Côte d’Ivoire : 19 septembre 2002 – 19 septembre 2023. On fait le bilan de ceux qui ont servi Ouattara ?

”Quand on dîne avec le diable, il faut se munir d’une longue cuillère” dit-on mais tout se passe comme si avec Ouattara, il n’y a pas de cuillère assez longue pour qui dîne avec lui. Tous ceux qui marchent avec lui finissent par tomber, d’une manière ou d’une autre.
Celui qui a monté la rébellion de façon pratique en recrutant les autres, c’est-à-dire Ibrahim Coulibaly alias IB, a été envoyé ad patres, liquidé deux semaines seulement après l’installation de Ouattara au pouvoir.
Ceux qui étaient à Marcoussis du côté de la rébellion n’ont plus aujourd’hui voix au chapitre. Ceux qui vivent encore sont écartés de la gestion du pouvoir. D’autres ont été tués. C’est le cas de Doh Félix alias Ndri Saint-Clair, le chef du MPIGO. Pour lui, l’aventure s’est arrêtée à Bouaké.
Un autre chef rebelle , lui aussi signataire de l’accord de Marcoussis, le commandant Dely Gaspard du MJP (Le Mouvement pour la Justice et la Paix) retiré des affaires politiques, est mort en juillet 2019, dans l’anonymat.
Il faut rappeler que ces deux mouvements, le MPIGO et le MJP, avaient été créés pour créer le surnombre à Marcoussis, avant de totalement disparaître de la circulation sans que jamais leur dissolution n’ait été prononcée publiquement.
Soro Guillaume, le secrétaire général du MPCI, le principal mouvement rebelle, l’homme qui tapait dans les mains de Dominique de Villepin, le ministre des affaires étrangères de Jacques Chirac, a lui échappé à un attentat en 2007 qui a quand même fait des morts. Il a été premier ministre du président Gbagbo puis d’Alassane Ouattara, avant de devenir président de l’assemblée nationale. Il sera contraint par Ouattara de démissionner de ce dernier poste parce qu’il ne voulait pas adhérer au RDR, le parti de Ouattara. Sa capacité à se maîtriser et à accepter l’humiliation ayant été durement éprouvée, il avait fini par craquer et se retrouve aujourd’hui en exil, hors du pouvoir qu’il a contribué à installer par la guerre. Ouattara semble en tout cas avoir juré de le neutraliser politiquement et l’a condamné à vingt ans de prison.
On pourrait aussi parler de Soumaila Bakayoko, Gueu Michel , Roger Banchi, Alain Lobognon, Sidiki Konaté, etc, qui étaient très présents pendant la crise et qui ont été écartés du cercle du pouvoir. Ouattara a juste ménagé, pour certains, le pain en espérant qu’ils s’en contenteront.
Allons maintenant voir du côté des hommes qui ont choisi la rébellion plutôt que la défense des institutions de la république.
Henri Konan Bédié, l’un des grands bénéficiaires de la rébellion, qui comptait devenir calife à la place du calife, a été roulé dans la farine et a pris finalement ses distances. Il est décédé le 2 août 2023.
Francis Wodié, dont le parti le PIT n’a jamais adhéré au G7 ( Groupement de quatre partis politiques RDR, PDCI, UDPCI et MFA, et de trois mouvements rebelles MPCI, MJP, et MPIGO ), avait cependant une proximité avec Ouattara dont il deviendra le président du Conseil Constitutionnel d’une façon tout à fait illégale dont l’homme de droit s’accommodera. Francis Wodié finira par démissionner de son poste pour ne pas avoir à se prononcer sur une autre candidature de Ouattara en 2015, sans fondement juridique pertinent. Devenu politiquement Invisible. Il est lui aussi décédé cette année 2023.
Anaky Kobenan, ce compagnon historique de l’opposant Laurent Gbagbo, qui a connu les sous-sols de la présidence ivoirienne comme prisonnier d’Houphouët-Boigny, avait des comptes à régler, et avait choisi le parti de ceux qui ont attaqué la république, certainement sans savoir jusqu’où ces derniers étaient prêts à aller. La rupture est aujourd’hui totale avec Ouattara qui, par des manœuvres douteuses, a même réussi à diviser le MFA , son parti dont il ne reconnait qu’une partie qui n’est évidemment pas celle de son fondateur qu’il est. Anaky Kobena a aujourd’hui beaucoup de mal à exister politiquement et nourrit des regrets. «De tout cela, je retiens ceci: à la tête d’un pays ,il ne faut pas commettre l’erreur de mettre une personne qui n’est pas des nôtres, quelles que soient ses qualités.» a-t-il dit.
Pascal Affi Nguessan qui était lui aussi à Marcoussis au nom du Front populaire ivoirien (FPI) a choisi de collaborer avec Ouattara contre le président Gbagbo qui a fini par se séparer de lui en lui laissant le parti qu’il a créé. Pascal Affi Nguessan, qui vient d’être battu aux élections régionales, est aujourd’hui un homme politiquement très affaibli et réduit à s’accrocher au parti de Ouattara, le RHDP, pour exister.
Choisir de servir les ambitions de Ouattara peut donc avoir des conséquences très désagréables et même fatales. J’ai donné quelques exemples, et il y en a d’autres encore, mais je laisse à chacun le soin de compléter cette liste. On pourrait même y ajouter des gens qui ne sont pas des hommes politiques, qui sont dans d’autres domaines d’activité, artistique ou sportive, mais qui cherchent aujourd’hui à retrouver la popularité qui était la leur quand ils n’avaient pas encore révélé leur proximité avec Ouattara.
La leçon qu’on pourrait donc tirer, pour conclure, est que quand on a décidé de marcher avec Ouattara, il faut bien s’accrocher à lui parce que s’il vous jette, vous êtes politiquement mort. Et même si ce n’est pas lui qui vous jette, c’est le peuple qui vous tourne le dos. Et si vous avez moins de chance, vous pouvez même vous retrouver six pieds sous terre, comme IB.
Alexis Gnagno
Écrit le 12 août 2019 et réactualisé
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