Côte d’Ivoire – Le stade olympique Alassane Ouattara : une infrastructure de pacotille ?

Le stade olympique d’Ebimpé : une infrastructure qui est censée faire la fierté du pays 

Officiellement le stade olympique d’Ebimpé est un « don » de la Chine au « peuple de Côte d’Ivoire ». Avant d’aller plus loin, il faut tout de suite nuancer cet aspect des choses. La Côte d’Ivoire avait lancé à partir de 2012 un appel d’offre pour la construction d’un stade olympique, qui devait s’inscrire dans une cité olympique plus vaste, qui elle, serait construite ultérieurement. L’appel d’offre concernait uniquement le stade, pas la cité olympique.

Ainsi les offres  ont commencé à affluer. Les Chinois ont proposé de construire toute la cité olympique à 143 milliards FCFA. Dans ce montant, le stade olympique serait construit gracieusement à 67 milliards. Ainsi toute la cité olympique reviendrait à 76 milliards. L’offre était séduisante et fut acceptée. En fait, les Chinois ont « tué le match » avec cette offre. Mais à y regarder de plus près,  le « don » est assorti d’une condition, il s’inscrit dans le cadre d’une offre globale. Ce n’est pas un geste isolé, ce « don » assure à la Chine la construction de la cité olympique. Notons aussi que la Côte d’Ivoire a dû décaisser 4 milliards FCFA sur les 67, comme apport initial réclamé par la Chine.

Pelouse du stade olympique le 12 Septembre suite à la pluie qui s’est abattue sur la ville.
Triste spectacle pour la Côte d’Ivoire, alors que se jouait un match international amical.

Dans le sillage de ce don, la Chine a obtenu d’importants marchés de construction, entre autre, les quatrième et cinquième ponts d’Abidjan, les stades de Korhogo et de San Pedro, et plus récemment l’échangeur du carrefour Akwaba, une vaste infrastructure de 250 milliards dont la première phase a été lancée en Novembre dernier. Ainsi le stade n’a pas coûté 143 milliards comme on l’a entendu dans la presse ces derniers jours, mais bien 67 milliards dont 63 milliards à la charge de la Chine et 04 milliards d’apport de la Côte d’Ivoire. C’est la cité olympique dont le stade est une composante, qui coûtera dans l’ensemble 143 milliards FCFA.

Revers de la médaille, puisqu’il s’agissait d’un don, la construction du stade a été bouclée de bout en bout par les Chinois, la CI ne fut pas vraiment associée. Même les visites du chantier étaient pilotées par une équipe de communication chinoise. Le contrôle de l’ouvrage, censé certifier que la construction est conforme au cahier des charges, était l’œuvre là encore d’une entreprise chinoise. Dans la construction des infrastructures, on s’assure toujours que l’entreprise en charge du contrôle et celle en charge des travaux, n’entretiennent aucun lien, cela pour des raisons évidentes. En Côte d’Ivoire c’est le BNTED qui assure la mission de contrôle des infrastructures importantes. Il y avait bien une représentante du BNTED sur place, mais elle ne décidait de rien. Tous les choix étaient validés en Chine.

Baptisé du nom du président de la république et inauguré en grande pompe le 03 Octobre 2020 par celui-ci, le stade olympique concentrait alors tous les éloges. Pourtant pas pour bien longtemps, des questions sur la qualité de l’ouvrage ont rapidement émergé. Au fil des rencontres, des médias pointaient déjà l’état de la pelouse et certaines commodités. Le 05 Septembre 2021, lors du match de qualification du mondial 2022, entre la Côte d’Ivoire et le Cameroun, il fallait se rendre à l’évidence, extrêmement dégradée, d’une qualité déplorable, la pelouse du stade n’était plus fonctionnelle, moins d’un an après son inauguration.

