Côte d’Ivoire – Traoré Mamadou, ex-député : “Nous ne voulons plus de ponts inutiles et coûteux à Abidjan”

En grande pompe, la Côte d’Ivoire vient de célébrer l’ouverture de son nouveau pont à haubans long d’un km et demi, à la circulation des Abidjanais.
D’un montant total de 113 milliards de francs cfa, ce pont relie la commune du Plateau à celle de Cocody dans la mégalopole abidjanaise.La fête fut belle et le beau discours qui l’accompagna présageait éloquemment de l’intention de s’octroyer plusieurs autres mandats présidentiels anticonstitutionnels.
Mais au-delà du beau discours chaleureusement applaudi par des inconditionnels regroupés autour de l’orateur qui n’était autre que M Alassane Ouattara en personne, examinons ensemble l’état de l’économie ivoirienne ces dernières années.
Désolations et tristesses devant une économie naguère prospère.
Dans le nord du pays , l’anacarde (noix de cajou), une culture de rente de cette région, qui s’achetait au paysan à 750 fcfa le kg sous le régime du Président Gbagbo, est tombé depuis quelques temps à 200 fcfa le kg avec le Président Ouattara et finalement ne s’achète plus aujourd’hui.Le monde paysan du nord est plongé dans la misère puisque des tonnes de noix de cajou dorment dans les maisons. Il ne compte plus que sur la vente des ignames pour faire face à la rentrée scolaire fixée en septembre.
Dans le sud du pays, l’hévéa (caoutchouc naturel), qui s’achetait au paysan à 1000 fcfa le kg soit 1.000 000 fcfa (1 million de francs) la tonne au temps de Gbagbo, est tombé à 200 fcfa avec Ouattara depuis 13 ans.Le monde paysan dans le sud, l’Est et l’ouest est plongé dans une pauvreté incroyable car l’hévéa est devenu une culture de substitution au cacao qui se meurt (maladie et effets climatiques).
Le cacao ne produit plus comme au temps de Gbagbo parce que depuis 2011 le circuit de vente est désorganisé.En plus, tous les proches du pouvoir sont devenus exportateurs de cacao.Les quotas d’exportation ne sont plus respectés en Côte d’Ivoire. Conséquences, trop de cacao sur le marché à l’extérieur entrainant une chute des prix à la bourse de Londres. 1000 fcfa le kg de cacao garantis aux producteurs au temps de Gbagbo où le quota d’exportation était respecté est devenu un vieux souvenir. Les plantations sont abandonnées par manque d’argent pour l’entretien.La pauvreté s’est installée dans les villages, les campements et dans les villes de l’ouest, du sud, du centre et de l’Est car le cacao à lui seul nourrissait 65% de la population, c’est-à-dire 65 personnes sur 100 en Côte d’Ivoire, premier producteur mondial.
Le monde du travail est devenu un cauchemar à cause du chômage qui frappe 75 travailleurs sur 100. Conséquences, la jeunesse à laquelle l’année 2023 a été dédiée continue de mourir sur les routes dangereuses de la migration vers l’Europe à travers le Sahara et dans la mer Méditerranée, si elle n’est pas tout simplement expulsée vers les sables du désert par la Tunisie qui a marre d’être envahie par des nécessiteux du sud du Sahara tentant de rejoindre les côtes de l’Espagne et de l’Italie.
Sincèrement, que gagnons-nous à construire de jolis ponts très coûteux là où il nous faut construire des usines pour donner du travail à notre jeunesse en la mettant ainsi à l’abri de l’aventure qui se termine mal dans les sables du Sahara, dans les prisons ou sur les marchés aux esclaves en Libye, ou même dans les profondeurs de la mer Méditerranée ?
Que gagnons-nous à construire un pont inutile et coûteux là où nos hôpitaux manquent d’équipements nécessaires pour prendre efficacement en charge les malades? Là où nos médecins et leurs auxiliaires travaillent dans des conditions difficiles comme dans des hôpitaux de campagne (militaire) d’un pays en guerre? Là où il n’existe pas d’assurance maladie pour mettre les patients (les malades) et leurs parents à l’abri des “ordonnances médicales kilométriques” financièrement amères et insupportables?
Que gagnons-nous à applaudir un joli pont bien coûteux là où il nous faut construire plus d’écoles et les équiper pour mettre fin au phénomène des classes aux effectifs pléthoriques, là où il nous faut construire des centres de formation aux métiers de l’industrie pour avoir une main-d’œuvre qualifiée afin de rattraper notre grand retard sur le chemin de l’industrialisation qui est la base d’un véritable développement ?
Que gagnons-nous à célébrer la beauté d’un pont quand le prix du sac de riz, base de notre alimentation, ne fait que grimper chaque jour que Dieu fait, réduisant ainsi le nombre des repas dans les familles appauvries par l’augmentation du coût de la vie alors que l’État pouvait aider à mettre nos nombreux bas-fonds en valeur afin d’aller à l’autosuffisance alimentaire dans la production de riz national ?
On éviterait ainsi la dépendance de l’extérieur et les dépenses faramineuses de centaines de milliards (800 milliards) par an pour l’importation de riz et autres denrées alimentaires.
À bien y réfléchir, notre gouvernement s’est spécialisé dans le gaspillage, à engloutir des milliards dans des investissements improductifs et dans le tapage médiatique tout juste pour en mettre plein la vue pendant qu’ailleurs, les gouvernements sérieux s’investissent dans la création d’emplois pour leurs jeunesses à travers l’industrialisation, la formation, la création, l’invention, le commerce et la multiplication de pôles d’attraction économiques à travers tout leur territoire.
Combien de ports la Côte d’Ivoire ne pourrait-elle pas créer sur son littoral long de plusieurs centaines de kilomètres d’Est en Ouest ? Les pays africains qui n ont pas de façade maritime en rêvent.La Côte d’Ivoire qui en possède dort sur 2 ports qui remontent à l’ère coloniale pour l’un et à une cinquantaine d’années pour l’autre.
Nous ne voulons plus de ponts inutiles et coûteux à Abidjan.
Nous ne voulons plus de réalisation de prestige à Abidjan.
Nous ne voulons plus que notre argent soit gaspillé sur Abidjan pendant que les autres régions du pays pataugent dans la boue,
manquent de routes praticables en saison de pluies entre les villes, d’hôpitaux équipés, de maternités proches, d’usines pour retenir sa jeunesse, d’écoles de formation pour préparer l’avenir, et où rien n’est fait pour mécaniser l’agriculture, pour développer le commerce et pour stabiliser la population afin de réduire l’exode qui engorge Abidjan.
En conclusion, le Président Laurent Gbagbo n’avait pas tort quand il nous disait il y a quelques années : « Cet homme n’apportera rien à la Côte d’Ivoire…Observez-le, vous retiendrez qu’il est plus friand du superflu, du cérémonial, du beau décor, du côté martial du pouvoir…que du travail lui-même.»
Le président Gbagbo n’avait-il pas vu juste quand on sait que la dette publique de la Côte d’Ivoire culmine actuellement à plus de 25 000 milliards de fcfa avec un homme qui, dans l’opposition, se plaignait du fait que la dette du pays atteigne 6 000 milliards de francs cfa. Inacceptable, criait-il dans ses meetings enflammés ! Et aujourd’hui ?
Mais s’il y a eu un 11 avril pour plonger la Côte d’Ivoire dans le désarroi, il y aura un nouveau soleil pour lui permettre de retrouver le sourire. Car tout finit toujours par finir, un matin ou un soir.
 Traoré Mamadou
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