Frantz Fanon, contre toute aliénation
L’aliénation culturelle
Le parcours foudroyant de Frantz Fanon commence en Martinique, dans une famille métisse modeste, et s’accélère quand il s’engage librement en 1943, à 17 ans pour défendre la France contre l’oppression nazie.
“Chaque fois que la liberté et la dignité de l’homme sont en question, nous sommes tous concernés, Blancs, Noirs ou Jaunes” Frantz Fanon.
Mais en métropole, Fanon déchante vite : prêt à sacrifier sa vie, il est rejeté, humilié à cause de la couleur de sa peau. À 24 ans, il veut témoigner de son expérience d’homme noir dans un essai majeur : Peau noire, masques blancs, publié par Le Seuil en 1952. “Le Nègre n’existe pas. Pas plus que l’homme blanc”, y écrit-il. Dans cet ouvrage, il mobilise psychologie, philosophie, linguistique et littérature pour analyser la névrose collective créée par la colonisation.
Pour lui, même la culture est un acte politique, comme il l’exposera bien plus tard dans l’une des rares archives sonores publiques de ses interventions, enregistrée au Congrès international des écrivains et artistes noirs en 1956. Il développe notamment l’exemple de la “musique noire” : “Le blues, plainte des esclaves noirs, est présenté à l’admiration des oppresseurs. C’est un peu d’oppression stylisée qui revient à l’exploitant et au raciste. Sans oppression et sans racisme, pas de blues. La fin du racisme sonnerait le glas de la grande musique noire.”
L’aliénation mentale
Grâce à son statut d’ancien combattant, Fanon obtient une bourse pour étudier la médecine. Sa thèse de psychiatrie bouleverse le réductionnisme de la maladie mentale à des déterminations purement physiologiques (neurologiques) et montre le rôle que peuvent avoir l’histoire de l’individu et de la société dans son développement. Cette thèse de psychiatrie porte aussi en germe sa critique de toute forme d’aliénation : c’est le regard porté par l’autre qui nous rend étranger à nous-mêmes.
Alice Cherki, ancienne élève de Fanon et autrice d’une biographie le concernant, l’exprimait ainsi dans un documentaire sur France Culture, en 2011 : “C’est l’aliénation non seulement économique, culturelle, mais aussi subjective, individuelle. Il voulait la libération de l’Homme, sur tous les plans. C’est ça son originalité, qu’on retrouve aujourd’hui.”
C’est dans un hôpital algérien de Blida où il est nommé par hasard, puis dans les hôpitaux tunisiens, que Fanon expérimente sa psychiatrie novatrice. “Pour lui, la folie est une pathologie de la liberté. C’est-à-dire un mode d’être défini par des automatismes. Et le travail du psychiatre, c’est de rendre à l’individu sa liberté”, analyse Jean Khalfa. Fanon abolit la camisole ; ses thérapies renouent avec des pratiques culturelles ancestrales : jeux, chants, contes… et il se bat contre les conceptions médicales racialistes alors dominantes. “Le racisme vulgaire, primitif, simpliste, prétendait trouver dans le biologique la base matérielle de la doctrine : forme comparée du crâne, dimension des vertèbres, etc. Cela veut dire que le Noir d’Afrique, normalement, est un désintégré, physiologiquement”, répétait Frantz Fanon au Congrès international des écrivains et artistes noirs en 1956.
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Mon, 27 Sep 2021 15:16:00 +0200
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