Serges Koffi (ex-SG de la FESCI) en exil : “La route de la Cpi ouverte par Ouattara restera toujours ainsi”

Notre Voie : Où êtes-vous en ce moment ?

Serges Koffi : Je suis dans un pays où la vie humaine a de la valeur. Un pays où le chef de l’Etat n’a pas droit de vie ou de mort sur ses concitoyens tel un tyran, mais plutôt qui respecte et fait respecter leurs droits. Je suis enfin dans un pays où il n’existe pas d’armée tribale rompue à la seule tâche de faire la chasse aux opposants pour avoir osé contredire leur «seigneur». Vous comprenez donc que je suis partout sauf en Côte d’Ivoire.

N.V. : Comment avez-vous vécu le 11 avril 2011 ?

S.K. : Le 11 avril 2011 représente pour moi, la date du coup d’Etat militaire de l’armée fran-çaise contre les institutions ivoiriennes. C’est aussi la date de la trahison d’une minorité d’Ivoiriens vis-à-vis de leur pays en acceptant d’applaudir l’action funeste d’une armée étrangère en Côte d’Ivoire. J’ai eu peur pour le Président Gbagbo, la Première dame, Simone Gbagbo, et pour tous les Ivoiriens. Enfin, j’ai retenu ce jour-là, que le Président Gbagbo est un grand leader de la trempe des Mathma Gandhi et Nelson Mandela qui savent défendre leurs convictions jusqu’au bout.

N.V. : Quelle analyse faites-vous, avec du recul, des événements qui ont secoué la Côte d’Ivoire au lendemain des élections présidentielles de 2010 ?

S.K. : Un an après le coup d’Etat de l’armée français en Côte d’Ivoire, j’ai enfin la confirmation que la rébellion armée qui a endeuillé la Côte d’Ivoire depuis septembre 2002 poursuivait l’unique objectif de mettre M. Ouattara au pouvoir. Les élections calamiteuses auxquelles nous avons assisté en octobre et novembre 2010 n’étaient qu’un prétexte que recherchaient les parrains français pour parachever l’œuvre de leurs filleuls rebelles qui se trouvaient en difficulté dans leur mission de putsch.

N.V. : La résistance a-t-elle été un échec ?

S.K. : Nous menions la résistance les mains nues avec en face une rébellion armée. Nous avions réussi à mettre cette rébellion en échec au point d’emmener ses parrains à faire tomber leurs masques. Pour cela, je crois que la résistance a été une victoire. Même si nous avons perdu une grande bataille dans notre lutte, au moins, on a pu voir les vrais visages de ceux contre lesquels nous nous battions depuis 2002. Je m’incline devant la mémoire de nos martyrs et félicite tous ceux qui continuent la lutte.

N.V : Laurent Gbagbo a été transféré à La Haye, le 29 novembre 2011. Comment avez-vous vécu cela ?

S.K. : C’est tout simplement le signe distinctif de la panique de ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui. L’attitude de M. Ouattara de se comporter comme un véritable chef de guerre en refusant tout compromis avec ses adversaires politiques se justifie par sa prise de conscience des circonstances qui l’ont conduit au pouvoir. Cela me conforte dans ma position que M. Ouattara n’était même pas qualifié pour le second tour de l’élection présidentielle. Vous comprenez donc que je ne peux même pas imaginer qu’il puisse le remporter.

N.V. : Pensez-vous que Gbagbo peut être blanchi au terme de ce procès ?

S.K. : Si c’est un procès basé sur le droit et qui respecte les procédures judiciaires, je vous jure que le Président Gbagbo sera acquitté car il est innocent. Maintenant s’il s’agit d’un procès politique, là il faudrait poser la question à MM. Ouattara et Sarkozy qui ont la réponse.

N.V. Un nouveau Par-lement vient d’être formé avec à sa tête Guillaume Soro Kigba-fori. Qu’en pensez-vous ?

S.K. : D’un point de vue fonctionnel, un Parlement qui est constitué d’une seule tendance politique est naturellement mis en place pour ne jamais avoir de contradictions réelles sur les questions d’intérêt national exposées à l’hémicycle. Ce parlement devient donc une caisse de résonnance de l’exécutif. C’est encore une preuve que le régime Ouattara est anti-démocratique. Je laisse l’aspect juridique de la mise en place de cette institution aux hommes de droit.

N.V. : Comment voyez-vous l’avenir de la Côte d’Ivoire ?

S.K. : L’avenir de la Côte d’Ivoire présente beaucoup d’incertitudes. Les licenciements arbitraires et tribaux, le manque de politique publique pour l’insertion sociale des jeunes ont considérablement augmenté le taux de chômage dans notre pays. En plus de cela, la cherté de la vie et la baisse du pouvoir d’achat des populations avec comme conséquence le panier de la ménagère qui est totalement vide. Avec ce triste tableau, quand on critique le pouvoir de M. Ouattara, on doit se retrouver au cimetière, dixit l’un de ses farouches défendeurs. Avec tout ça, l’heure n’est pas seulement grave pour la Côte d’Ivoire mais c’est aussi l’avenir du pays qui est sombre.

N.V. : Votre point de vue sur un éventuel transfèrementde Mme Simone Gbagbo à La Haye…

S.K : Plus rien ne peut nous surprendre dans les agissements de ce pouvoir frileux dont le sommeil est tout le temps hanté par des coups d’Etat imaginaires, un prétexte pour soit faire des enlèvements suivis d’assassinats, soit emprisonner des opposants.
Seulement il faut que le régime Ouattara au comportement étrange sache que la route de la CPI qu’il a ouverte à la Côte d’Ivoire restera toujours ainsi.

N.V. : Pensez-vous que la Commission dialogue, vérité et réconciliation dirigée par Charles Konan Banny pourra effectivement réconcilier les Ivoi-riens ?

S.K. : Je ne voudrais pas commenter les mises en scènes auxquelles on assiste de la part de cette Commission. Pour ma part, je persiste à croire que la réconciliation ne sera une réalité que le jour où toutes les parties se retrouveront pour débattre des questions de fond de la crise ivoirienne afin de vider le contentieux électoral car n’oublions pas que la question de fond demeure. A savoir, qui a réellement remporté les élections présidentielles de 2010?

Entretien réalisée par César Ebrokié in Notre Voie

Sat, 07 Apr 2012 11:35:00 +0200

0

Laisser un commentaire

Nous utilisons des cookies afin de vous offrir la meilleure expérience possible sur notre site Web. En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez notre utilisation des cookies.
Accepter
Refuser
Privacy Policy