Un journaliste de Ouattara nommé à la tête du CNP – Que dira donc Reporters sans frontières ?

Dans le microcosme journalistique abidjanais, tout le monde connaît son pseudonyme : Raoul Mapiéchon. C’est sous ce nom de plume que Raphaël Lakpé, conseiller général du quotidien Le Patriote jusqu’à sa nomination, ferraillait, dans les colonnes du quotidien détenu par le ministre de l’Intérieur Hamed Bakayoko, contre tous ceux qui avaient le malheur de déplaire à Alassane Ouattara. C’est cet homme, connu pour ses écrits particulièrement virulents, que le régime qui règne sur la Côte d’Ivoire a choisi pour être le président du Conseil national de la presse (CNP), organe de régulation de la profession. Pouvait-on trouver plus partisan ? Difficile à dire. D’ores et déjà, les observateurs de la scène médiatique ivoirienne s’amusent à imaginer qu’ils compareront les articles qu’il sanctionnera et les publications qu’il suspendra à ses propres écrits d’avant sa nomination…
Que dira la communauté des défenseurs de la liberté de la presse ? L’on se souvient, en effet, que le jeudi 10 février 2011, Reporters sans frontières (RSF) avait publié un communiqué condamnant vivement le remaniement effectué au sein du CNP par le gouvernement Aké N’Gbo. «Le gouvernement de Laurent Gbagbo vient de procéder à un véritable accaparement du Conseil national de la presse, un organe pourtant reconnu pour son sérieux et son impartialité. Il s’agit d’une décision arbitraire et politique destinée à reprendre la main sur cette institution. Etant donné la couleur politique des personnes qui viennent d’être cooptées par le camp Gbagbo pour assurer la direction du CNP, nous pouvons craindre que cette institution soit entièrement détournée de sa mission de régulation, et qu’à l’avenir elle sanctionne durement les médias et journalistes d’opposition mais protège en revanche la presse dite bleue, proche de Laurent Gbagbo», avait déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières. «Une telle manœuvre risque de renvoyer la Côte d’Ivoire vingt ans en arrière en ce qui concerne la liberté de la presse», avait-il ajouté.
Que pense aujourd’hui Jean-François Julliard de la nomination d’un journaliste de l’organe quasi-officiel du RDR, parti ouattariste, à la tête du CNP quand on sait que cette institution est aujourd’hui la «police de la pensée» visant à imposer une histoire officielle à la presse ivoirienne et un organe à la main lourde contre la presse bleue mais particulièrement complaisant vis-à-vis des outrances des journaux proches du régime.

Benjamin Silué in Le Temps

Tue, 05 Jun 2012 23:38:00 +0200

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