QUAND MIAKA OURETO SAUVE LE FPI

La république qui tremblait sur ses bases depuis le 1er déembre 2011 a fini par rompre ce 11 avril 2011. Le président Gbagbo, qui subissait les bombardements de l’Armée française depuis un certain temps, vient d’être capturé et remis aux rebelles de Ouattara qui tentaient vainement, assaut final après assaut final, de le déloger de sa résidence officielle, et les images de sa chute font le tour du monde. Le désarroi dans le camp de ses partisans, dont certains ont été tués, est total. Beaucoup d’entre eux qui avaient senti et vu venir la furia meurtrière ont pu partir en exil quand cela était encore possible ou se terrent en brousse mais d’autres, sont arrêtés, battus à sang, humiliés et jetés en prison ou tout simplement tués. Depuis un peu plus d’une semaine, c’est donc un sauve-qui-peut général dans le camp des pro-Gbagbo, pour échapper à la furia de ces rebelles venus du nord du pays et de certains pays environnants.
Et c’est alors qu’un des leurs, qui était parti du pays avant même les hostilités militaires, fait le voyage en sens inverse, qui plus est dans un avion affrêté par les autorités fraîchement installées. Il rencontre Ouattara à qui il apporte la caution de l’institution qu’il préside, c’est-à-dire l’Assemblée Nationale. Affi Nguessan, le president du FPI, le parti dont est issu le président Gbagbo, qui a vu la manœuvre dénonce aussitôt toute connivence éventuelle des institutions plutôt qu’une solution politique pour sortir de la crise comme l’avait suggéré le président Gbagbo lui-même, peu après sa capture. Affi Nguessan est arrêté et conduit manu miltari au Golf Hotel.

Sans même demander la libération de son camarade, et devenu dès lors président intérimaire du parti, à la place d’Aboudrahmane Sangaré et de Simone Gbagbo, respectivement premier et deuxième vice-président, arrêtés et incarcérés depuis le 11 avril, Mamadou Koulibaly reconnaît au nom du FPI l’élection de Ouattara comme président de la république. Cette posture lui permet de circuler sans être inquiété et de donner des interviews dans lesquelles il fustige son parti et ses dirigeants.

C’est à ce moment-là sans doute que Miaka Oureto se dit qu’il faut être au plus près de koulibaly pour bien voir où il al’intention de conduire le parti et surtout, pour avoir éventuellement les moyens politiques de le contrer. Sa stratégie est arrêtée : Parler comme Koulibaly voire même aller plus loin que lui, s’il le faut. Il fait donc une première sortie sur ONUCI-FM. Jusque-là Koulibaly disait que la victoire de Ouattara était devenue effective dès lors qu’elle avait été entérinée par le panel (Interview à RFI). Miaka lui, invitant ceux qui se battent encore à déposer les armes, dit ceci : « Alassane Ouattara a été élu par les ivoiriens sur la base de son programme. Il faut donc le laisser appliquer ce programme ». Ces paroles ont le don d’énerver beaucoup de partisans du président Gbagbo, certains l’accusant déjà de traîtrise, mais Miaka lui, a compris que, pour assurer sa propre sécurité et pouvoir agir ensuite, il lui faut adopter la même attitude que Koulibaly.

Celui qui lit ces lignes aura compris que, dans ces conditions, Miaka ne pouvait être inquiété puisqu’il jouait à fond le jeu de l’allégeance. Il accompagne même Koulibaly au palais de la présidence pour la prestation de serment de Ouattara. Il ira aussi plus tard à Yamoussoukro pour l’investiture. Et ces dispositions qu’il a montrées ont probablement conduit Koulibaly à penser que sa loyauté lui était acquise et surtout, à passer à une autre phase qui devait être décisive. : L’entrée au gouvernement.

Alors qu’il aurait bien pu, de la même façon qu’il a reconnu Ouattara, coopter des miltants de son parti pour participer au gouvernement, il commet l’erreur de confier à Miaka le soin de convoquer le comité central de son parti pour qu’il se prononce sur cette question. Il pensait sans doute et l’a d’ailleurs dit d’une certaine façon dans la fameuse interview à RFI, que le FPI ne pouvait s’offrir à ce moment-là le luxe d’une hardiesse quelconque en refusant la main qui lui était tendue, même pleine du sang de malheureux et nombreux militants. Et c’est alors que Miaka montra toute sa classe : Travailler contre cette perspective sans rien en laisser paraître. La réponse du Comité Central fut sans équivoque. Ce fut un non massif et « historique » selon les termes utilisés par la Coordination des Exilés au Ghana. « Le FPI n’entre pas au Gouvernement tant que ses dirigeants et son fondateur sont en prison. » trancha ainsi le Comité Central cette question au grand désarroi de Koulibaly qui, sonné, et sentant que les choses étaient entrain de lui échapper, dit alors que ceux qui voulaient entrer au gouvernement pouvaient y entrer mais que cela ferait sans l’aval du parti. Curieux quand même ! Une question est posée au Comité Central qui dit non et celui qui a posé la question autorise quand même certains à s’en affranchir alors qu’il est censé veiller à ce que la discipline règne dans son parti. Finalement, Il n’en sera rien car Koulibaly finira par concéder totalement sa défaite sur ce point. Et Miaka, pour ne pas paraître suspect, et surtout pour bien cacher son jeu, regrettera même cette décision de ne pas entrer au gouvernement.

Miaka restera stoïque devant les autres tentatives qui consistaient à faire changer de nom et de ligne idéologique au Parti. Jamais, il ne s’opposera frontalement à Koulibaly. Il laissera les exilés s’en charger. Lazare Koffi Koffi d’abord, qui sera suivi par Katinan Koné et d’autres.

Après toutes ces tentatives infructueuses, quand Koulibaly veut faire un congrès et il demande à Miaka de l’organiser. Ce dernier ne lui dit pas non, il n’en a pas besoin car les sécretaires fédéraux qui travaillent sous les ordres du secrétaire général qu’il est, vont s’en charger. Ces derniers font comprendre à Koulibaly que son statut de président intérimaire lui permet d’agir et de diriger le parti et que, de toutes les façons, il leur est impossible de réunir pour consultation les secrétaires généraux de section. Le congrès ne se tiendra donc pas.

Au final, pas d’entrée au gouvernement, pas de changement de nom et de ligne idéologique du parti et pas de congrès. Koulibaly comprend alors qu’il a perdu et, sans même le dire à Miaka, il démissionne en fustigeant les caciques qui, selon lui, empêchent toute évolution du parti. Mais pourquoi ne dit-il rien à Miaka? Parce qu’il a compris qu’il a été roulé dans la farine par ce dernier qui, savourant avec une retenue inégalable, regrettera cette démission « à la surprise générale », d’un homme qui aura « abandonné ses camarades en détention ». Il lui souhaitera même « bon vent » mais il avait conscience qu’il venait de sauver son parti d’un prédateur surgi de ses rangs.

A un patriote qui s’inquiétait pour l’avenir du FPI après le départ de Mamadou Koulibaly, je répondis ceci : « Le FPI est sauvé, le reste ne dépend pas de lui. »
Le FPI doit une fière chandelle à Miaka Oureto et à tous ceux qui ont élaboré cette stratégie pour contrer Koulibaly.

Alexis Gnagno

Sun, 12 Feb 2012 02:54:00 +0100

0

Laisser un commentaire

Nous utilisons des cookies afin de vous offrir la meilleure expérience possible sur notre site Web. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez notre utilisation des cookies.
Accepter
Refuser
Privacy Policy