Sénégal : nouvelles manifestations dans la crainte de violences / GADIO AUX LEADERS DE L’OPPOSITION « Il faut négocier la sortie de Wade »

Le mouvement tient bon. Il a été rejoint par la première force syndicale du pays, la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal, rapporte le site d’opposition Dakaractu.com. "Sans crier gare, le M23 [le mouvement de contestation né de la manifestation du 23 juin 2012] se massifie et recrute dans tous les secteurs de la vie nationale, des syndicats aux hommes d’art et de culture, des partis politiques aux ONG, des mouvements de jeunesse aux associations de femmes… Et menace chaque jour davantage le pouvoir d’Abdoulaye Wade dont il œuvre activement à la perte", peut-on lire sur le site.

Alioune Tine, un des dirigeants du M23, a décidé de jouer le jeu : "Pour apaiser la situation et comme nous voulons éviter la tension politique, nous acceptons de délocaliser la manifestation à la Place de l’Obélisque", explique-t-il au journal Sud Quotidien.

UN RASSEMBLEMENT PRO-WADE

Mais certains manifestants ont un goût amer dans la bouche : le centre ville accueillera samedi un tout autre rassemblement. Le Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir) et ses alliés tiendront sur la Voie de dégagement nord, à Dakar, un meeting de soutien à la candidature d’Abdoulaye Wade pour l’élection présidentielle.

"Wade fait ça pour masquer la marche du mouvement M23. Le pouvoir a dégainé des sommes considérables d’argent pour mobiliser ses troupes, c’est un vrai gaspillage", proteste Basile Niane, journaliste et blogueur.

"La meilleure manière d’éviter de plonger Dakar dans le chaos serait que ni les sopistes [partisans du parti au pouvoir] ni le M23 [l’opposition] ne manifestent", pouvait-on lire jeudi à la Une de Sud Quotidien, qui titrait : "Dakar coupé en deux."

En première ligne lors de la manifestation du 23 juin, où plus de cent personnes avaient été blessées, Basile Niane se rappelle : "Les choses se sont passées très vite. Les gens ont voulu entrer dans l’Assemblée nationale. La police n’a pas pu retenir les manifestants et a riposté en lançant des lacrymogènes. Les choses ont dégénéré l’après-midi."

La manifestation de samedi prendra-t-elle la même tournure ? "Cela dépend de la quantité de forces pour assurer la sécurité des citoyens. Mais le risque, c’est que, maintenant que le pouvoir a peur des manifestations, la tension monte d’un cran avec les policiers", explique le journaliste. "Mais on prie pour que la manifestation soit pacifique. Si la police joue le jeu, ça va marcher."

DÉCISION CONSTITUTIONNELLE

Dans une interview au journal La Croix, le président sénégalais, âgé de 85 ans, réitère sa proposition d’une élection présidentielle anticipée. "Je suis prêt. Je ne suis pas trop vieux. […] C’est parce que l’opposition me demande de partir maintenant que je lui ai proposé une élection anticipée", dit-il. Mon départ créerait au Sénégal un chaos pire qu’en Côte d’Ivoire. Qui pourrait me remplacer ‘maintenant’ ? Personne de crédible".

Sous la pression de la rue, M. Wade a renoncé à réformer la constitution pour pouvoir se représenter. Mais il a demandé au Conseil consitutionnel de se prononcer sur son éligibilité. "Nous sommes certains qu’il n’a pas le droit de se représenter. Et si le conseil consititutionnel l’accepte, le peuple va protester, le peuple en a marre d’Abdulaye Wade", affirme Basile Niane. "En plus, il se contredit." En effet, le président avait par le passé assuré ne pas pouvoir se représenter, ayant lui-même bloqué le nombre de mandats à deux consécutifs.

Le fils d’Abdoulaye Wade, Karim, est un conseiller personnel de son père. Les rumeurs autour de son ambition présidentielle alimentent aussi le mécontentement de la rue, qui accuse le pouvoir de népotisme. Dans La Croix, Abdoulaye Wade assure qu’il n’a jamais envisagé de proposer son fils comme candidat à la vice-présidence, en s’empressant d’ajouter que "personne ne peut l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle après ma mort. La perspective qu’il devienne un jour président du Sénégal ne me déplaît pas."

"Y’EN A MARRE"

Basile Niame estime que "les jeunes ont fait la révolution du 23 juin. Maitenant la parole n’est plus au pouvoir mais au peuple. C’est la premiere fois que de telles manifestations ont eu lieu. Maintenant, ils sont conscients du role qu’ils peuvent jouer."

