissaire a d’autres dossiers plus importants à imputer.

Alex Kassy in L’Éléphant Déchainé

Sat, 14 Jul 2012 16:20:00 +0200

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