Abou Cissé, oncle maternel d’Alassane Ouattara : “Si Ouattara fait 2 ans, on sera en enfer”

Notre Voie : Après avoir été Premier ministre, Guillaume Soro est désormais président de l’Assemblée nationale. Donc 2ème personnalité de l’Etat. D’aucuns disent qu’il n’est plus loin du fauteuil présidentiel alors que vous affirmez qu’il est un mouton de sacrifice…

A .C : Ecoutez, dans la logique à Soro lui-même, sa place n’est ni à la Primature ni à l’Assemblée nationale.

N.V : Où se trouve-t-elle ?

A.C : Mais, c’est au palais présidentiel. Le poste de président de l’Assemblée nationale n’est pas toujours garanti pour longtemps. Nous sommes en politique, on peut te faire un coup et le parti qui t’a porté va te déposer pour un autre député. Alors qu’en tant que chef du gouvernement et ministre de la Défense, Soro avait ses éléments (les ex-rebelles) qu’il pouvait utiliser. Maintenant qu’il est président de l’Assemblée nationale, c’est fini. Il sera coupé de sa base. Comme le dit un proverbe, la main n’est utile que lorsqu’elle est rattachée à l’homme qui la possède.

N.V : Des voix s’élèvent au sein de l’ex-rébellion armée pour réclamer 5 millions fcfa par combattant que Ouattara aurait promis, depuis 2002, s’il parvenait au pouvoir grâce à leur aide. Il y a également la mort suspect d’Ibrahim Coulibaly dit IB qui constitue un facteur de colère chez certains ex-rebelles. Avez-vous entendu parler de tout cela ?

A.C : Tout à fait. J’en ai entendu parler. Vous savez, Alassane a fait beaucoup de promesses qu’il ne peut pas réaliser. Cette promesse de 5 millions fcfa, je pense que c’est du vent. Parce que le pays n’a pas les moyens de verser une telle somme par individu. Quant à IB, il a été le garde du corps d’Alassane. Il a cru en ce qu’Alassane disait. La mort d’IB est un problème à la fois pour Soro et Ouattara. Alassane ne s’est pas rendu chez les parents d’IB pour leur présenter ses condoléances. On peut même avoir commis un crime et donner l’impression qu’on ne l’a pas fait. Par ailleurs, Alassane ne fait rien pour la réconciliation nationale dont il a fait dérailler le train depuis longtemps. Ce n’est pas en voulant régner par la violence et la terreur que la population va se soumettre à vous.Qu’Alassane sache qu’on est un démocrate quand on accepte les critiques. Ce n’est pas quand on s’entoure de béni-oui-oui et de va-t-en-guerre. Il suit la voie d’Abdoulaye Wade. Alassane est un dictateur en herbe et s’il arrive à faire deux ans, nous nous retrouverons en enfer dans ce pays.

N.V : Ses partisans pensent le contraire…

A.C : Au début oui, mais beaucoup de Dioulas et d’autres Ivoiriens qui avaient placé leur espoir en lui ont totalement changé de position, au vu de l’incapacité d’Alassane à gouverner la Côte d’Ivoire. Il est en train de créer les conditions de l’enfer qu’il réserve aux Ivoiriens. Ce ne sont pas l’armée française ni l’Onuci qui pourront empêcher le peuple ivoirien de réclamer le droit à la démocratie, le moment venu. La mal gouvernance débouche sur la dictature. Et la dictature suscite une révolte populaire. Vous ne pouvez pas compromettre l’avenir de toute une génération de jeunes, puisque c’est la conséquence de la fermeture des l’Universités nationales durant un an. Dans tous les secteurs d’activités, nous assistons à un drame inimaginable : licenciements, chômage, fermeture, paupérisation, etc.

N.V : Vous dressez un tableau sombre de la gouvernance du chef de l’Etat, Alassane Dramane Ouattara, alors que ses pairs de la sous-région l’ont choisi récemment comme président en exercice de la Cedeao. Ce que vous dites n’est-il pas en contradiction avec ce que ses pairs pensent de lui ?

A.C : Ses pairs africains ne lui diront jamais ce qu’ils pensent réellement de lui. Cette désignation comme président en exercice de la Cedeao, c’est sûr qu’elle est faite sur injonction de la France. Il a été quasiment imposé à la Cedeao. Et puis, que représente la Cedeao, aujourd’hui ? Rien ! L’unité africaine a volé en éclats. Les peuples boudent la Cedeao et l’Ua face à leur complicité dans le drame que certains pays occidentaux font vivre au continent avec les cas ivoirien et libyen. Au niveau de la Cedeao, Alassane ne peut pas imposer au peuple ivoirien, la double nationalité entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso comme il l’espère.

N.V : Parce que vous pensez qu’il veut le faire ?

A.C : Il y pense mais qu’il sache que les Ivoiriens n’accepteront pas ça. Cette manœuvre d’Alassane et de ses soutiens ne passera pas.

N.V : Au-delà de la cohésion de façade, l’alliance entre le Pdci et le Rdr paraît fondamentalement fragile. On l’a constaté lors des élections législatives où la violence, les injures, les agressions physiques, la fraude et l’intimidation ont marqué les joutes entre candidats des partis membres du Rhdp. Est-ce à dire que le Rhdp possède les germes de son autodestruction ?

A.C : Rien de tout ça ne m’étonne. Parce qu’il faut voir l’esprit dans lequel se trouve le Rdr.

N.V : Quel est cet esprit ?

A.C : C’est un esprit de violence et de belligérance, alors qu’un parti politique doit être le produit de la sagesse. Voyez-vous, je ne suis pas militant du Fpi mais j’ai observé ce parti dans son évolution jusqu’à l’arrivée de Gbagbo au pouvoir en 2000. J’ai échangé avec Gbagbo à un moment où la population ivoirienne voulait qu’il se révolte contre l’extérieur. Je le dis clairement, jamais Gbagbo n’a parlé d’utiliser la violence. Alassane que je connais bien a toujours estimé qu’il faut arriver au pouvoir par tous les moyens. Et c’est cet esprit qui est partagé au Rdr. Pourquoi le Pdci peut-il s’étonner qu’on ait frappé Kkb, le président de sa jeunesse ? Il n’y a jamais eu d’alliance Pdci-Rdr. En frappant Kkb, c’est Bédié qu’on a frappé. La violence du Rdr est le mal de la Côte d’Ivoire.

N.V : Dans ce cas, Banny pourra-t-il réussir sa mission de réconciliation si le mal est si profond ?

A.C : Mais Banny, en lui confiant la commission dialogue, vérité et réconciliation, est-ce qu’on lui a dit qu’il faut d’abord désarmer l’esprit de violence, de haine et de vengeance qui habite Ouattara et le Rdr ? C’est ce qu’il doit faire dans un premier temps avant d’aller vers les populations. Tant que cela ne sera pas fait, Banny perd son temps.

N.V : Votre ambition de diriger le Rdr demeure-t-elle ?

A.C : Ce n’est pas le type de Rdr devenu violent, haineux et dangereux avec Alassane Ouattara que nous voulons. Il faut que le Rdr soit tolérant et accepte l’autre, la différence. Mais tant que cet esprit violent règne au Rdr, je pense qu’il vaut mieux être un citoyen libre.

Interview réalisée par Didier Depry in Notre Voie
didierdepri@yahoo.fr

Tue, 20 Mar 2012 02:30:00 +0100

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