Regard sur le fief de la rébellion touareg

L’Azawad, un pays dans un pays

D’origine tamasheq (touareg), Azawad signifie littéralement « territoire de transhumance » ou tout simplement pâturage. Ce territoire occupe les deux tiers du Mali, environ 800. 000 km2 sur les 1.241.238 Km2 sur lesquels s’étend le pays. La Zone est située au nord du fleuve Niger. Elle regroupe trois grandes régions du Mali notamment Gao, Tombouctou et Kidal. Véritable pays dans un pays, l’Azawad est aussi grande que la France et l’Italie réunies. Ses frontières sont l’Algérie au Nord, le Niger à l’Est et la Mauritanie à l’Ouest. Logé en plein Sahara, il débouche au sud sur la zone sahélienne. Très faiblement peuplée, 1,3 millions d’habitants, l’Azawad représente 10% de la population malienne estimée à 15 millions d’habitants. L’essentiel de la population est concentré dans les deux plus grandes villes que sont Tombouctou, (681.691 hbts) et Gao, (544.120 hbts). Kidal vient en dernière position avec 67.638 hbts. Les Arabo- Berbères, (Touaregs et Maures ) constituent la souche principale du peuplement de l’Azawad. Venus par vagues successives, ils se sont installés au Moyen-âge à Essouk, jadis prospère cité caravanière qui a connu une grande prospérité entre le IXe et XIIe siècle. C’est dans ce creuset d’Essouk, aujourd’hui commune du Mali, dans la région de Kidal, que s’est cristallisée la culture touareg avant de gagner l’intérieur du Mali et s’étendre aux pays voisins en l’occurrence le Niger et l’Algérie. Au 19e siècle, la zone attira la convoitise du colonisateur français. En 1894, Tombouctou tombe dans l’escarcelle de la France suivi en 1899 de Gao. En 1950, ce vaste territoire est rattaché au Mali alors appelé Soudan français. Dix ans après l’intégration de l’Azawad à l’actuel Mali, le pays devint indépendant. Mais les velléités autonomistes des habitants de la région vont déjà se manifester en 1958 depuis Kidal avec la création du Mouvement populaire de l’Azawad, (MPA) qui réclame l’autodétermination de ce territoire et la création d’un Etat touareg. En 1963, trois ans après l’indépendance, les souverainistes joignent l’acte à la parole en déclenchant la première rébellion touareg. Modibo Kéita, le président malien ne fait montre d’aucune faiblesse face à cette tentative de sécession. La jeune armée malienne écrasa le mouvement. En 1988, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad, (MNLA) est créé. Deux ans plus tard, les rebelles reprennent les hostilités, cette fois- ci, ils réussissent à obtenir une table ronde avec les autorités maliennes. La rencontre qui s’est tenue sous l’égide de l’Algérie voisine aboutit aux accords de Tamanrasset signés dans cette ville algérienne en 1991. Un an plus tard, une autre étape du dialogue aboutira au « Pacte de National ». Après une trêve de 14 ans, le MNLA fait de nouveau parler les canons et obtient la signature des accords d’Alger le 4 juillet 2006. Pendant 6 ans, les rebelles touaregs vont se trouver d’autres occupations. L’immensité désertique où ils règnent en maîtres, est devenue une zone de prédilection des trafiquants de tout acabit. Les narcotrafiquants, les négociants d’armes et des djihadistes, en ont fait leur repaire favori. Le 5 novembre 2009, en provenance du Vénézuela, un avion bourré de cocaïne s’est posé entre Kidal et Gao. Débarrassé de sa coûteuse cargaison, l’aéronef a été abandonné dans ce désert. Fin octobre 2011, après la chute du régime Kadhafi et la mort de ce dernier, des soldats du MNLA qui s’étaient fait recruter depuis 1990 dans la garde prétorienne du guide libyen, commencèrent à rentrer dans leur pays. Contrairement à l’Algérie, à la Mauritanie et au Niger qui ont désarmé ces mercenaires avant le retour chez eux, Amadou Toumani Touré a laissé les siens rentrer au pays avec armes et bagages. Lourdement équipés, les rebelles touaregs vont réactiver le conflit. Dès la mi- janvier 2012, ils déclenchent les hostilités et occupent Tessalit et d’autres petites localité de la région. Le 22 mars 2012, prétextant subir l’humiliation de ces rebelles mieux armés qu’eux, des soldats du camp de Kati, une garnison située à une quinzaine de kilomètres de Bamako, se mutinent et déposent ATT. C’était l’aubaine pour le MNLA qui profite de la confusion de ce putsch pour foncer sur Kidal, Gao et Tombouctou, les trois grandes villes de l’Azawad. Sur le terrain, on se rend vite compte que le principal mouvement armé touareg n’est pas seul. Aux côtés du MNLA, on signale la présence d’autres forces notamment celles d’Ançar Dine, les « défenseurs de la foi ». Les objectifs ne sont apparemment pas les mêmes. Les premiers affirment n’avoir d’autres objectifs que l’indépendance de leur territoire, les seconds eux, veulent créer un Etat islamique avec la charia comme loi. La ville de Tombouctou serait entre leurs mains. Une troisième force, AQMI, Al Qaida au Maghreb Islamique, est aussi présente depuis quelques années dans cette bande sahélo- saharienne. Jusqu’en 2007, ce mouvement né en Algérie, était plutôt appelé Groupe salafiste pour la prédication et le combat, (GSPC). La branche qui opère dans le nord Mali serait forte de 200 combattants environ que se partagent deux chefs islamistes : Abou Zéid et surtout le redouté Moktar Belmokhtar. Celui- ci aurait été aperçu ces jours- ci dans l’historique cité de Tombouctou.

