La Bible, une histoire inventée ?

Jésus qui naît dans une crèche à Bethléem, le peuple hébreu fuyant l’Égypte par la mer Rouge avec Moïse à sa tête, la conquête de la Terre promise, la chute des murs de Jéricho sous l’effet des trompettes de Josué, la magnificence du royaume de David et de Salomon… Ces récits bibliques ont une chose en commun : ils appartiennent à l’univers du mythe et non à celui de l’histoire.

La critique des récits bibliques à laquelle se livrent des experts de tous horizons aboutit aujourd’hui à considérer nombre d’entre eux non pas comme des données historiques fiables, mais comme des légendes, des textes symboliques qui s’apparentent à des fables. Leur but est d’éduquer, d’édifier et non pas de reconstituer les événements du passé.

Le récit de la naissance de Jésus à Bethléem, avec la mangeoire, le bœuf et l’âne, les bergers, les Rois mages, est considéré par les exégètes — les experts de l’interprétation biblique —, tant catholiques que protestants, comme une fable pieuse destinée à soutenir la foi. Pour eux, Jésus, dont l’existence est historiquement avérée, est né à Nazareth, là où vivait sa famille. « On ne retient absolument pas l’historicité de ces récits que l’on trouve dans les Évangiles de saint Matthieu et de saint Luc », commente Odette Mainville, spécialiste des Évangiles et professeure à la Faculté de théologie et de sciences des religions de l’Université de Montréal. « Qu’on soit un exégète catholique ou protestant, on se rendrait ridicule en disant qu’il faut prendre à la lettre ces récits de naissance. »

Les deux textes évangéliques présentent d’ailleurs des divergences inconciliables. Chez Matthieu, Jésus naît à Bethléem, puis sa famille doit fuir en Égypte pour éviter le massacre des jeunes garçons que va perpétrer le roi Hérode. C’est seulement au retour d’Égypte que la famille s’établit à Nazareth. Selon Luc, par contre, les parents de Jésus vivent déjà à Nazareth, mais Joseph doit se rendre à Bethléem pour s’y faire recenser, conformément à l’édit de l’empereur romain. Il n’y est pas question de massacre d’enfants et la famille rentrera à Nazareth.

Non seulement les récits ne concordent pas, mais les historiens ne croient pas au massacre de garçons et estiment que Luc fait erreur sur la nécessité pour Joseph de se rendre à Bethléem pour le recensement.

Écrits plus de 60 ans après la mort de Jésus, les récits concernant son enfance sont les derniers textes compilés dans les Évangiles de Matthieu et de Luc. « Les Évangiles se sont créés par strates, explique Odette Mainville. À un moment donné, le rédacteur final rassemble les différentes traditions et y ajoute ses remaniements personnels. Quand l’Évangile de Marc a été écrit, vers l’an 65, on n’a pas ces récits d’enfance. Pour Matthieu et Luc, la rédaction finale des textes se situe entre 85 et 90. »

À cette époque, le christianisme se répand comme religion indépendante du judaïsme et ses adhérents tiennent à mettre Jésus sur le même pied que les grands personnages qui ont mar­qué l’histoire de l’humanité. Or, le récit fabuleux de naissance est un genre répandu dans l’Antiquité : un grand personnage doit avoir une naissance exceptionnelle. Le conquérant grec Alexandre le Grand, par exemple, se targuait d’une origine divine. « Les gens de l’époque n’étaient pas dupes, affirme Odette Mainville. On savait à quoi servait ce genre littéraire, soit à faire l’éloge d’un grand personnage. » Il ne fallait donc pas prendre ces récits au pied de la lettre. Mais au cours de l’histoire, la fable de la nativité de Jésus a été interprétée de façon littérale.

Mais qu’avait donc de prestigieux une naissance à Bethléem plutôt qu’à Nazareth ?

« Nazareth est un trou », écrit l’auteur français Jacques Duquesne dans son livre Jésus, un best-seller paru en 1994. Bethléem, par contre, était le lieu de naissance du roi David, figure de proue de l’histoire juive et symbole de la grandeur d’Israël et de son alliance avec Yahvé. Les évangélistes ne manquent d’ailleurs pas de le souligner : Jésus était de la lignée de David et, en tant que Messie, c’est à Bethléem qu’il devait naître. À l’époque de Jésus, le peuple juif, dominé par la puissance romaine et un roi mal-aimé, rêvait d’un nouveau David, d’un roi ayant reçu l’onction sacrée (c’est la définition de « messie »), qui allait lui redonner son indépendance.

Si la naissance de Jésus à Bethléem relève de la fable, le récit biblique de la puissance et de la grandeur du royaume de David (1 000 ans av. J.-C.) ne se porte guère mieux aujourd’hui. Les textes de la Bible font de David un poète conquérant ayant reçu de Yahvé la promesse d’un royaume indépendant et d’une lignée qui devait « subsister à jamais ». Ils lui attribuent un royaume dont les frontières vont de l’Égypte jusqu’à l’Euphrate, en Syrie. Son fils héritier, Salomon, doté d’une puissante armée, croulant sous les richesses et possédant un harem de 1 000 femmes, aurait construit à Jérusalem un temple somptueux, digne de figurer parmi les merveilles du monde. Rois sacrés de la Bible, David et Salomon n’ont cessé d’exercer dans l’imagination des juifs et des chrétiens la fascination d’un véritable âge d’or, placé sous le signe de l’alliance du ciel et de la terre. La recette du bonheur !

Or, cette légende dorée n’a pas résisté à un examen des récits de la Bible. Les critiques, cette fois, ne sont pas des théologiens exégètes, mais des historiens-archéologues, qui ont jeté ces dernières années quelques pavés dans la mare de l’histoire biblique. Ils se nomment Israel Finkelstein, de l’Université de Tel-Aviv, et Neil Asher Silberman, de l’Université du Massachusetts. Lancé au début des années 2000, leur ouvrage La Bible dévoilée a été un best-seller mondial. En 2006, ils ont approfondi leur analyse de la légende de David et de Salomon dans Les rois sacrés de la Bible.
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Tue, 23 Mar 2021 16:29:00 +0100

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