Antoinette Konan, (chanteuse pro Ouattara):”Je Pars de la Côte d’Ivoire, rien n’a changé, je suis déçue”

Notre Voie : Tout récemment, vous annonciez votre départ pour les Etats-Unis où vous avez décidé de vous installer. Qu’est-ce qui justifie à ce jour votre présence à Abidjan ?

Antoinette Konan : J’ai l’impression que vous n’êtes pas contents de me voir encore chez moi. Même si je me suis annoncée aux Etats-Unis, cela ne veut pas dire que je m’envolerais immédiatement pour ce pays. Je ne peux pas vous fixer une date mais ce qui est sûr, c’est que je m’en irai incessamment.

N.V. : Qu’est-ce qui vous pousse à quitter le pays ?

AK : Je pars bientôt pour les Etats-Unis afin de réactiver mes réseaux. En effet, depuis le décès de ma mère, en 2001, j’y pensais. Mais soucieuse de l’avenir de mes enfants et à cause de la situation sociopolitique qui n’était pas bien équilibrée en Côte d’Ivoire, j’ai dû aviser. Aujourd’hui, je pense que c’est le moment. Il faut que les gens retiennent surtout que je vais aux Etats- Unis pour travailler. En plus, je quitte ce pays pour protester, à ma manière, contre une certaine injustice quant au paiement de nos droits d’auteurs, nous artistes de Côte d’Ivoire. Je me rends compte que c’est la même chose qui s’installe, la même complicité… Je vais donc me retirer un peu. Et comme il paraît que les choses vont s’arranger bientôt, je reviendrai un jour.

N.V. : Vous semblez révoltée contre le Bureau ivoirien du droit d’auteur (Burida)…

A.K. : Révoltée ? C’est peu dire. Mais je ne veux pas ressasser les choses parce qu’il y a, comme je le dis, que je me plains d’une certaine injustice. Par exemple, à une époque où on n’était pas assez connus, on percevait nos droits qui nous permettaient de vivre décemment. Mais depuis qu’il y a un nombre pléthorique de personnes au Burida, peut-être que c’est ce qui nous vaut d’être aussi pauvres, les choses ne vont pas comme nous le souhaitons. Je n’ai plus 20 ans, et c’est ma façon à moi de protester. Ici, ceux que je vois graviter autour du cadre du Burida n’ont aucune intention de nous permettre de manger parce que toutes les décisions viendront d’eux. Je me dis qu’il y a un problème. Mon souhait, c’est que les choses rentrent vite en ordre pour que, comme j’adore mon pays, je puisse travailler dans de bonnes conditions. Car je ne veux pas travailler pour être pauvre tout en me grattant la tête. Je trouve malsain de voir qu’il y a des gens qui prennent plaisir à nous appauvrir. C’est pourquoi, je veux me donner le temps d’aller voir ailleurs, le temps que les choses s’améliorent.

N.V. : Rien n’a-t-il vraiment changé au Burida avec la nouvelle équipe dirigeante ?

A.K. : Rien n’a changé au Burida. Le même mauvais esprit qu’on a décrié est en place. Peut-être qu’ils veulent fermer les yeux là-dessus. Je ne sais pas. Mais c’est ce mauvais esprit qu’il va falloir briser.

N.V. : Que voulez dire par «mauvais esprit» ?

A.K. : C’est de prendre ce qui ne vous appartient pas et d’être à l’aise. Ça, je l’ai toujours combattu.

N.V. : Et c’est qui exactement ?

AK. : Au Burida, il ya plusieurs équipes qui gravitent autour du noyau. En fait, je n’ai pas l’intention de susciter une nouvelle polémique. Mais si ça continue comme ça, je vais prendre des dispositions qui s’imposent à moi. C’est-àdire m’appuyer sur un avocat pour réclamer mes droits.

N.V. : Vous n’êtes pas loin de former un syndicat…

A.K. : Je ne suis pas pour la formation d’un syndicat. C’est trop compliqué. Je ne nourris pas cet esprit. Ma priorité, c’est le travail pour que je vive de mon art. Voilà pourquoi je me plains tout le temps. Mais je ne crie pas sur tous les toits. Je continue de travailler. Par exemple, j’honore des contrats un peu partout.

N.V. : Opteriez-vous pour une nouvelle façon de gérer le Burida ?

A.K. : Verbalement, je ne veux plus entrer dans ça. J’ai assez proposé, j’ai assez parlé. Dès maintenant, il faut qu’on pense à payer mes droits d’auteur parce que j’en ai besoin.

N.V. : Vous parlez en votre propre nom ou au nom de tous les sociétaires déclarés au Burida ?

A.K. : Eux, ça ne les intéresse pas. Il y en a parmi eux qui n’ont pas de droits mais qui s’arrangent pour se les arroger. Je ne parle pas de ceux-là. Je parle de ceux qui travaillent décemment et qui, jusque-là, restent sur leur faim.

N.V. : Combien d’années que cela dure-t-il ?

A.K. : Je suis allée me plaindre tout récemment à Mme Viera que cela fait un moment que je ne perçois plus mes droits. Suite à cela elle a donné des ordres à un membre de son équipe pour qu’on me verse la somme de 700 mille Fcfa. C’est donc parce qu’ils ont voulu qu’ils m’ont trouvé cette somme. Alors je me dis que j’ai encore des droits quelque part puisque je n’ai pas arrêté de travailler. Le jour où je m’en vais de ce pays, je ne voudrais pas qu’on me dise à mon retour que je n’ai plus de droits ici. C’est tout mon souci.