Sur les réseaux sociaux, le mots-clef #yenamarre est devenu très populaire. Le slogan a été initié par le groupe de rap Keur Gui et symbolise aujourd’hui la mobilisation de la jeunesse. "Tout le monde adhère à ce mouvement. Ils veulent conscientiser les gens sans violence mais avec des actes forts, comme inciter les jeunes à s’inscrire sur les listes. Tout le monde les respecte ici", même si le président prétend qu’ils ne représentent qu’eux-même, explique Basile Niane, également président d’une association de blogueurs au Sénégal.

LIBERTÉ D’EXPRESSION

Darakactu.com rapporte des attaques contre la presse, très virulente à l’égard du pouvoir. Mais loin de se laisser faire, les journalistes protestent et se joignent au mouvement : "Nous exigeons toute la protection requise pour les journalistes ", a déclaré Madior Fall, rédacteur en chef de Sud Quotidien, qui affirme que "la presse n’est là que pour relayer ce qui se passe. Nous sommes là pour faire notre métier, et nous le ferons de la manière la plus responsable qui soit. "

Basile Niane reconnaît tout de même qu’il dispose d’une large liberté d’expression : "Je n’ai pas peur de dire ce que je pense. On est libre de faire ce que l’ont veut". Toutefois, le jeune homme estime qu’un durcissement du pouvoir serait possible si celyui-ci venait à se sentir menacé.

Antoine Bouthier in lemonde.fr

GADIO AUX LEADERS DE L’OPPOSITION « Il faut négocier la sortie de Wade »

Cheikh Tidiane Gadio, le leader du Mouvement politique citoyen Lu jot jotna est formel. «Il faut négocier la sortie de Wade » pour mettre un terme à la « grave » situation politique et sociale que vit le Sénégal, avec un Président de la République disposé, vaille que vaille, à briguer un troisième mandat. D’où l’appel lancé aux leaders de l’opposition politique hier, vendredi 22 juillet, pour trouver « les moyens et les formes » d’offrir à Me Wade « une sortie honorable ».

C’est au cours d’une conférence de presse organisée hier, à Dakar, que Cheikh Tidiane Gadio, le leader du Mouvement politique citoyen Lu jot jotna, a préconisé aux leaders de l’Opposition et cie de négocier la « sortie de Wade ». Analysant de fait la situation politique nationale après les évènements du 23 juin, l’ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal et par ailleurs candidat à la présidentielle a invité à la souplesse et à la maturité politique pour régler la « grave » crise sociopolitique qui sévit au Sénégal. Une crise qui s’accentue dans un contexte d’affaissement des institutions de la République et des acquis démocratiques, de projet de dévolution dynastique du pouvoir, de demande sociale exacerbée. Et surtout « d’épreuve de force engagée par un Président contre son propre pays », en voulant vaille que vaille valider, contre l’avis même de la Loi fondamentale, un troisième mandat à la magistrature suprême.

Pour autant, Gadio a lancé un appel solennel aux leaders de l’Opposition : « Il faut négocier la sortie de Wade ». Pour le chef du MPCL, il ne sert à rien en effet de s’enfermer dans un bras de fer musclé contre la candidature de Me Wade alors même que des dispositions conciliatoires pourraient permettre de trouver une sortie de crise avec laquelle tous les acteurs seraient probablement gagnants.

Les conditions préalables seraient, selon Gadio, que l’opposition cesse d’adresser des « menaces » à Me Wade qui reste encore, en tant que Président, le chef suprême des armées et le garant de l’ordre et de la sécurité publique. Au contraire, face à ce Président désorienté et en plein engrenage, parce qu’ayant vu le peuple rejeter le 23 juin son projet de dévolution dynastique du pouvoir, il urge de « trouver les moyens et les formes de lui garantir une sortie honorable ». Et pour arriver à cette porte de sortie, a précisé Gadio, « il faut qu’on se comporte avec une certaine maturité ».

Aider le Président à préparer son départ suppose également, selon Gadio, qu’on tende la main à tous les membres du Pds, « épris de démocratie » et qui peinent à voir le Sénégal s’engager dans un engrenage qui pourrait déboucher sur une violence préjudiciable à l’avenir de notre pays. « Ce qui est arrivé à la Côte d’Ivoire peut très bien arriver au Sénégal ». Malgré tout, C. T. Gadio n’en affirme pas moins son intime conviction qu’il n’y aura dans notre pays « ni dévolution monarchique du pouvoir ni guerre civile ». Le Sénégal, terre béni avec d’illustres hommes de Dieu, a en lui les ressources morales, spirituelles et intellectuelles pour dépasser ce moment critique de son histoire, a fait remarquer le leader du Mpcl.

Denise ZAROUR MEDANG in sudonline.sn

Sat, 23 Jul 2011 09:57:00 +0200

0

Laisser un commentaire

Nous utilisons des cookies afin de vous offrir la meilleure expérience possible sur notre site Web. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez notre utilisation des cookies.
Accepter
Refuser
Privacy Policy