L’État ivoirien a dû alors décaisser quelques 20 milliards de FCFA (quasiment le tiers du coût de l’ouvrage), pour reprendre la pelouse, mais aussi certaines parties du stade (vestiaires, éclairage, cabines de presse, clôture, système de sonorisation, système d’évacuation, parking extérieur etc…) On pensait alors le stade définitivement fonctionnel cette fois, mais visiblement, il y a encore du travail à faire vu ce qui s’est passé le 12 Septembre dernier. Cette pluie qui a transformé la pelouse en « champ de riz » selon l’expression sur les réseaux sociaux, aura quand eu le mérite de mettre en lumière ce qu’il faut encore corriger. Les images ont tourné en boucle sur les télés africaines.

 

Après le scandale du 05 Septembre 2022, l’ONS avait fait publier cette photo sur son site, où
l’on voit clairement une simulation de pluie sur la nouvelle pelouse. Pourtant, le 12 Septembre, l’eau n’a pu être évacuée.

Un autre problème se pose. C’est la toiture. Les usagers qui ont déjà emprunté la voie en construction qui longe le stade (l’autoroute de contournement), ont sans doute fait le constat de sa détérioration. Totalement blanche au moment de l’inauguration, la toiture du stade a aujourd’hui pris par endroit la couleur du sable. La situation ne date pas d’hier. Elle est visible de tous. Personne n’en parle, la presse n’en fait pas état, alors que cette toiture en l’état, enlève toute sa beauté au stade, elle fait penser à un édifice vieux de plusieurs décennies.

Avons-nous affaire à de la corrosion (rouille) du matériel utilisé ? Ou alors la toiture est-elle faite d’un matériau de type « bâche » dont la couleur a terni sous l’effet du soleil et des intempéries ? Avec toutes les caméras du monde entier qui seront braquées sur le stade, les autorités ivoiriennes doivent réagir pour éviter d’aller au-devant d’un nouveau scandale.  Reprendre la toiture posera certainement un vrai défi technique et logistique, peut-être aussi financier. Mais ce serait vraiment dommage que rien ne soit fait.

Le stade olympique d’Ebimpé : un stade ” bon marché” mais visiblement de qualité médiocre 

D’une capacité de 60 000 places, le stade est grand. Mais c’est la seule qualité qu’on peut lui trouver, car tout montre qu’il a été bâti avec des matériaux ‘’bas de gamme’’, des matériaux ” bon marché”. Ce stade se révèle être une infrastructure de pacotille, quelque chose qui brille mais qui en réalité a peu de valeur. Qualifiée de « Champ de patate » le 05 Septembre 2022, et de « champ de riz » le 12 Septembre 2023, l’infrastructure commence à devenir la risée du pays au lieu d’en être la fierté. Tout comme le palais de la culture lui aussi construit par les Chinois, il se dégage du stade, une impression de fragilité. Il est supposé avoir coûté 67 milliards de FCFA, mais beaucoup pensent que son coût réel n’excède pas 40 milliards.

Oui la Côte d’Ivoire n’a pas fait une bonne affaire en acceptant ce « don » chinois. Si elle avait apporté elle-même le financement, si elle avait engagé ses propres moyens pour le construire, à l’image des stades de Korhogo, Yamoussoukro, San Pedro, et Bouaké, certainement le BNTED serait intervenu dans le contrôle des travaux, et tous ces défauts qu’on découvre aujourd’hui auraient été décelés bien en amont. Nous aurions eu notre mot à dire dans la construction de cet ouvrage. Lors de la pluie du 12 Septembre dernier, l’eau est entrée dans le couloir des vestiaires, la cabine de presse, les loges et les toilettes.

Le Sénégal a construit lui aussi un stade olympique de 60.000 places à Diamniadio, dans la banlieue de Dakar. L’ouvrage a été réalisé par une entreprise turque, sur financement de l’Etat. Le travail est propre, il n’a jamais été remis en cause depuis l’inauguration de l’ouvrage, le stade fait la fierté du pays. Il est à espérer que la Côte d’Ivoire tire les enseignements de cette expérience, en évitant que la future cité olympique, qui sera construite par les mêmes qui ont construit le stade, ne connaisse le sort de celui-ci.

Sur cette image du stade, on peut se rendre compte de la dégradation de la toiture de l’édifice.
La teinte prise par la toiture pose problème, elle donne un “coup de vieux” au stade.

Douglas Mountain 

oceanpremier4@gmail.com   

Le Cercle des Réflexions Libérales

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