Le recueillement…en attendant l’aurore !!!

Aujourd’hui 11 avril 2012, il y a exactement un an que la Côte d’Ivoire a été poussée par derrière pour faire le pas décisif de la descente aux enfers. Le matin du lundi 11 avril 2011, un frère qui habitait dans un immeuble des environs du palais présidentiel de Cocody m’informe au téléphone en ces termes « il ne nous reste plus qu’à prier. De là où je suis, j’ai pu compter une cinquantaine de chars français qui fait mouvement vers le palais de la présidence. Après toute une nuit de bombardement, je pense que la France a décidé ce matin de porter l’estocade finale contre le régime du président Laurent Gbagbo.» La suite on la connaît. Les images ont fait le tour du monde. Les personnes habitées par une parcelle d’humanisme ont été indignées par ces images qui rappellent une fois de plus la barbarie séculaire des puissances occidentales contre tout leader africain qui ose réclamer la part de dignité et d’humanité pour son peuple. Par ces images toute l’histoire de l’Afrique s’est trouvée condensée. En esclaves, par nos propres frères interposés, les Occidentaux veulent continuer de nous traiter. Le film, d’aucuns diront «pornographique » pour mieux décrire le caractère pervers de la mentalité oppressive, du président Laurent Gbagbo en maillot de corps, essuyant avec une serviette de fortune la sueur de l’humiliation et du drame que vivait toute l’Afrique, nous rappelait non moins la déportation de Toussaint Louverture, celle de Samory Touré, mort dans un cachot au Gabon, l’opprobre jeté sur Kouamé Nkrumah, la séquestration 27 ans durant de Nelson Mandela et la disparition dans la brousse katangaise de Patrice Lumumba. Tout ceci, pour que prospèrent les valeurs d’un impérialisme esclavagisant. 
Laurent Gbagbo est arrivé au pouvoir dans des conditions qu’il juge, lui-même par honnêteté, de calamiteuses. Alassane Dramane Ouattara y parvient dans des conditions qu’il juge plutôt démocratiques. Chacun pourra toujours faire la psychanalyse de chaque leader au regard des événements. Une chose est en revanche certaine, le char français qui transporte Dramane Ouattara au palais de la présidence (l’expression est de Marine Le Pen, une révoltée contre la Françafrique) est passé, selon les chiffres officiels que ses partisans brandissent inconsciemment, sur les corps de plus de 3000 Ivoiriens. Les conditions d’accession au pouvoir d’Etat n’ont jamais été autant catastrophiques. Et c’est l’un des leurs, tiraillé et aiguillonné par le dépôt de culture humaniste qui performe le regard de la lucidité de ceux qui s’y brulent réellement qui le dit dans son dernier livre-témoignage D’espérance et de douleur vives : « ce jour-là mon pays était tombé dans les tréfonds des âges primaires » Ibrahim Sy Savané, recrue de la rébellion de Soro Guillaume et ministre de la communication sous le président Laurent Gbagbo n’a jamais été autant convaincu que les observateurs attentifs de notre histoire que le 11 avril 2011 marquait la date de la régression politique en Côte d’Ivoire. 
Depuis ce jour, la ligne de front qui divisait le pays en deux s’est transposé dans les cœurs. Les Ivoiriens sont divisés et ils se parlent désormais à demi-mot. Craignant pour les uns d’être traités d’envahisseurs barbares à la solde de forces néo-coloniales et cachant pour les autres l’espérance d’une résurrection suite à l’intervention d’une justice divine qui viendra rafistoler le tissu de notre société mis en lambeau par les forces du rattrapage ethnique.
A l’occasion du retour de cette date que beaucoup aurait gommé de leur agenda s’il leur était donné le pouvoir d’agir sur le temps, nous avons décidé de nous recueillir pour fourbir les armes de la raison contre le péril discriminant et ségrégant des politiques que nous croyions avoir laissé enfoui dans les profondeurs du passé immémorial et qui guette aujourd’hui encore notre être au monde. En face ils ont décidé de célébrer à leur manière cette date du 11 avril. Comment le feraient-ils sans faire droit à l’imposture ? En réalité qu’est qu’ils célébreraient le jour commémoratif de la ruine de l’Etat de Côte d’Ivoire ? Vont-ils organiser un défilé des chars français et onusiens sur la place de la République pour saluer la ‟capturation″ d’un président de la République et la perte de notre dignité de peuple souverain ? Ce jour-là n’est pas celui de la victoire de Dramane Ouattara, la chape de plomb qui s’est abattue sur le pays en fait foi. Ce n’est pas non plus le jour de l’investiture de leur champion. Alors allez comprendre ce qui peut bien se passer dans la tête des personnes qui célèbrent le jour de la honte en dansant sur les ruines de leur patrie.
Pour notre part, nous avons décidé de nous recueillir en attendant l’aurore. Parce que pour le peuple de Côte d’Ivoire la nuit est tombée sur son histoire le jour de l’arrestation du président Laurent Gbagbo. Les messes noires peuvent toujours se dire à l’occasion de l’anniversaire de cette date, mais on ne nous fera pas avaler l’idée que le peuple ivoirien a fait un bon qualitatif à partir de ce jour. Politiquement, le dialogue politique est au point zéro, la constitution est constamment violée, les opposants sont en exil, en prison et en cavale. Sur le plan économique, le dernier espoir de voir ce pays se relever s’est évanouit sous l’incompétence des conquistadors. Le PPTE qu’ils avaient décrié, en disant qu’il n’est pas responsable qu’un Etat poursuive un statut de pays pauvre très endetté est devenu pour eux un horizon que leurs propres actions rendent aujourd’hui inespéré. Après un an de gouvernance de ceux qui se prenaient pour les messies de notre croissance économique, la sécheresse et le désert ont remplacés les pluies de milliards et les institutions financières internationales sont passées des reports du point d’achèvement de l’initiative PPTE au doute annihilant. Socialement, les conséquences sont plus que désolantes. Face aux licenciements abusifs dans les sociétés publiques et privées, Dramane Ouattara a déjà avoué ne pas avoir de solutions. Il a déjà échoué, lui l’économiste prétendument messianisé par des partisans stupéfianisés par des slogans surréalistes, là où un historien faisait des exploits avec un pays divisé en deux et des gouvernements truffés de rebelles à alphabétiser. La nuit est devenue plus sombre, nous ne pouvons espérer que le jour se lève. 



Joseph Marat

Wed, 11 Apr 2012 10:40:00 +0200

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