Interview – Freddy Assogbah (arrangeur): “Voici ceux qui tuent le couper-décaler”

• Comment se porte l’arrangeur “international“ ?

– (Il rit) Super bien ! Les choses roulent, y a pas de souci.

• On t’appelait déjà arrangeur “international“ avant que tu ne t’installes au carrefour du show-biz à Paris ?

– Oui, et c’est par la volonté des artistes. Ce sont surtout les chanteurs couper-décaler qui aimaient m’attribuer cette étiquette dans leurs chansons.

• Maintenant, tu es “sur terrain” à Paris …

– (Il rit) C’est vrai ! C’est une autre dimension du show-biz. C’est un autre niveau. Il faut que je me batte pour imposer ma griffe. Et justifier par la même occasion mon sobriquet “international”. (Il rigole)

• Penses-tu l’avoir réussi depuis bientôt trois ans que tu es en France ?

– Tout à fait ! D’abord en montant un studio d’enregistrement flambant neuf, aux normes internationales, à Ivry-Sur-Seine, en Ile de France. Il n’a rien à voir avec un petit home studio. Mon studio “Akwaba Paris” est déclaré au niveau de l’administration française. C’est une entreprise légalement constituée et reconnue.

• Et ton catalogue ?

– Il est bien étoffé. Les nouveaux albums de Soum Bill, Gadji Céli, Antoinette Allany, Ipo Kipers, Espoir 2000 et bien d’autres artistes sortent de chez moi. J’ai arrangé et mixé la plupart de ces œuvres. Le single promo “Kognini” de Espoir 2000, qui passe sur Trace TV, vient tout droit du studio “Akwaba Paris”.

• Tu ne chômes donc pas…

On peut le dire, par la grâce du Seigneur.

• Mais il n’y a pas d’artistes d’autres pays dans ton catalogue ?

– Si ! j’ai arrangé des Camerounais, des Guinéens, des Nigérians, des Congolais, des Burkinabè … Je peux citer pêle-mêle, Leela 1er, Eric Chimita, Chantal Ahizi, Aubin Théa, Steve Onix Azonto, Papa Wemba, Polas…

• Où sont passés les couper-décaler dans ce lot ?

– Depuis Abidjan, je les ai presque tous arrangés. Car je suis à la base de la rythmique couper-décaler, avec David Tayorault qui m’a suivi. De Molare à Douk Saga, en passant par Dj Arafat, Claire Bahi, Lino Versace, Serge Defallet, Affo Love, Boro Sanguy, Shegal, Lindsay…
Leurs œuvres portent ma griffe. Mais une dizaine d’années après, il fallait souffler un peu, pour pouvoir me renouveler. C’est ce que j’ai fait. Mais là, je reviens au couper-décaler pour reprendre les arrangements en main. Car les choses n’évoluent pas dans le bon sens. Même si le potentiel est toujours là.

• Peux-tu être plus explicite ?

– De façon générale, les artistes couper-décaler qui sont sur le marché ou à la mode, cassent les tympans des mélomanes. C’est à celui qui fera le plus de bruits que l’autre. C’est loin de l’essence même de la musique qui doit être une alchimie de sons agréables à l’oreille.

• Ton avis alors sur Dj Arafat, Serge Beynaud, Bebi Philip, Claire Bahi, Debordo Likunfa, Kedjevara …

– Ils ont du potentiel, de belles idées et sont agiles dans la danse. Mais au finish, c’est agressif pour le bon mélomane. Parce que des choses essentielles manquent à leurs œuvres : la structuration des morceaux, les refrains, les couplets, les messages.

• Tu tiens compte de ces paramè-tres dans tes arrangements à toi ?

– (Il rigole) Bien sûr ! La preuve, le single de Mokobé et Molare que j’ai arrangé pour le marché international a eu un disque d’or en France. D’ailleurs, pour marquer mon retour aux arrangements couper-décaler, j’ai sorti à Paris le single d’une jeune fille qui s’appelle Sly de Sly. Ça tourne déjà sur Trace TV et les retours sont très bons. Après ce single, je suis en train de terminer son album. La maison Sony a donné son accord pour la distribuer. Elle signe sous ce label dans quelques jours.

• Plus de 10 ans après, quelle est la place du couper-décaler en France, où il a été créé par la Jet Set ?

– Beh…. Malheureusement dans la communauté black. C’est une affaire d’Africains. C’est encore trop agressif et surchargé de bruits, pour acquérir le marché européen. D’ailleurs, certains artistes couper-décaler viennent de plus en plus avec leurs œuvres dans mon studio, pour revoir leurs sons. Parce qu’il y a problème. Il faut absolument retravailler les arrangements et les mixages.

• Venons-en au Zouglou, comment se comporte-t-il ?

– En France et en Europe, le Zouglou s’est fait un nom grâce à Magic System. Le groupe a su adapter le zouglou à la musique européenne avec succès. Pour que les occidentaux puissent s’y retrouver et l’acheter. C’est le fruit du travail des arrangeurs et du staff de Magic System. Alors que les autres zouglou veulent se faire plaisir avec leur style roots d’Abidjan. Sans tenir compte des exigences du marché international, qui rapporte plus financièrement aux artistes.

• Et notre reggae ?

– Là, il n’y a pas de problème. Depuis le gros succès d’Alpha Blondy aux quatre coins du monde, le reggae ivoirien est devenu un label sur le marché international. Tiken Jah lui a emboîté le pas avec beaucoup de réussite et ça marche. Sans oublier des artistes comme Meiway, Dobet Gnahoré et Manou Gallo, qui tournent beaucoup. Ce sont des vrais porte-flambeaux de la culture ivoirienne, avec leurs musiques inspirées du terroir.

• Trois ans après, tu es en train de faire visiblement ton trou en France. Alors que certaines rumeurs disaient que tu étais dans la galère.

– C’est n’importe quoi ! C’est triste que des gens s’amusent à véhiculer des ragots sur le compte des autres. Sur la place parisienne, je suis parmi les musiciens-arrangeurs ivoiriens les mieux organisés et les plus sollicités. J’ai une entreprise déclarée en bonne et due forme. Mon studio “Akwaba“ à Abidjan est ouvert et marche bien aussi. Si je suis venu en France, c’est pour me rapprocher de ma famille. Elle commençait à me manquer à cause de la distance. Et cela me donne également beaucoup d’opportunités professionnelles. Parce que Paris est incontournable dans le show-biz international.

Source : 

Top Visages

Fri, 22 Nov 2013 14:08:00 +0100

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