Quels enjeux pour un territoire de dunes et de falaises ?

Comment se fait-il que cette immensité sableuse qu’est l’Azawad soit subitement devenue une zone de tant de convoitises ? En dehors des Touaregs, peuples de la région dont l’aspiration à l’indépendance pourrait se justifier par une frustration née de l’abandon de cette zone par les pouvoirs publics, l’Azawad a certainement des attraits. Pour les différents groupes terroristes et les trafiquants, c’est un no man’s land propice à leurs différentes activités. C’est là que les ravisseurs des otages planquent leurs victimes en attendant le versement de fortes rançons par leurs pays d’origine. Les otages français du groupe AREVA capturés au Niger, y sont probablement détenus. Mais le sable fin et les cailloux ne doivent pas être les seuls « richesses » de l’Azawad, loin s’en faut. Ce territoire cacherait d’énormes richesses. L’or dont le Mali est le troisième producteur africain après l’Afrique du Sud et le Ghana, ne serait pas absent sous les falaises qui jonchent la zone. Le gypse, matière première qui entre dans la fabrication du ciment abonde dans le sous- sol de Tombouctou, 35.000 tonnes de réserves connues pour le moment. L’uranium, principale richesse du Niger voisin, devrait aussi être présent dans la région, sans oublier l’or noir dont les recherches se poursuivent. Le Mouvement National pour la Libération de l’Azawad va t-il lâcher le morceau qu’il tient actuellement ? Les indépendantistes touareg ne sont visiblement pas prêts à reculer devant les sommations des puissances occidentales, encore moins devant la menace d’intervention armée de la CEDEAO. De quelle assurance dispose le mouvement armé ? C’est justement la grande inconnue. Les armes lourdes dont le MNLA a héritées de sa campagne de la Cyrénaïque, ne sont pas les seuls arguments sur lesquels se fonde le MNLA. Bénéficie t-il de soutiens extérieurs souterrains ? Rien n’est exclu.

Charles d’Almeida in L’Inter

Fri, 06 Apr 2012 02:30:00 +0200

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