N.V. : Concrètement, qu’allez-vous faire aux Etats-Unis, votre prochaine destination ?

A.K. : J’y vais pour honorer des contrats.

N.V. : C’est-à-dire ?

A.K. : Des gens de la diaspora ivoirienne m’ont invitée à chanter à Washington. Je ne vais pas étaler tout mon calendrier durant le séjour. J’ai aussi d’autres projets à réaliser là-bas.

N.V. : Un ou des albums par exemple ?

A.K. : Pourquoi pas. Il y a quand même des musiciens que je connais qui réside dans ce pays. En tout cas, je ne vais pas aux Etats-Unis pour m’amuser car j’en ai gros sur le coeur. Lorsque je m’évertuais à réclamer une certaine justice par rapport au non paiement de nos droits, il y en a qui pensaient que c’est parce que je suis finie. Je vais leur dire qu’ils se trompent sur mon compte. J’ai plus d’une corde à mon arc.

N.V. : Adieu la musique traditionnelle alors, base de votre travail ?

A.K. : Non Si ! Je vais y apporter de nouveaux éléments. J’aimerais essayer d’autres sonorités. Et comme en général, lorsque je cherche, je trouve, je ne me fais pas de souci.

N.V. : A côté de l’ahoco, votre instrument de prédilection, à quoi doiton s’attendre ?

A.K. : On verra.

N.V. : Il est à parier que qu’il y aura beaucoup d’ahoco dans vos valises …

A.K. :Mais bien sûr ! De toute façon, ça ne pèse pas lourd. Il n’y a que le racleur et la caisse de résonnance. D’ailleurs, il se pourrait que je donne des cours là-bas.

N.V. : Quelle est la musique américaine qui vous fascine le plus ?

A.K. : La nouvelle tendance plus proche de la musique africaine dans le style «Waka Waka» de Shakira. Si les Américains se rapprochent de nous, cela signifie qu’on peut entrer dans le tempo. Voyez vous, je me suis réveillée, il y a longtemps. Je chante, je danse tout…En fait, c’est la timidité qui alourdissait mes jambes. Désormais, je m’éclate à mort.

N.V. : Est-ce parce que vous avez vaincu votre timidité que vous revendiquez beaucoup ?

A.K. : Effectivement ! Je dénonce ce qui n’est pas juste parce que c’est maintenant que j’arrive à m’exprimer totalement. Je n’aime pas les frustrations car elles gâtent beaucoup de choses.

N.V. : Vive une Antoinette Konan nouvelle, n’est-ce pas ? Et dans combien de temps ?

A.K. : Laissez-moi arriver d’abord aux Etats-Unis. Laissez-moi remplir mes contrats, avant de travailler tranquillement pour que tout le monde soit content de ce qui va arriver. Moi, je n’aime pas l’à-peu-près. Etant perfectionniste, je parais très compliquée.

N.V. : Effectivement, il se raconte que vous êtes très compliquée…

A.K.: Ça dépend de qui parle. Sinon cela ne m’effraie pas. Mais j’avoue que je suis très exigeante.

N.V. : Avez-vous des amies ?

A.K. : Non mais j’ai des « Tanties ». Ce sont mes conseillères. J’ai été beaucoup déçue par mes amies.

N.V. : Est-ce pour cela que vous êtes souvent en conflit avec vos amies ?

A.K. : Je ne suis pas gonflée. Mais quand je constate que quelqu’un ne me comprend pas, je prends mes distances. La majorité de mes amies sont des hommes. Eux, ils ne voient pas que je suis compliquée.

N.V. : Comment expliquez-vous cela ?

A.K. : Je ne sais pas être mauvaise langue. Or la femme, c’est d’abord ça. Ça te regarde ou pas, il faut toujours que tu en parles. Quand c’est comme ça, je me mets à l’écart. Et c’est là que les femmes trouvent que tu es suffisante. Moi, ça m’est égal.

N.V. : Est-ce cette franchise qui vous caractérise qui vous fait souvent clamer haut et fort que vous êtes d’obédience Pdci ?

A.K. : Je n’ai jamais été autre chose. Dire à qui veut l’entendre que je suis Pdci n’a jamais été un problème pour moi. Je ne vois pas le mal que le Pdci fait. Mais il faut dire que je ne suis pas vraiment politique. Je dis les choses telles que je les sens. Cela ne veut pas dire que j’ai du mépris pour les autres.

N.V. : Dans une interview accordée à un confrère de la place vous avez déclaré votre déception de la situation socio-politique en Côte d’Ivoire. L’êtes-vous toujours ?

A.K. : Il ne faut pas se voiler la face. Je suis déçue parce que j’avoue que je m’attendais à mieux que ça. Mais j’attends de voir comme il paraît que c’est un début.

N.V. : Que voulez-vous insinuer par «mieux que ça» ?

A.K. : J’ai toujours milité pour l’équité dans tous les domaines de la vie. Je pense que l’équité est le préalable à toute paix durable dans n’importe quelle société. Et il faut qu’elle soit palpable à tous les niveaux. C’est mon opinion et je n’ai pas changé.

Interview réalisée par Schadé Adédé in Notre Voie
schadeci@yahoo.fr

Fri, 15 Jun 2012 00:20:00 +0200

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