Report de l’audience du 13 Aout . Tout ce qui s’est passé entre la Procureure, la défense et la Cour.

« Enfin, la juge unique note que l’ouverture de l’audience de confirmation des charges étant prévue pour le 13 août 2012 et qu’un litige sur l’aptitude de M. Gbagbo à prendre part à cette procédure pendante contre lui, ne pourra pas être résolu avant cette date, il convient de reporter ladite audience jusqu’au règlement complet de ce litige ». C’est en substance en ces termes que Mme Sylvia Fernandez de Gurmendi a conclu la décision qu’elle a rendue le 2 août 2012, ajournant, sine die, l’ouverture de l’audience de confirmation des charges dans l’affaire qui oppose le président Laurent Gbagbo au Procureur près la Cour pénale internationale. En effet, c’est le 12 juin 2012 que, dans leur requête en report de l’audience de confirmation des charges, alors prévue pour le 18 juin 2012, les Conseils de Laurent Gbagbo avaient plaidé, l’inaptitude de leur client à passer en jugement, soutenant qu’il gardait encore de graves séquelles de la torture et des traitements inhumains et dégradants dont il a été victime lors du processus qui l’a amené depuis son arrestation, à Abidjan le 11 avril 2011 – passant par son internement à Korhogo en République de Côte d’Ivoire
– le 29 novembre 2011, devant la Cour pénale internationale. Leurs déclarations se fondaient sur les faits rapportés par Laurent Gbagbo, en personne et les résultats d’une expertise de médecins qu’ils avaient eux-mêmes commis. Le Procureur avait demandé et obtenu de la Cour, qu’il ne soit tiré aucune conséquence de droit de cette expertise pratiquée par des médecins non agréés par elle. Pour régler la controverse, la juge unique a rendu le 26 juin 2012, une ordonnance lui permettant de désigner un collège de trois médecins agréés aux fins d’examiner Laurent Gbagbo et de répondre à la question de son aptitude à passer en procès. Le 19 juillet 2012, les médecins ont déposé trois rapports confidentiels auxquels ne peuvent avoir accès que le Greffe et Laurent Gbagbo, le concerné. Dès le dépôt de ces rapports d’expertise, les Conseils de Laurent Gbagbo ont informé la Chambre que leur client ne souhaitait pas que lesdits rapports soient communiqués intégralement au Procureur. A l’appui de leur refus, ils ont soutenu que conformément aux textes pertinents de la Cour, nul ne peut à part, le corps médical, avoir accès au dossier médical d’un détenu sans son consentement. En l’espèce, leur client ne donnait pas son consentement à une divulgation intégrale de son dossier médical, qui contenait des informations n’ayant aucun lien direct avec son aptitude à passer en procès et qui pourraient être exploitées à d’autres fins et contre ses intérêts par le Procureur. Néanmoins, ils se disaient disposés à en remettre à l’Accusation, une version expurgée des informations sans lien avec la procédure et qui relèvent de la vie privée de leur client. Madame Fatou Bensouda ne partage pas cette analyse. Elle soutient que pour faire ses observations, elle a besoin d’avoir accès à tous les rapports d’expertise ordonnés par la Chambre dans le cadre de la procédure. Les médecins ayant été commis pour aider au règlement d’un contentieux d’ordre médical, leur rapports doivent être, en principe, accessibles aux parties, affirme-t-elle. Elle soutient au surplus, que les experts en question ne sont pas des médecins traitants de M. Gbagbo et que par conséquent, il n’est pas besoin de son autorisation pour que le Procureur de la CPI ait accès à leurs conclusions. Elle fait remarquer que même au cas où, ces rapports lui seraient communiqués, ils ne perdraient pas pour autant leur caractère confidentiel et ne tomberaient pas dans le domaine public. Sur ce, Madame Sylvia Fernandez de Guremendi a noté que le souci d’impartialité doit guider toute la procédure. C’est dans ce but que la Chambre qu’elle préside et dont elle assume en l’espèce les fonctions en tant que juge unique a désigné des experts agréés, connus pour leur indépendance, afin d’examiner sous son contrôle, Laurent Gbagbo. Dans ce sens, elle estime nécessaire, avant de prendre une décision sur la question sur l’aptitude de Laurent Gbagbo à passer en jugement, de donner l’opportunité aux parties de faire des observations sur les rapports d’experts et sur les conséquences à en tirer pour la suite de la procédure. Si elle admet le principe d’une expurgation desdits rapports, comme le proposent les Conseils de Laurent Gbagbo, elle trouve cependant disproportionnées celles qu’ils ont suggérées et ne saurait donc les accorder entièrement. Ainsi sur les trois rapports remis par les experts, la juge unique a ordonné que deux soient expurgés ; quant au troisième, elle consent qu’il soit intégralement divulgué au Procureur. Elle a ordonné au procureur de déposer, en quarante cinq pages au maximum, ses observations sur les rapports d’expertise qui lui seront remis et sur la suite, le cas échéant, de la procédure, au plus tard le 13 août 2012 ; et à la défense de déposer les siennes sur les mêmes questions et dans les mêmes conditions au plus tard le 21 août 2012. La décision attendue de Madame la juge, nous situera sur l’issue de la procédure. En effet, dans l’affaire Thomas Lubanga Dyilo, la Chambre d’Appel de la CPI a jugé, approuvant en cela la Chambre préliminaire que « ce qui était en cause, c’est le processus tendant à amener l’Appelant devant la Cour. La Chambre préliminaire a estimé que c’est dans le contexte de ce processus que des violations des droits du suspect ou de l’accusé pourraient justifier l’interruption de la procédure. Or aucune violation de ce type n’a été établie » (ICC-01/04-01/ 06 (0 A4). Qu’en serait-il de la présente procédure, s’il était avéré qu’au cour du processus qui l’a conduit d’Abidjan
à La Haye via Korhogo, Laurent Gbagbo avait été victime avec la complicité de Luis Moreno Ocampo, de graves violations de droits de l’homme ? Telle est la question.

James Cénach Correpondant permanent à Paris

Mon, 06 Aug 2012 15:49:00 +0200

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